Accès
Accès en voiture
Emprunter l'autoroute A9 jusqu'à la sortie Riddes ou Conthey, puis suivre la direction d'Ardon. Malheureusement, la commune a durci les règles de stationnement: désormais, les parkings dans le village sont limités à 2 et 5 heures selon les zones. Quelques places près de la gare semblent échapper à cette restriction, mais leur nombre est très limité. Un parking "longue durée" est aussi disponible à environ 200 mètres de la gare, sur le territoire de Vétroz (Avenue de la Gare 143).
Accès en transports publics
Ardon bénéficie d'une desserte ferroviaire régulière. Consulter l'horaire en ligne des CFF pour trouver la meilleure correspondance.
D'Ardon à Chamoson
Depuis la gare, le sentier pédestre remontait la Lizerne jusqu'à la centrale hydroélectrique avant de bifurquer vers le sud-ouest à travers les vignes en direction de Chamoson. Cet itinéraire, qui évitait soigneusement le cœur du village, ne me paraissait guère optimal. J'ai donc choisi de zigzaguer à travers les ruelles asphaltées d'Ardon, en traversant diagonalement le bourg jusqu'à atteindre l'église. De là, j'ai très vite rejoint le sentier balisé, qui serpentait dans les vignes. J'ai trouvé fascinant de découvrir comment, au fil des siècles, les hommes avaient dompté ces pentes abruptes avec une ingéniosité remarquable, en érigeant d'innombrables murets de pierre sèche qui transformaient le terrain escarpé en terrasses étroites, dédiées à la culture de la vigne.
Pendant que je progressais au pied de la paroi rocheuse, des cavités, semblables à des fenêtres, ont attiré mon regard. À priori, elles donnaient accès à une galerie dans laquelle coulait un bisse, ce fameux canal d'irrigation typique du Valais. J'ai eu une forte envie d'emprunter une sente étroite et légèrement exposée menant à ces curiosités, mais un panneau en interdisait formellement l'accès. J'ai soupçonné que cette restriction visait principalement à décharger les gestionnaires du site de toute responsabilité en cas d'accident. Cependant, en raison de la présence de vignerons au travail à proximité, j'ai renoncé à explorer ces lieux mystérieux.
En suivant le balisage jaune, j'ai atteint un croisement de sentiers pédestres devant une petite construction qui ressemblait à un réservoir d'eau. Là, des panneaux bleus ornés d'un "S" jaune orangé venaient s'ajouter aux marquages habituels. Ils signalaient le "sentier du cep à la cime", un parcours didactique dédié à l'histoire et aux secrets du paysage viticole de Chamoson. En m'attardant quelques instants sur l'un des panneaux, j'ai appris que les falaises du Six de Gru abritaient plusieurs espèces de rapaces emblématiques: le grand-duc d'Europe, le gypaète barbu, et même le faucon crécerelle.
Les parois rocheuses devenaient de plus en plus imposantes et majestueuses, au point que je devais me tordre la nuque pour en observer les faîtes. J'ai guetté en vain les rapaces évoqués par le panneau, mais seul un hélicoptère pulvérisant des produits phytosanitaires sur les vignes tournoyait dans le ciel. Cet engin bruyant expliquait probablement, en partie, l'absence d'oiseaux sauvages dans les parages.
D'un faux plat, j'ai atteint un bassin de rétention, qui marque le début de la longue et raide ascension sans répit vers l'ître du Gurry. Le chemin longeait ensuite le lit artificiel d'un torrent. Bien que complètement asséché, son ampleur trahissait la violence des crues qui dévalaient de La Routia lors des orages. Vers 640 mètres d'altitude, un petit pont enjambait le ravin, puis une route asphaltée m'a conduit rapidement à un croisement de sentiers, situé à deux pas des premières habitations de Chamoson.
De Chamoson à l'étang de Némiaz
J'ai emprunté le "sentier de Jeanbasse", qui montait en direction de "Némiaz par les Brayères". Le parcours serpentait gracieusement entre les vignobles des Brayères et des Crêtes, offrant des vues pittoresques à chaque tournant. Le toponyme "Brayères" tirerait son origine du gaulois "braca" signifiant "digue, muraille", évoquant ici les terrasses viticoles taillées à même la pente. Quant à "Crêtes", il dérive du latin "crista", qui signifie "arête, crête", et désigne une pente escarpée. Effectivement, la montée s'est faite plus raide, heureusement adoucie ici et là par des escaliers de pierre. Le sentier a débouché sur un parking gravillonné. Non loin de là, cachée au pied d'un énième muret, une halte bucolique avec des tables rustiques, des barbecues fixes et une atmosphère paisible invitait à la pause.
Avant de reprendre mon périple, j'ai scruté de nouveau les impressionnantes falaises, tentant en vain de deviner où serpentait le sentier de randonnée. Bien que je l'aie déjà parcouru auparavant, je ne suis parvenu à rien discerner dans ce fascinant dédale minéral.
Vers 770 mètres d'altitude, une bifurcation m'a contraint à quitter le "sentier du cep à la cime" (qui filait vers la gauche) afin de gagner Némiaz. Malgré la pente prononcée, j'ai accéléré le rythme pour fuir les nuages de produits pulvérisés par l'hélicoptère, qui venait d'arroser un vigneron sans ménagement quelques instants plus tôt.
Après un court passage en forêt, les premières maisons de Némiaz sont apparues. À P. 912, devant le Restaurant les Violettes, j'ai ignoré les flèches jaunes indiquant un sentier sur la gauche et j'ai suivi la Route de l'Étang. Sans surprise, celle-ci m'a mené jusqu'à un plan d'eau, alimenté par le bisse de Némiaz.
De Némiaz au point de vue de La Peuflaire (P. 1255)
J'ai continué sur la droite de l'étang, jusqu'à rejoindre un poteau signalétique (P. 950), d'où partait le sentier vers La Routia. Très vite, je suis arrivé au pied d'une digue de protection contre les crues. Un seau métallique, totalement écrabouillé et inutilisable, traînait au sol, captant mon attention. Amusé, je me suis demandé s'il avait par hasard servi à transporter le matériel nécessaire à la construction de cette digue…
Un panneau avertissait les randonneurs que la suite du sentier comportait des passages aériens et qu'il était déconseillé aux personnes sujettes au vertige. Ayant déjà arpenté ce sentier par le passé, je ne pouvais qu'approuver cette mise en garde, tant certaines zones sont impressionnantes.
Après deux heures de marche sous un soleil valaisan impitoyable, même en ce début de mois de mai, j'ai savouré la fraîcheur bienvenue de l'ombre. Le sentier grimpait abruptement en sous-bois, mettant mes mollets à rude épreuve. Au fil de l'ascension, j'ai croisé plusieurs arbres tombés sur le chemin, mais aucun obstacle n'était infranchissable.
Arrivé au bord d'un ravin asséché, j'ai contemplé le lit creusé par la furie des crues passées. La puissance des eaux déchaînées se devinait à la taille et au volume des rochers dispersés, me convainquant qu'il valait mieux éviter ce lieu lors d'un orage! Heureusement, le sentier, bien entretenu, permettait une traversée sans danger.
Quelques minutes plus tard, un nouvel arbre obstruait le passage. Cette fois-ci, le contourner s'est révélé plus délicat, la pente étant assez raide et le terrain friable. Heureusement, des branches robustes ont joué le rôle de prises improvisées.
Vers 1175 mètres d'altitude, la forêt a laissé place à un décor minéral dominé par des falaises impressionnantes. Il était difficile d'imaginer qu'un sentier pouvait bien se faufiler à travers un tel chaos rocheux! Pourtant, un câble métallique et des marques blanc–rouge–blanc dévoilaient l'itinéraire. C'était le début de la section que certains qualifieraient de ludique et d'autres de stressante, selon les points de vue. L'ambiance est devenue soudainement très aérienne, exigeant de rester concentré, bien que les passages exposés soient sécurisés par des câbles. Comme indiqué au départ du sentier, cette traversée n'est destinée qu'aux marcheurs particulièrement à l'aise avec le vide.
Environ 150 mètres plus loin, le chemin atteignait une brèche située vers 1230 mètres d'altitude. Une sente discrète sur la droite, non sécurisée, menait à une dalle offrant un belvédère vertigineux sur la plaine du Rhône et les falaises du Haut de Cry. De là, on distinguait aussi la première section aérienne parcourue, et on pouvait s'amuser à repérer la suite de l'itinéraire qui serpentait dans ce labyrinthe rocheux.
Depuis la brèche, une courte descente, bien que raide, introduisait la deuxième phase de la traversée, encore plus aérienne. Le sentier, moins évident, restait néanmoins guidé par les traces de balisage et les câbles.
Des chaînes ont ensuite remplacé les câbles. Elles étaient solidement fixées à la roche, mais étaient plus flottantes. J'ai été moi-même surpris initialement par leur large mouvement… Le parcours devenait plus exigeant, avec un sol parfois glissant.
À la fin des chaînes, un très court passage non sécurisé, bien que toujours exposé, testait une fois de plus les nerfs. Accoutumé à utiliser toute protubérance rocheuse comme point d'appui, cela ne m'a pas perturbé, mais l'expérience pourrait s'avérer stressante et déstabilisante pour certains. Une main courante réapparaissait quelques mètres plus loin. Une dernière montée menait à un collet, signe que les difficultés touchaient à leur fin.
Sur la droite, une très courte ascension permettait d'atteindre sans difficulté la cime d'une tête rocheuse (P. 1255). Sans nom sur les cartes topographiques, il est baptisé "La Peuflaire – Point de vue" sur le site hikr.org. Ce toponyme est apparu sur les dernières versions des cartes topographiques au nord-ouest de P. 1255. Son sens exact reste difficile à interpréter: s'agit-il du nom de la crête menant aux Ancillons, celui de la forêt, ou encore celui d'un simple lieu-dit? Peu importe, en réalité: ce qui comptait, c'était que le panorama sur la plaine du Rhône, les falaises imposantes des Ancillons, et les cimes enneigées du Grand Chavalard, de la Dent Favre et du Grand Muveran était tout simplement imprenable.
Controverses autour de la difficulté de la traversée
Sur Internet, j'ai eu l'occasion de lire plusieurs discussions quant à la difficulté de cette traversée. Cela provient probablement d'une confusion entre la difficulté technique d'un parcours et la sensibilité individuelle au vide (et l'anxiété personnelle qu'il peut susciter).
L'échelle du CAS définit comme suit le terrain typique d'un itinéraire classé T3: "sentier pas nécessairement visible en continu; terrain raide, passages exposés pouvant être sécurisés par des cordes ou des chaînes; éboulis, pentes parsemées de rochers faciles; utilisation occasionnelle des mains pour l'équilibre; ponctuellement, passages exposés avec risque de chute.". Pour un itinéraire coté T4, elle précise: "traces de sentier, souvent sans cheminement évident; terrain accidenté et pentu; quelques passages d'escalade simples (I); champs de blocs; pentes herbeuses ou rocheuses abruptes; champs de neige accessibles; franchissements de glaciers, généralement balisés; passages exposés avec risque accru de chute.". À noter que ces cotes sont établies en présumant des conditions idéales: beau temps, bonne visibilité, terrain sec et absence de neige ou de glace.
Dans notre cas, le sentier correspond globalement à la cotation T3: sentier intermittent, passages exposés sécurisés par des mains courantes (sauf sur un très court tronçon), éboulis, appui des mains nécessaire pour maintenir l'équilibre. Toutefois, je lui attribue un T3+, compte tenu de la longueur des sections aériennes (environ 150 et 200 mètres). En effet, bien que presque tous les passages exposés soient équipés de câbles ou de chaînes, la vigilance reste de mise, mais le risque de chute est pratiquement nul (à condition de bien se tenir aux câbles!).
Cela dit, je comprends parfaitement pourquoi certains randonneurs classent cet itinéraire en T4. La nuance entre "par endroit, passages exposés avec risque de chute" (T3) et "passages exposés avec risque de chute" (T4) peut relever d'une interprétation subjective. En revanche, il ne s'agit nullement d'un parcours T5, comme mentionné par certains, sauf si on venait à enlever toutes les mains courantes!
Du point de vue (P. 1255) à la bifurcation (P. 1305)
J'ai savouré quelques instants la vue panoramique, puis j'ai emprunté un sentier agréable et ombragé, qui serpentait sur une pente douce jusqu'au poteau indicateur de La Routia (P. 1305). Cet endroit est baptisé "La Peuflaire – Bifurcation" sur hikr.org. Le promontoire de La Routia (P. 1341) se trouve en réalité environ 200 mètres plus à l'est de cette bifurcation.
Visite du promontoire de La Routia (cotation T4)
Depuis la bifurcation, un sentier vers La Routia existe, mais il ne figure pas sur les cartes topographiques. Il suffit de suivre la direction d'Ardon sur quelques dizaines de mètres, de repérer un gros bloc rocheux sur la gauche, puis d'esquisser une montée sur la droite vers la crête en suivant une sente à peine visible. En longeant la crête, on gagne très vite le pied d'un ressaut rocheux, que l'on contourne par la droite via un passage exposé. C'est précisément ce passage qui justifie la cotation T4 pour la visite du promontoire. Une ultime ascension sur terrain herbeux mène à une clairière offrant un panorama à couper le souffle. J'avais exploré ce belvédère en 2015; cette fois, un simple détour jusqu'à la crête m'a suffi, car la suite du parcours réservait des vues encore plus vastes et impressionnantes.
L'étymologie du nom "Routia" pourrait dériver de l'ancien français "rout" ("rompu, brisé") ou du roman "roupta/ropta" ("terre défrichée"). Le terme semble être "monté" depuis un alpage, ce qui rend difficile la détermination de sa signification exacte.
De la bifurcation (P. 1305) aux Ancillons
Depuis la bifurcation, j'ai entamé l'ascension vers Vertsan-Dessus et l'ître du Gurry. Le chemin, d'abord tranquille, s'est rapidement transformé en une pente exigeante. Le sentier s'est effacé peu à peu, tandis que les marques de peinture se sont faites plus espacées. Plusieurs arbres barraient le passage, ce qui nécessitait parfois de véritables acrobaties pour les franchir, que ce soit en rampant sous les troncs, en sautant par-dessus, ou en me faufilant entre les branches, toujours en prenant garde de ne pas m'encoubler. Certains arbres étaient tombés récemment, victimes probables des chutes de neige abondantes de mi-avril, d'autres dataient de plusieurs années. L'un d'eux portait même, avec une pointe d'ironie, l'inscription "PAUSE" gravée dans son écorce, souvenir laissé par un randonneur précédent.
Entre un sentier peu marqué, les obstacles végétaux, les traces animales et l'absence de repères évidents, l'orientation devenait parfois un véritable casse-tête. À deux reprises, j'ai consulté le GPS, craignant de m'être égaré. Et la deuxième fois, j'avais effectivement manqué un virage en épingle…
Malgré la pente ardue, les difficultés rencontrées et les imprévus, je savourais la sérénité des lieux, où aucun bruit humain ne venait perturber le silence. Seuls les chants harmonieux des oiseaux résonnaient dans l'air. Soudain, un bruissement de feuilles mortes a attiré mon attention. Était-ce un autre randonneur? Je n'en avais croisé aucun depuis que j'avais quitté Némiaz… Non: c'était un majestueux bouquetin, qui m'a toisé fièrement avant de rejoindre ses congénères dissimulés un peu plus loin. Je suis resté immobile jusqu'à leur disparition, puis j'ai repris l'ascension, heureux de cette rencontre inattendue.
Vers 1640 mètres d'altitude, la forêt s'est ouverte tout à coup sur l'abîme. Aucun panneau ne signalait le promontoire des Ancillons (P. 1640), situé à quelques dizaines de mètres au sud-est, mais une sente discrète y menait. Ce court détour valait pleinement la peine, car il dévoilait un panorama magnifique sur la plaine du Rhône et une impressionnante armada de sommets alpins.
Le nom "Ancillons" provient du patronyme "Ancel", lui-même dérivé du prénom germanique "Anshelm", signifiant "casque de Dieu". Bien que ce nom soit probablement "monté" depuis la plaine (Ardon ou Chamoson), cette hypothèse n'est pas confirmée.
La croix des Ancillons
Après une courte pause contemplative, j'ai repris le sentier balisé. La forêt a laissé place à des prairies où s'épanouissaient une multitude de fleurs, parmi lesquelles on pouvait admirer des pulsatilles, des anémones hépatiques, et des corydales à bulbe plein. Cette explosion de vie et de couleurs a rapidement dissipé la monotonie du sous-bois.
Sur un replat mi-herbeux, mi-rocheux situé vers 1708 mètres d'altitude, sans cote ni nom sur les cartes topographiques, une croix en fer se dressait. Elle est appelée la "croix des Ancillons", car elle se trouve à environ 250 mètres du promontoire. L'endroit était un belvédère qui rivalisait avec celui de la Peuflaire (P. 1255): il offrait une vue splendide sur les Mayens de Chamoson et Ovronnaz, dominés par le Grand Chavalard, la Dent Favre et les Muverans. Bien que la plaine du Rhône fût partiellement masquée par la forêt, la face sud du Haut de Cry, d'une majesté saisissante, captait toute l'attention. En m'approchant prudemment du bord, j'ai pu aussi admirer, en retenant mon souffle, l'à-pic vertigineux de plus de 400 mètres qui plongeait abruptement sur le vallon du Tséné.
De la croix des Ancillons à la cabane de Vertsan-Dessous
Après avoir grignoté quelques noix devant ce panorama époustouflant, j'ai repris ma route. Quelques minutes plus tard, je me tenais devant le poteau indicateur de Vertsan-Dessous (P. 1716). Un panneau annonçait l'ître du Gurry à 45 minutes de marche. Il ne me restait donc plus qu'un dernier effort à fournir…
Environ 200 mètres plus loin, la cabane de Vertsan-Dessous, restaurée en 2023, se dressait dans une petite clairière à environ 1740 mètres d'altitude. Construite vers 1850 pour abriter les bergers durant l'estive, elle avait ensuite accueilli moutonniers, chasseurs et randonneurs jusqu'en 2012, année où elle s'était partiellement effondrée. La bourgeoisie d'Ardon, sensible à sa valeur historique, a décidé de préserver ces vestiges. Si l'extérieur de la nouvelle cabane restait sobre, l'intérieur, que j'ai entrevu par les fenêtres, se révélait moderne et chaleureux. Fermée à clé, elle est accessible sur réservation et peut héberger jusqu'à quatre personnes.
De la cabane de Vertsan-Dessous à l'ître du Gurry
Après une rapide inspection de la cabane, j'ai poursuivi l'ascension. Rapidement, le sentier est devenu moins marqué, et des arbres tombés m'ont fait perdre la trace juste en dessous de P. 1824. J'ai fini par rejoindre une large épaule herbeuse, où des marques de peinture rouge délavé m'ont guidé vers un chemin plus net.
La pente s'est ensuite adoucie, offrant un répit bienvenu à mes jambes. Le sentier, désormais agréable, traversait le versant oriental de la Tête de Vertsan, dévoilant une vue spectaculaire sur le Cheval, le Mont Gond et une série de "horns" (terme allemand pour "corne", qui est l'équivalent des "dents" en français) comme le Breithorn, l'Aletschhorn et le Bietschhorn. Dans le ciel, parapentes et planeurs dansaient au-dessus du Haut de Cry. J'enviais leur vue imprenable et leur aisance à survoler ces sommets, évitant la descente raide qui m'attendait. Car si grimper est un défi, descendre s'avère souvent bien plus rude, mais c'est le prix que je suis prêt à payer pour ces paysages grandioses.
L'ître du Gurry
Après un énième virage, le toit en tôle ondulée de l'ître du Gurry a surgi soudain, niché dans un gros névé. La neige accumulée devant l'entrée en barrait l'accès, mais elle a cédé sous quelques coups de pied bien placés, libérant la porte. En patois valaisan, "ître" désigne un abri de berger en pierre sèche, autrefois utilisé comme fromagerie temporaire. J'étais déjà surpris de ne pas découvrir une ruine, mais j'ai été encore plus étonné, en poussant la porte principale, d'y trouver tout le nécessaire pour un séjour confortable, notamment des tables, des sièges, une cuisinière à gaz, un poêle à bois, de la vaisselle et même des matelas! L'aménagement était rustique, mais accueillant.
Reconstruite en 1978 sur les ruines d'une bergerie du début du XXe siècle, à environ 1960 mètres d'altitude, l'ître du Gurry rend hommage aux alpinistes Müller, Guex et Jouvenat, tragiquement morts dans le passage de la Jacqueline – une cheminée quasi verticale entre P. 1901 et P. 2755, sur le versant ouest de la Tête de Vertsan.
J'ai feuilleté le livre d'or, y ai laissé un mot, puis refermé l'abri avec soin, tout en me promettant d'y revenir pour une nuit.
De l'ître du Gurry au plateau d'Isières
Avant de descendre, j'ai suivi le sentier nord-ouest vers La Tine, un affluent de la Lizerne, réputé pour attirer les bouquetins. Malheureusement, j'ai été doublement déçu: le lit du torrent était enseveli sous une épaisse couche de neige, et aucun animal ne se profilait à l'horizon. Tant pis, j'en avais déjà croisé ailleurs, mais observer de nouveaux spécimens aurait certes été un plaisir supplémentaire.
Je suis ensuite retourné par le même chemin jusqu'au poteau indicateur de Vertsan-Dessous (P. 1716). Le panneau indiquait ma destination: "Ardon Gare – 2h15". J'ai attaqué la descente abrupte à travers la forêt de Vineuve, qui était orthographiée "La Vi Neuve" sur les anciennes cartes topographiques (avant 2016). Le mot "Vi" vient du patois "vi", signifiant "voie, chemin", tandis que "Neuve" suggère l'adjectif "nouveau, récent". Ainsi, "Vineuve" évoquerait "la nouvelle voie" ou "le nouveau chemin", bien qu'il n'y eût en réalité rien de nouveau, car tous les tracés existaient déjà sur les cartes Siegfried du début du XXe siècle. Sur ces mêmes cartes, la forêt portait le nom énigmatique de "Forêt de la Fada", dérivé du latin "fata" et du patois "fada", signifiant "fée". La "forêt de la fée" ajoutait un air mystérieux à ce lieu peu fréquenté. Quoi qu'il en soit, je n'ai croisé âme qui vive, que ce fussent des randonneurs, des fées, ou des animaux sauvages. Seuls les chants mélodieux des oiseaux ont accompagné mes pas.
Le sentier, bien que raide, était en bon état et bien balisé, mais il ne permettait malheureusement pas de descendre d'un pas léger et rapide afin de ménager mes genoux.
À la Combasse (P. 1085), une conduite forcée traversait la forêt. Depuis les années 1960, elle achemine les eaux des bassins de la Nétage, de la Morge et de la Derbonne vers la centrale hydroélectrique "Lizerne et Morge" à Ardon, laquelle exploite également les flux de la Lizerne pour produire de l'électricité. La signification du toponyme "Combasse" est incertaine: il pourrait signifier "grande combe", "mauvaise combe" ou être une déformation de "combe aise" ("combe brûlée"). Vu la caillasse instable sous mes pas, où mes jambes fatiguées ont failli par deux fois me faire tordre une cheville, "mauvaise combe" semblait être l'interprétation la plus pertinente ce jour-là.
Le chemin a croisé quatre fois une piste carrossable avant de rejoindre une route forestière (P. 910). Après 150 mètres, j'ai bifurqué à gauche sur un sentier en lisière de forêt, longeant une arête offrant des vues saisissantes sur le Mont Gond et les gorges spectaculaires de la Lizerne.
La ruine du Château du Crest et toponymie d'Ardon
Plus bas, je suis arrivé en bordure d'un vignoble situé sur le plateau d'Isières. Au sud, une butte isolée a attiré mon regard: c'était l'emplacement du château du Crest, bâti au XIIIe siècle pour surveiller la vallée contre les invasions. Si son origine reste floue, il fut le théâtre de conflits au cours du XIVe siècle, avant de tomber en ruine et d'être complètement rasé en 1475. Aujourd'hui, seules quelques pierres éparses rappellent encore l'existence de cette forteresse. La visite ne m'attirait guère: les ruines, à peine visibles, ne justifiaient pas un détour supplémentaire.
Cette histoire m'a toutefois rappelé que le village d'Ardon tire son nom de cette fortification. "Ardon" vient du gaulois "are" ("près de") et "dunum" ("forteresse"), ce qui signifie littéralement "près de la fortification".
Du plateau d'Isières à Ardon
Guidé par le balisage jaune, je suis repassé sous la conduite forcée, puis descendu dans un couloir raide en lacets, avant d'atteindre finalement la centrale hydroélectrique d'Ardon. Il ne me restait plus qu'à longer La Lizerne, dont le nom provient du gaulois "isara" qui signifie "l'impétueuse", sur environ 1.5 km pour regagner la gare d'Ardon, clôturant ainsi une randonnée longue, solitaire, mais d'une beauté absolument inoubliable.