Accès

Accès en voiture

Étant donné que le point de départ et celui d'arrivée sont différents, il est recommandé de privilégier les transports publics. Néanmoins, il est possible de se garer au point d'arrivée et de rallier ensuite le point de départ en train.

Emprunter l'autoroute A9 jusqu'à la sortie Montreux, puis suivre les indications pour Les Avants. Le village dispose de nombreuses places de stationnement situées à proximité de la gare, d'où l'on peut rejoindre Allières en train.

Accès en transports publics

Allières et Les Avants, respectivement points de départ et d'arrivée, sont desservis par des trains circulant sur la ligne Montreux – Gstaad – Zweisimmen.

Pour trouver la meilleure correspondance, consulter l'horaire en ligne des CFF.

D'Allières à Orgevau (P. 1334)

Il était environ 8 h 30 lorsque le train s'est éclipsé, me laissant seul sur le quai désert de la petite gare d'Allières. L'endroit baignait encore dans l'ombre et l'air était frais, mais le soleil matinal n'allait pas tarder à réchauffer la terre. Un calme profond régnait, uniquement troublé par quelques vaches, indifférentes à ma présence, qui broutaient paisiblement dans les prés verdoyants, leurs cloches rythmaient la quiétude matutinale. Au-dessus de la gare, le croassement de quelques corneilles résonnait dans l'air pur.

Le toponyme Allières dérive du patois "alie", variante d'"alise". Ces mots, issus de l'ancien français "alier, allier, alyer", désignent un endroit où prospèrent des alisiers, arbres de la famille des Rosacées aux fruits rouges acidulés. Absorbé par l'anticipation de la randonnée, je dois reconnaître que je n'ai guère prêté attention aux essences des plantes environnantes…

J'ai pris la direction sud-est, m'engageant sur la route asphaltée qui côtoyait la voie ferrée. Après une centaine de mètres, j'ai franchi les rails pour rejoindre un poteau indicateur.

Le sentier pédestre menant à "Pierra Perchia via L'Urqui" suivait cette même route. Environ 300 mètres plus loin, juste après un petit pont surplombant un ruisseau, j'ai délaissé l'asphalte pour un chemin sur la gauche, guidé par les panneaux jaunes. Initialement bien tracé, le sentier disparaissait peu à peu sur le pâturage, se mêlant aux multiples sentes créées par le va-et-vient des vaches. Heureusement, une bonne âme avait pris soin de baliser le parcours à l'aide d'une peinture jaune fluorescent sur divers cailloux et branches. Cependant, captivé par le paysage, j'ai fait fausse route, avant de réaliser mon erreur de débutant et de retourner sur le bon chemin.

Le sentier s'enfonçait ensuite dans un sous-bois frais et ombragé, où la végétation, plus dense, laissait moins de place à l'improvisation. J'avais retrouvé un sentier digne de ce nom qui serpentait à travers les arbres. En sortant de la forêt, celui-ci débouchait sur une route carrossable, près de P. 1141.

Après avoir suivi le chemin forestier sur la gauche, j'ai obliqué à droite quelques dizaines de mètres plus loin, en direction du "Col de Jaman via Pierra Perchia". À nouveau, le sentier pédestre se dissipait dans l'herbe parmi d'innombrables traces bovines. Toutefois, le balisage artisanal jaune fluorescent m'a guidé jusqu'à l'orée d'une petite forêt, où j'ai découvert un chemin bien marqué, cette fois balisé officiellement en blanc–rouge–blanc.

Peu après, le sous-bois cédait sa place à une clairière ensoleillée. Une brève ascension sur un terrain herbeux parsemé de fleurs sauvages m'a conduit à une route asphaltée que j'ai suivie en montant. La flore était peu abondante et peu diversifiée, sans doute en raison de l'automne qui approchait à grands pas.

Je suis parvenu à un virage en épingle à proximité d'un des chalets d'alpage d'Orgevau. Le panorama qui s'offrait à moi dévoilait les deux premiers objectifs de ma journée: le Vanil des Artses, avec sa silhouette impressionnante, et Le Pila, plus pointu. Le versant sud-est du Vanil des Artses, abrupt et principalement minéral, imposait le respect. Quant à l'itinéraire par l'arête est, il semblait assez évident mais promettait d'être exigeant.

Une fois le chalet d'alpage dépassé, j'ai abandonné définitivement la route asphaltée (P. 1262). Je me suis alors engagé sur un large chemin qui s'élevait en pente douce à travers les prairies, offrant une vue panoramique sur la vallée.

L'énigme linguistique d'Orgevau

Au fil du temps, le nom de cet alpage a connu diverses évolutions sur les cartes topographiques. Jusqu'en 1957, il apparaissait sous la forme "Orgevaud", terminé par un "d". L'orthographe officielle s'est ensuite modifiée entre 1958 et 2019, le "d" laissant place à un "x" plus énigmatique: "Orgevaux". Depuis 2020, c'est la graphie "Orgevau" qui prévaut, plus concise et probablement moins ambiguë pour la prononciation.

Mais au-delà de ces variations orthographiques, c'est l'origine même du nom qui suscite la curiosité. Il est clairement composé de deux éléments: "orge" et "vaux". Le second, "vaux", ne soulève guère de questions: il descend tout droit de l'ancien français "val, vau, vaul", lui-même issu du latin "vallis", qui signifie "val, vallée, vallon".

C'est le premier terme, "orge", qui constitue une véritable énigme. À première vue, on pourrait penser à la céréale, l'orge, du latin "hordeum", mais cette hypothèse paraît peu vraisemblable. Cette plante, qui préfère les plaines fertiles, n'aurait guère été cultivée dans cette région montagneuse parsemée de rochers et de sapins.

Une autre piste nous oriente vers le latin "horreum", qui signifie "fenil, grenier". Orgevau désignerait ainsi le "vallon des fenils", où les paysans stockaient le foin destiné à leurs bêtes durant l'hiver. Cette interprétation semble plausible: on imagine aisément des granges en bois disséminées dans la vallée, abritant de précieuses récoltes. Cependant, le terme "horreum" n'a apparemment pas été utilisé dans la région.

L'hypothèse suivante nous renvoie au latin "aureus", qui signifie "doré". "Orgevau" évoquerait alors une "belle vallée", une image certes poétique, mais peu convaincante.

Une dernière piste relie "orge" au latin "ursus", qui signifie "ours". "Orgevau", le "vallon des ours"? Bien que ces plantigrades aient longtemps habité les montagnes suisses, aucune trace de leur présence n'est attestée dans cette région, ce qui fragilise cette théorie.

Ainsi, l'origine du nom "Orgevau" reste-t-elle encore aujourd'hui une énigme…

D'Orgevau (P. 1334) à la Chaux du Gros Orgevau

Dans cette atmosphère empreinte de mystère, je suis parvenu à un autre chalet sur l'alpage d'Orgevau d'Urqui, près de P. 1334, accompagné par le tintement mélodieux des cloches des vaches qui paissaient paisiblement. Ma présence n'est pas passée inaperçue: plusieurs de ces imposantes ruminantes m'ont longuement observé, leurs grands yeux trahissant un mélange d'étonnement et de curiosité.

Le sentier balisé s'élevait toujours plus haut, en direction du col de Pierra Perchia, mais l'heure était venue d'abandonner les panneaux et le balisage officiel. J'ai donc pris à droite, empruntant la route d'alpage. Environ 350 mètres plus loin, j'ai obliqué à gauche, et j'ai suivi une large piste qui serpentait à travers les pâturages jusqu'au chalet d'alpage de la Chaux du Gros Orgevau.

À noter que le terme "chaux" indique, dans les Préalpes et les Alpes, un pâturage en montagne situé au-dessus de la limite des forêts. Pas étonnant, donc, que les arbres se faisaient rares en ces lieux, laissant place à des étendues d'herbe.

Ascension du Vanil des Artses par l'arête est

À partir du chalet d'alpage de la Chaux du Gros Orgevau, la montagne reprenait ses droits. Tout sentier avait disparu, comme si les randonneurs n'avaient jamais osé fouler ces pentes sauvages. Néanmoins, en contemplant le Vanil des Artses qui se dressait majestueusement à l'ouest, l'itinéraire vers le sommet semblait s'esquisser naturellement le long de l'arête.

Une vieille trace, probablement laissée par un véhicule agricole, s'élevait en direction nord-ouest, telle une cicatrice sinueuse gravée dans la pente herbeuse. J'ai choisi de l'emprunter. Malgré l'accentuation de la déclivité, le terrain restait facile. Je progressais d'un bon pas, le regard rivé sur la crête, que j'ai atteinte sans encombre. J'ai poursuivi mon ascension en la suivant.

Soudain, un mouvement furtif a attiré mon attention. Un chamois, avec sa robe brun-roux et ses cornes recourbées, se nourrissait tranquillement sur les hauteurs. Le vent léger qui descendait la pente avait vraisemblablement masqué mon odeur et le bruit de mes pas à l'animal, qui ignorait mon existence. Captivé par la beauté et la grâce de cette créature sauvage, je me suis arrêté. C'est en saisissant mon appareil photo qu'un faible bruit a trahi ma présence. Le chamois a redressé la tête, ses oreilles tendues comme des antennes, et m'a scruté avec une intensité surprenante. Ses yeux noirs et profonds semblaient m'examiner, m'évaluer, cherchant à déterminer si je représentais une menace. Après quelques secondes de parfaite immobilité, il a préféré la prudence. D'un bond puissant, il s'est élancé à flanc de pente, disparaissant rapidement derrière des arbustes.

Partagé entre le regret de l'avoir effrayé et la joie de cette rencontre inattendue, j'ai repris mon ascension le long de l'arête. Sur ma droite, un abrupt versant dévoilait une vue vertigineuse sur les alpages en contrebas. À gauche, la pente, quoique plus douce, restait tout aussi impressionnante, déployant ses étendues verdoyantes parsemées de rochers et de quelques fleurs sauvages.

Au-dessus de moi, plusieurs oiseaux traçaient des cercles gracieux. Leur vol silencieux et majestueux contrastait avec le relief accidenté de la montagne. Leurs caractéristiques ne laissaient aucun doute: ailes arrondies, queue relativement courte, large et rayée, motifs clairs et foncés sur le dessous des ailes – c'étaient des buses variables. Je les ai contemplés, envieux de leur liberté et de leur aisance dans les airs.

Arrivé au pied d'une petite cime (P. 1788), j'ai choisi de la contourner par le sud plutôt que de la gravir directement. Cette décision stratégique me permettait d'éviter quelques mètres de dénivelé. Une traversée ascendante, un peu exposée mais sans difficulté majeure, m'a conduit à un col situé à l'est de cette éminence.

Jusqu'alors, l'ascension s'était apparentée à une agréable promenade, accessible à toute personne habituée à la marche en montagne. Toutefois, les difficultés, jusque-là absentes, allaient subitement s'accentuer dans les 200 derniers mètres de dénivelé. Et en effet, juste au-dessus du col se dressait une arche rocheuse imposante. L'itinéraire traversait cet obstacle naturel, offrant une section aérienne et exposée. Un frisson d'excitation me parcourut le corps.

Préférant éviter la partie la plus escarpée, qui grimpait directement vers l'arche comme une voie d'escalade facile, j'ai emprunté une sente discrète s'élevant sur la gauche. J'ai ensuite effectué une traversée de gauche à droite sur une étroite corniche herbeuse jusqu'au passage clé de l'ascension. Là, le vide s'ouvrait sous mes pieds. La traversée de l'arche était étroite et aérienne, était bordée d'un trou béant dans le rocher à gauche et d'un vide vertigineux à droite. Malgré un panorama saisissant, ma concentration se portait essentiellement sur mes appuis. Pas question de s'encoubler dans cette courte zone délicate qui exigeait un pied sûr et de ne pas être sujet au vertige. L'ascension s'est poursuivie en direction nord-nord-est sur une pente herbeuse, raide et un peu exposée, le long d'une sente assez marquée jusqu'à retrouver l'arête. En me retournant, ce passage m'est apparu encore plus impressionnant. Il est évident que cet itinéraire est à proscrire par temps humide.

Un topo mentionnait la possibilité, depuis le col, de contourner ce passage clé en progressant en direction est-nord-est sur une centaine de mètres, avant de remonter plein nord pour rejoindre l'arête est. Si cette variante semblait moins exposée, la pente, contrairement aux indications, ne paraissait pas moins raide que l'option que j'avais choisie…

La suite de l'ascension, tout en restant raide, s'est révélée moins exposée. La sente, toujours bien visible, suivait la crête, alternant entre passages herbeux et rocheux. L'utilisation des mains s'avérait parfois nécessaire pour maintenir l'équilibre, mais sans réelle difficulté. Au terme de ces derniers efforts, j'ai finalement gagné le sommet, où se dressaient une croix en bois et une antenne météorologique.

Le panorama à 360 degrés était à couper le souffle. Vers le nord, l'arête s'étirait jusqu'à la Dent de Lys, en passant par Folliu Borna, tandis qu'en arrière-plan, le Teysachaux et le Moléson se détachaient sur l'horizon. À l'est, le massif du Vanil Noir exhibait ses crêtes dentelées. Au sud, l'arête conduisait au Pila, devant la Dent de Corjon, les Tours d'Aï et de Mayen, et les Diablerets. À l'ouest, le Léman scintillait sous le soleil, comme un miroir géant. Un spectacle inoubliable, qui récompensait généreusement les efforts fournis.

Bien qu'elle soit considérée comme la plus facile des trois arêtes, l'ascension du Vanil des Artses par l'arête est ne doit pas être sous-estimée. L'absence de sentier et de balisage, ainsi que les passages raides et exposés, justifient pleinement sa cotation T5-.

Le Vanil des Artses: un nom, plusieurs mystères

Le nom de ce sommet a évolué au fil du temps. À la fin du XIXe siècle, les cartes topographiques le désignaient sous le nom "Les Arches". Puis, au cours du XXe siècle, il est devenu "Vanil des Artses". On le trouve également parfois orthographié "Vanil des Artzès", reflétant probablement la diversité des prononciations.

Mais quelle est la signification de ce nom intriguant? Le premier terme, "Vanil", est issu directement du patois fribourgeois "vani, vanil", signifiant "sommet, pointe rocheuse d'une montagne située au-delà des pâtures". Cette dénomination illustre à merveille l'isolement et le caractère sauvage de ce sommet qui domine les alpages. Le second terme, "Artses", s'avère nettement plus énigmatique. Les sources divergent quant à sa signification, offrant plusieurs pistes d'exploration, comme autant de chemins qui serpentent sur les flancs de la montagne.

La première hypothèse suggère une mutation phonétique. Le son "[ch]" se serait mué en "[ts]" au cours du temps, transformant "Artses" en "Arches". Cette évolution trouverait confirmation dans la modification du nom sur les cartes topographiques. Ce nom pourrait dériver de l'ancien français "arche", qui signifie "sommet". Une autre théorie nous oriente vers le patois "artzé", qui désigne des "croupes plus ou moins arrondies en arc et en pente rapide séparées par des couloirs". Une description qui correspond assez bien à la morphologie de cette montagne et de son versant nord-ouest, avec ses arêtes rocheuses et ses couloirs abrupts.

Une autre hypothèse nous renvoie au latin "ars, arse", qui signifie "brûlé, consumé". "Artses" évoquerait alors une terre défrichée par brûlis ou à une forêt ravagée par un incendie. Le nom serait "monté" d'un pâturage inférieur, désormais absent des cartes.

En définitive, l'origine précise du nom "Vanil des Artses" reste entourée d'un certain mystère. La toponymie, cette science qui étudie les noms de lieux, n'est pas toujours en mesure de nous livrer des réponses définitives, mais c'est aussi ce qui la rend si passionnante.

Courte virée sur l'arête nord

Une portion de l'arête nord du Vanil des Artses était dissimulée par une antécime située à une cinquantaine de mètres du sommet. Curieux de découvrir ce que la montagne me cachait encore, j'ai déposé mon sac à dos près de la croix, puis j'ai suivi l'arête jusqu'à ce promontoire. Ce parcours, alliant passages herbeux et rocheux, demandait une certaine attention, avec des difficultés similaires à celles rencontrées sur l'arête est. Cependant, la suite de l'arête nord, qui se prolongeait vers Folliu Borna, s'avérait nettement plus exigeante, réservée aux montagnards les plus aguerris. Sa cotation T6 en mode randonnée, AD en mode alpinisme, en disait long sur son caractère escarpé et aérien.

Après avoir profité de la vue imprenable, j'ai regagné le sommet par le même itinéraire.

Du Vanil des Artses au Trou de l'Etoile (P. 1791) par l'arête sud-ouest

Pour la descente, j'ai choisi l'arête sud-ouest, une magnifique crête effilée qui m'offrait l'opportunité de découvrir de nouveaux paysages et de vivre de nouvelles sensations. Elle est parfois incorrectement appelée "arête sud", probablement en raison de la course d'alpinisme nommée "traversée nord-sud".

Je me suis aventuré sur cette arête qui, dans un premier temps, était principalement herbeuse, offrant une marche plutôt agréable malgré son aspect aérien. Le versant sud-est s'avérait escarpé, plongeant vers la vallée dans une succession de pentes herbeuses et de falaises rocheuses. Quant au versant nord-ouest, il était tout simplement vertigineux, présentant une paroi presque verticale qui s'enfonçait dans les profondeurs du vallon. Malgré cette exposition, l'arête demeurait assez large, me permettant de progresser avec une relative aisance, mais il fallait tout de même avoir le pied sûr et ne pas être impressionné par le vide et les pentes raides…

J'ai repensé à ma précédente ascension du Vanil des Artses, en 2016. Ce jour-là, j'avais été confronté à des difficultés sur l'arête à cause des fortes rafales qui me déstabilisaient. À plusieurs reprises, j'avais dû poser un genou à terre pour ne pas perdre l'équilibre si près du bord du précipice. Heureusement, cette fois-ci, le temps était calme et ensoleillé. J'avançais tranquillement, profitant du panorama et du silence de la montagne. Comme pour l'ascension par l'arête est, il n'y avait pas de balisage, juste une sente relativement bien marquée qui longeait l'arête. J'appréciais chaque pas, chaque instant de cette descente panoramique.

Environ 200 mètres plus loin, l'arête s'interrompait brusquement. Je me suis retrouvé en haut d'un gradin rocheux, un mur vertical qui barrait le passage. Il ne faisait que quelques mètres de haut, mais il était trop exposé pour le désescalader sans être assuré. J'ai scruté les alentours à la recherche d'une solution, car j'avais lu dans plusieurs topos qu'il y avait un "passage équipé d'un câble". En 2016, je n'avais malheureusement pas réussi à le trouver et j'avais contourné ce bloc rocheux par le versant sud-est, un mauvais souvenir! D'une part, la pente était très raide. D'autre part, j'avais été obligé de perdre beaucoup d'altitude avant de pouvoir traverser un couloir pour ensuite remonter péniblement pour récupérer l'arête. Une véritable galère qui m'avait coûté du temps et de l'énergie et que je n'avais pas envie de revivre.

Cette fois-ci, j'étais déterminé à trouver ce fichu passage sécurisé. J'ai examiné le versant nord-ouest, mes yeux balayant la paroi verticale à la recherche du moindre indice. Et là, quelques dizaines de mètres en contrebas, j'ai aperçu ce qui ressemblait à une vire herbeuse collée à la paroi. Un sourire s'est dessiné sur mes lèvres. Cela semblait être la solution, mais comment l'atteindre? Sur ma droite, j'ai repéré une terrasse relativement étroite qui partait en direction nord avec, quelques dizaines de mètres plus loin, une branche plantée dans le sol, comme un repère. Était-ce une sorte de balisage improvisé? Mais surtout, comment ce bout de bois avait-il pu arriver jusque-là, alors qu'il n'y avait aucun arbre à proximité?

Intrigué, je me suis dirigé vers ce bâton énigmatique. Et là, en effet, une vire étroite partait en direction sud-ouest, comme une voie secrète ouverte dans la paroi. Un câble métallique avait été solidement fixé au rocher, offrant une main courante que j'ai beaucoup appréciée, car le passage était très exposé. Je ne souffre pas de vertige, mais j'avoue que le vide qui s'ouvrait sous mes pieds était impressionnant. Sans le câble, je ne suis pas certain que j'aurais osé m'aventurer sur cette vire vertigineuse. Le terrain était sec et, malgré l'herbe assez haute, j'ai franchi le passage, qui mesurait environ 20 à 30 mètres de long, lentement, mais en fin de compte sans difficultés particulières.

Il y avait ensuite encore un très court passage rocheux légèrement exposé à franchir, où j'ai dû recourir à mes mains pour garder l'équilibre. Un dernier effort avant de récupérer l'arête sud-ouest. En me retournant, j'ai pu constater à quel point la face nord-ouest était abrupte.

Ce passage équipé d'un câble est une véritable aubaine, mais il est tellement bien caché qu'il est difficile à trouver, surtout à la descente. Mais même depuis le bas, le câble est presque invisible, se fondant dans le décor de rochers et de végétation.

Le passage le plus délicat de l'arête sud-ouest était désormais derrière moi, comme une revanche prise après huit ans d'attente. J'ai poursuivi sur le fil de l'arête, toujours aussi aérienne et vertigineuse, mais qui me semblait désormais plus accessible. Pour peu que l'on ait le pied sûr, la progression restait relativement aisée, si ce n'est quelques passages étroits où il fallait redoubler d'attention et choisir avec soin ses appuis. Un jeu d'équilibre sur le fil du rasoir qui me plaisait bien. Malgré les difficultés, ou peut-être grâce à elles, le parcours sur l'arête était magnifique et offrait une époustouflante vue sur le Léman.

La suite de l'arête s'est révélée être un pur bonheur. Le cheminement est devenu plus déroulant, ce qui m'a donné un peu de répit avant l'ascension du Pila, et m'a permis de savourer pleinement la beauté du paysage.

Le petit refuge de l'alpage de Pré Fleuri est alors apparu dans la combe sur ma gauche, une tache blanchâtre au milieu de la verdure. Un peu plus loin, une clôture électrique barrait le passage sur l'arête. Un obstacle inattendu qui m'a arraché un sourire amusé. En la franchissant, j'ai posé ma main sur un piquet métallique. Et là, aïe! J'ai reçu une jolie décharge électrique qui m'a fait sursauter et presque perdre l'équilibre! Soit un des isolateurs était défectueux, soit le fil avait été mal posé. Peu importe la cause, le résultat était le même: une sensation désagréable qui m'a fait jurer contre le berger responsable de cette installation sauvage.

Après cette petite mésaventure électrique, qui m'avait rappelé avec humour que la montagne réserve toujours des surprises, une dernière descente sur une pente herbeuse m'a mené à un col au pied du Pila, nommé Trou de l'Etoile (P. 1791 sur les cartes topographiques). Un nom intriguant, presque poétique, pour un lieu qui marquait la fin de mon aventure sur l'arête sud-ouest du Vanil des Artses.

Les difficultés rencontrées sur cette arête justifient pleinement sa cotation T5. Les sections aériennes et étroites, où le vide se déploie de part et d'autre, demandent une attention de tous les instants et un pied sûr. Le passage équipé d'un câble dans le versant nord-ouest, suspendu au-dessus du précipice, est particulièrement impressionnant et nécessite une bonne dose de sang-froid.

Du Trou de l'Etoile (P. 1791) au Pila par le versant nord-est

Le Trou de l'Étoile était surplombé par le versant nord-est du Pila, qui se dressait devant moi tel un mur. Les courbes de niveau rapprochées sur la carte topographique m'avaient laissé entrevoir une certaine raideur, mais je n'avais pas imaginé une telle inclinaison! En l'observant, je n'ai pu m'empêcher de rire en pensant à l'auteur d'un topo qui avait qualifié ce versant d'"esthétique". Esthétique? Vraiment? Le mot me semblait bien mal choisi pour décrire cette paroi abrupte. "Vertigineux" ou "impressionnant" auraient été plus justes.

Néanmoins, j'étais là, et il fallait bien monter. L'itinéraire, même s'il n'était pas tracé, semblait assez évident: poursuivre en direction sud-sud-est jusqu'à buter contre une petite paroi rocheuse, puis remonter le long de celle-ci jusqu'au sommet. Simple, en théorie. En pratique, c'était une autre histoire! En examinant le terrain, je me suis aperçu qu'il ne fallait surtout pas commencer à grimper trop tôt vers la droite, au risque de se retrouver bloqué par des ressauts rocheux.

Je me suis donc lancé en direction sud-sud-est, tentant d'identifier des repères qui m'auraient permis de suivre l'itinéraire imaginé quelques minutes auparavant. Trouver des signes distinctifs dans cette pente n'était cependant pas chose aisée et lorsque j'ai découvert une sente assez bien marquée, je l'ai suivie sans hésiter, oubliant totalement le plan d'attaque que je m'étais fixé quelques instants plus tôt. Ce n'est que quelques zigzags plus haut, alors que je reprenais mon souffle, que je me suis remémoré ma stratégie initiale. Oups! J'ai immédiatement entamé une traversée de droite à gauche pour rejoindre le pied de la barre rocheuse.

Là, j'ai repéré des traces de passage. Cela m'a rassuré, et l'idée que je n'étais pas le seul fou à m'être aventuré ici m'a traversé l'esprit. Il ne restait plus qu'à remonter le couloir jusqu'au sommet. Facile à dire… Car, oui, bien bien entendu, il y avait un "mais"! La pente était non seulement extrêmement raide, mais de surcroît, le terrain, un mélange herbeux et terreux, était humide et gras. Mes chaussures s'enfonçaient dans cette boue collante, et je peinais à trouver des appuis stables. À cause de l'exposition de la pente, le soleil ne devait pas toucher souvent ce couloir à la fin de l'été, le maintenant dans une humidité permanente. Le versant était peut-être "esthétique", comme le prétendait le topo, mais le couloir était clairement "casse-gueule". Je me suis aventuré avec précaution, m'aidant des aspérités du rocher pour progresser.

Dès que j'en ai eu l'opportunité, je me suis décalé légèrement sur la droite, vers une épaule herbeuse baignée de soleil. La progression y était bien plus confortable, et quelques minutes plus tard, je me suis retrouvé enfin au sommet, à côté de la croix offerte et posée par le conseil communal de Blonay. La vue panoramique qui s'offrait à moi était magnifique. Un spectacle à couper le souffle qui récompensait, encore une fois, amplement les efforts fournis.

L'ascension du Pila par le versant nord-est, bien que courte, s'était révélée assez exigeante. Le couloir, très raide et gras, m'avait donné du fil à retordre, même par temps sec. La cotation T5 s'avérait tout à fait justifiée.

Le Pila: un nom, deux visages

Le nom de ce sommet, à l'instar de son voisin le Vanil des Artses, a également subi les aléas du temps. Sur les cartes topographiques anciennes, jusqu'en 1957, il figurait sous la forme "Pilaz", avec un "z" final. Puis, il s'est transformé en "Le Pilâ", avec un accent circonflexe sur le "a" final, lui conférant une certaine noblesse. Enfin, depuis 2003, il a adopté sa forme actuelle, plus sobre et plus moderne, se dépouillant de son accent pour devenir "Le Pila".

Cependant, derrière ces variations orthographiques se cache une question essentielle: quelle est l'origine de ce nom si particulier? Deux hypothèses s'opposent, comme deux versants d'une même montagne.

La première théorie nous transporte sur les hauteurs, vers les cimes et les pics. "Pila" dériverait de l'ancien français "pil", signifiant "pic", ou de "pile", qui signifie "pointe, pyramide". On retrouve également cette racine dans le latin "pila", qui signifie "pilier, colonne". Ces termes évoquent tous un sommet à la forme élancée et pointue. Le nom "Pila" désignerait alors un endroit élevé, un point culminant qui domine le paysage.

La seconde hypothèse nous fait descendre de quelques dizaines de mètres, vers la combe en doline située au sud-est du sommet. Une doline, c'est une dépression creusée dans le sol calcaire, souvent arrondie et en forme d'entonnoir. Le nom du sommet serait alors "monté" de cette combe. Dans ce cas, "Pila" dériverait du vieux français "pille", qui signifie "vase", ou de "pile", qui désigne un "mortier à pilon", ayant également le sens de citerne. Le latin "pila", signifiant "mortier, auge", soutiens cette hypothèse. Le nom "Pila" désignerait alors un endroit enfoncé ou encaissé.

Deux hypothèses contrastantes et plausibles, mais aucune certitude quant à la validité de l'une ou de l'autre…

Du Pila au Col de Pierra Perchia (P. 1859)

Du sommet du Pila, mon regard s'est porté sur l'arête effilée et accidentée qui s'étend vers le Col de Pierra Perchia (P. 1859). Le Pila, point culminant de cette crête en arc de cercle qui relie le Trou de l'Etoile (P. 1791) au col, offre un superbe point de vue sur le chemin à parcourir, avec le Léman en arrière-plan. Au loin, près du col, j'ai aperçu plusieurs groupes de randonneurs, leurs silhouettes colorées contrastant avec la solitude qui m'avait entouré jusqu'ici. Depuis mon départ d'Allières, je n'avais rencontré âme qui vive, hormis quelques animaux.

La première partie de l'arête sud-ouest du Pila était interrompue par deux ressauts rocheux. Le livre du CAS mentionne la possibilité de les contourner par le versant nord-ouest, mais un simple coup d'œil m'a suffi pour écarter cette option. La face, un mélange de rochers et d'herbe, plongeait presque à la verticale dans le vide. Je n'ai repéré aucun passage évident, et l'exposition me semblait trop importante. Il était hors de question que je m'aventure là-dedans!

Une autre solution, plus prudente, consistait à contourner les deux ressauts par le versant sud-est. Un couloir accessible depuis le sommet permet de dévaler la pente. On traverse ensuite la partie rocheuse et l'on remonte jusqu'à récupérer la crête. L'inconvénient est qu'il fallait perdre une cinquantaine de mètres de dénivelé avant de pouvoir traverser.

Il restait une troisième option, plus audacieuse: désescalader les deux ressauts. Ces derniers sont cotés II-III et sont assez exposés, nécessitant une certaine expérience en escalade. Un passage qui relève plus de l'alpinisme que de la randonnée. En temps normal, je n'aurais pas envisagé cette option, mais au fond de mon sac, j'avais une corde, et en haut de chaque ressaut, j'avais identifié un point d'ancrage. Cette solution me semblait nettement moins dangereuse que de passer par le versant nord-ouest, et plus rapide que le détour par le couloir sud-est.

J'avais pris une corde de 30 mètres, mais une de 20 mètres aurait pu suffire. De plus, je n'avais pas de baudrier ni d'autre matériel. Une configuration très minimaliste, mais suffisante pour assurer ma sécurité sur ces deux courts passages. Le premier ressaut, un mur presque vertical, offrait de bonnes prises. Le second était moins incliné, mais les aspérités étaient plus petites. La corde m'a permis de franchir les deux obstacles en deux temps, trois mouvements, et relativement aisément.

J'ai ensuite retrouvé le plaisir de la marche. L'arête s'est prolongée en une succession de courtes montées et descentes. L'ambiance était aérienne, comparable à l'arête sud-ouest du Vanil des Artses. J'ai avancé rapidement, et en un quart d'heure, j'ai rejoint le Col de Pierra Perchia, suivant une sente bien marquée, mais non indiquée sur les cartes topographiques.

La descente par l'arête est cotée T5. Cette cotation est valable uniquement si l'on est équipé d'une corde pour franchir les deux ressauts. Sans corde, la difficulté augmente considérablement. Le contournement par le versant sud-est constitue une alternative intéressante, de même difficulté, mais qui présente aussi des passages exposés.

Du Col de Pierra Perchia (P. 1859) à la Cape au Moine

Me trouvant déjà au col de Pierra Perchia, il aurait été dommage de ne pas prolonger le plaisir en faisant un aller-retour rapide jusqu'au sommet de la Cape au Moine. Depuis le col, un chemin bien marqué, mais non répertorié sur les cartes topographiques, monte en direction sud-sud-est en longeant la crête.

On avance d'abord sur le flanc herbeux occidental jusqu'à arriver au pied d'une petite tête rocheuse. Là, deux options s'offraient à moi: l'escalader (I-II) ou la contourner par la gauche en empruntant une vire étroite. J'ai opté pour la première.

Le parcours se prolonge ensuite sur l'arête rocheuse, devenant plus aérien et plus exposé. Le versant occidental est très raide, plongeant vers la vallée en une succession de falaises et de pentes herbeuses. Le versant oriental s'avère encore plus abrupt, un véritable mur vertical qui donne le vertige. Il va sans dire que ce passage est le point clé de l'ascension de la Cape au Moine.

Une dernière montée assez raide en zigzags dans la pente herbeuse m'a mené à la croix sommitale. Du haut de la Cape au Moine, le panorama s'étendait, vaste et magnifique, mais il n'offrait pas beaucoup de nouveautés par rapport à ceux du Vanil des Artses et du Pila. L'arête des Verraux, avec ses crêtes acérées, constituait le seul élément nouveau qui s'offrait à ma contemplation.

La cotation T4 de l'ascension de la Cape au Moine trouve sa justification dans la courte traversée aérienne.

Le nom de ce sommet, "Cape au Moine", est une belle métaphore qui évoque un sommet pointu, souvent dénudé, ressemblant à la cape d'un moine. Une image qui colle bien à la silhouette de cette montagne.

De la Cape au Moine au Col de Soladier

J'ai effectué le trajet retour au Col de Pierra Perchia par le même itinéraire qu'à la montée. Dans le passage clé, j'ai rencontré un couple de randonneurs en pleine hésitation. L'un d'eux semblait avoir quelques difficultés à franchir l'arête aérienne et exposée. Je les ai encouragés d'un sourire et de quelques mots rassurants, avant de poursuivre ma descente.

De retour au col, j'ai emprunté le sentier pédestre en direction sud, vers le Col de Jaman. Sans surprise, le chemin était assez fréquenté. L'ambiance restait toutefois agréable, chacun profitant à sa manière de la beauté des lieux.

Quelques centaines de mètres plus loin, j'ai bifurqué à droite. Le chemin, agréable, a d'abord traversé la pente raide sous le Col de Pierra Perchia. Par une série de courts lacets, le sentier m'a ensuite fait perdre rapidement de l'altitude, puis a longé une épaule herbeuse.

Soudain, mon attention a été captée par une touche de couleur vive au bord du sentier. Une dizaine de magnifiques bolets avaient pris racine à quelques mètres du chemin. Mes papilles se sont mises à frétiller à la vue de ces beaux spécimens, mais ma joie a été de courte durée. Malheureusement, dans le canton de Vaud, depuis juillet 2024, il est interdit de cueillir des champignons les sept premiers jours de chaque mois. Une mesure censée protéger la nature selon la Direction des ressources et du patrimoine naturels (DGE-DIRNA), mais dont je doute fortement de l'efficacité. C'est à contrecœur et avec résignation que j'ai laissé sur place ces magnifiques champignons.

J'ai fini par atteindre le Col de Soladier. Le toponyme de ce lieu dérive du patois "sor la diez", qui signifie "sur la source". Le nom est "monté" au col depuis l'alpage situé à environ 600 mètres au sud-sud-est. La source en question est très probablement celle qui devient La Baye de Montreux et qui nait dans les pentes qui entourent l'alpage.

Du col, la vue était magnifique. Les faces occidentales abruptes du Vanil des Artses et du Pila, telles des forteresses imprenables, se dressaient fièrement face à moi. L'arête dentelée qui les relie se dévoilait sous mes yeux émerveillés, me faisant remémorer l'itinéraire parcouru. L'arête entre le Pila et la Cape au Moine était également visible. J'ai pris le temps de contempler ce panorama grandiose, avant de m'engager sur le sentier qui me ramenait à la civilisation.

Du Col de Soladier aux Avants

Désireux de rejoindre Les Avants au plus vite, j'ai opté pour l'itinéraire le plus direct. J'ai emprunté le sentier pédestre en direction de La Planiaz, un chemin qui s'annonçait rapide et efficace. Après une courte descente en sous-bois, où les arbres m'apportaient une ombre bienfaisante, une large piste m'a conduit à l'alpage de La Planiaz. Le paysage s'est alors ouvert, révélant de vastes étendues herbeuses où paissaient quelques vaches.

La suite du parcours jusqu'aux Avants, qui passe par La Cergniaule et Sonloup, s'est révélée moins pittoresque. J'ai principalement cheminé sur de petites routes asphaltées, moins agréables pour les pieds que les sentiers de terre, mais je n'ai pas déniché d'itinéraire plus intéressant. Heureusement, la beauté du paysage compensait largement la monotonie du chemin. À chaque virage, de magnifiques panoramas sur le Léman et le Chablais se déployaient devant moi, me rappelant la chance que j'avais de randonner dans un cadre aussi exceptionnel.