Accès

Accès en voiture

Emprunter l'autoroute A9 jusqu'à la sortie St-Triphon, puis suivre la direction du Pas de Morgins. Dans le village de Troistorrents, au premier giratoire, continuer en direction de Champéry. Une fois à Champéry, traverser le village et poursuivre jusqu'au Grand Paradis. Juste après avoir franchi le pont au-dessus de la Saufla, tourner à gauche en direction de Barme. Suivre ensuite la route asphaltée, étroite et sinueuse, où les croisements peuvent parfois s'avérer délicats, sur environ 10 kilomètres, en suivant les panneaux "Barme" (parfois orthographié "Barmaz") et "Plateau de Barme". Des places de stationnement gratuites sont disponibles au bord de la route à l'entrée du hameau, près des premières maisons.

Accès en transports publics

En été, une navette assure la liaison entre la gare de Champéry et Barme, mais ses horaires ne permettent pas d'effectuer la boucle complète. Cependant, il n'est pas nécessaire de revenir à Barme. L'idéal est de prendre la première navette matinale en direction de Barme, puis, au retour, de rallier Champéry depuis la Buvette de Bonavau. Le temps de marche nécessaire pour rejoindre Champéry est équivalent à celui requis pour retourner à Barme.

Toutes les informations concernant la navette de Barme, notamment les horaires et les tarifs, sont disponibles à l'adresse suivante: https://www.regiondentsdumidi.ch/fr/551707-navette-de-barme-24915.

Consulter l'horaire en ligne des CFF pour trouver la meilleure correspondance pour gagner Champéry.

De Barme à Corna Mornay: solitude, rochers et soleil

À peine descendu de ma voiture, j'ai aussitôt aperçu les deux objectifs du jour, la Tête à Vincent et la Dent de Bonavau. Massifs et austères, les deux sommets m'attendaient au sud-est, protégés par des parois verticales aussi impressionnantes qu'inaccessibles. L'ascension s'annonçait technique et engagée, mais c'était exactement ce que j'étais venu chercher…

Depuis le parking, j'ai rejoint la Cantine de Barmaz, un charmant chalet en bois niché au milieu des pâturages, en quelques foulées. Les tables extérieures étaient déjà occupées par des randonneuses et randonneurs ayant probablement dormi sur place et qui se préparaient à entamer une journée splendide de marche, sous un soleil de plomb malgré l'heure encore matinale.

J'ai suivi le balisage du tourisme pédestre en direction du Signal de Bonavau. Après avoir contourné "Les Étages", d'imposantes barres rocheuses, j'ai atteint un replat aux alentours de 1580 mètres d'altitude. C'est là que j'ai quitté le sentier balisé pour entamer la véritable aventure. Au-delà, plus aucune trace, aucun marquage, pas même un cairn. La seule chose dont j'étais sûr, c'était qu'une montée non-stop, rude et sans pitié m'attendait.

J'ai traversé une petite combe gazonnée en direction du sud-ouest, cherchant à éviter les pierriers autant que possible. Je tenais à profiter d'un terrain stable tant qu'il y en avait un… Environ 200 mètres plus loin, une vire traversait de droite à gauche le dernier des "Étages". En la suivant, j'ai débouché sur une épaule herbeuse modeste, mais dégagée, au nord-est de P. 1692.

Juste en face de moi, à gauche de P. 1866, s'ouvrait un couloir étroit, escarpé et visiblement impraticable. En revanche, à droite de ce piton rocheux, un autre couloir, bien plus large et largement recouvert d'un névé, paraissait plus accueillant. C'est ce dernier que j'ai choisi de remonter, en espérant que la neige ne soit pas trop dure: je n'avais pas songé une seconde à glisser des crampons dans mon sac…

Soudain, un sifflement a retenti dans la combe. Avec l'écho, il était impossible d'en identifier la source. J'ai scruté les alentours en vain. Ce n'est qu'au moment où je m'apprêtais à poser le pied sur le névé que deux chamois ont surgi des pentes de P. 1866 pour dévaler à une vitesse fulgurante vers "Sur l'Arête".

Bien qu'il ne fût pas encore neuf heures, la chaleur s'était déjà installée, dense et étouffante. Trouver un peu d'ombre et de fraîcheur au pied du névé fut un véritable soulagement. Heureusement, la neige se révéla parfaite: suffisamment souple pour que je puisse y tailler des marches du bout des chaussures, mais assez ferme pour m'éviter de m'enfoncer.

Alors que je progressais aisément sur cet or blanc, bien plus agréable que les éboulis environnants, un gypaète barbu m'a offert le cadeau furtif d'un survol silencieux, avant de disparaître derrière les crêtes.

En gardant le cap au nord, j'ai gravi sans effort jusqu'à environ 1970 mètres d'altitude. Profitant d'une pause pour étudier la suite de l'itinéraire, j'ai rempli ma gourde, équipée d'un microfiltre, dans un petit ruisseau. J'avais emporté trois litres d'eau, mais avec la canicule, il fallait compenser davantage. Aucun autre point d'eau ne semblait disponible avant Bonavau, ce que la suite du parcours a confirmé.

Je me trouvais désormais au pied d'un téton rocheux. J'ai d'abord envisagé de le contourner par la gauche, mais les éboulis qui paraissaient instables et pas du tout invitants m'en ont dissuadé. J'ai donc opté pour un étroit couloir qui demandait l'utilisation des mains plus pour l'équilibre que pour une véritable difficulté technique (pas d'escalade en I). En trois pas, deux mouvements, j'étais sur une large terrasse vers 2000 mètres.

Au-dessus, de nouvelles barres rocheuses obstruaient toute progression directe. Pour les contourner, j'ai poursuivi en faux plat montant, direction sud-ouest, sur une centaine de mètres. Là, les pentes devenaient plus accessibles, offrant plusieurs itinéraires possibles à travers les éboulis et les rochers érodés par le temps, pour atteindre sans encombre le bas de la Corna Mornay, aux alentours de 2100 mètres d'altitude.

Corna Mornay: le sommet, la combe, l'histoire

En arrivant dans ce vallon sauvage, j'ai été frappé par la Dent de Barme et la Corne à Tournier, deux géants minéraux qui surplombaient la combe avec une majesté impressionnante. Leurs parois quasi verticales, taillées dans la roche brute, s'élevaient de plus de 600 mètres, dressant un rempart aussi austère qu'imposant.

La première ascension de la Dent de Barme revient probablement à un certain Tournier, notaire à Samoëns, dans les années 1830. À cette époque, le sommet aurait reçu le nom de Corna Mornay (parfois orthographié "Corna Morney"), une déformation de l'appellation patoise "Corne à Torni", signifiant littéralement "Pointe de Tournier". Curieusement, ce nom ne resta pas attaché au sommet lui-même. Il est "descendu" à la combe et au col, tandis que le point culminant du massif des Dents Blanches adoptait enfin le nom de "Dent de Barme". Une simple pointe secondaire conserva, quant à elle, le nom d'origine: la Corne à Tournier.

Le toponyme du vallon connut ensuite une nouvelle évolution: au milieu du siècle dernier, les cartes topographiques firent apparaître le nom de "Comba Mornay", où le terme "comba", issu du patois, désigne une combe. Cette forme semblait mieux convenir à ce vallon encaissé, jonché d'éboulis et ponctué de névés persistants. Pourtant, au début du XXIe siècle, les cartes officielles sont revenues à la forme initiale, sans que je parvienne à trouver d'explication à ce changement.

Les Chis Vernas: sculptures géologiques et mystère étymologique

À l'ouest, les roches de la pointe culminante des Chis Vernas (P. 2276) et de son versant oriental dessinaient d'étonnants plis géologiques, témoins silencieux des puissantes forces de compression qui ont façonné la montagne au fil des millénaires. Leur allure torturée évoquait presque une sculpture abstraite, née d'un lent affrontement entre tectonique et érosion.

Mais au-delà de cet aspect spectaculaire, le site cachait une autre énigme, plus discrète: son nom. L'appellation actuelle, "Les Chis Vernas", est une création récente, apparue au début du XXIe siècle. Elle dérive de "Sex Vernays", toponyme ancien chargé de sens. Le mot "sex", issu du latin "saxum", signifie "rocher", tandis que "vernays" remonte à l'ancien français "vernaie, verney, vernoie, vernoy", autant de variantes désignant un "lieu planté de vernes", ces aulnes glutineux typiques des milieux humides.

Autrefois, des vernes poussaient apparemment sur les pentes sud du massif, peut-être au-dessus du lac de la Vogealle. À l'origine, Sex Vernays désignait l'ensemble des Dents Blanches. Je ne sais pas précisément quand ce nom a cédé la place à celui aujourd'hui consacré de Dents Blanches. Mais comme pour la Corna Mornay, une de ces Dents a conservé l'ancienne dénomination sous une forme modifiée: la "Dent des Chis Vernas", héritière directe de la "Dent de Sex Vernays".

Ce qui reste pour moi un mystère, c'est pourquoi cette appellation est ensuite "descendue" dans le versant nord, s'appliquant à un creux, puis à quelques pointes secondaires…

Dans la tourmente des pierres: cap sur le Col de Corna Mornay

À l'est, la Tête à Vincent dominait elle aussi la combe, son flanc strié par des plis tectoniques aussi impressionnants que mystérieux. En arrière-plan, seul émergeait le pic sommital de la Dent de Bonavau. Quant au Col de Corna Mornay, il restait caché derrière des barres rocheuses, mais la direction que je devais suivre n'en était pas moins évidente: cap au sud-est, légèrement sur la droite de la Tête à Vincent.

La combe s'étendait devant moi en une mer d'éboulis à perte de vue, où la consistance du sol variait du tout au tout: par endroits, il offrait une stabilité presque rassurante, ailleurs, chaque pas en avant s'accompagnait d'un glissement imprévisible, comme si le terrain cherchait à m'expulser. Dans ces conditions, progresser discrètement relevait du fantasme. Le vacarme provoqué par les pierres s'entrechoquant a fini par effrayer trois chamois, qui se sont empressés de filer vers les Chis Vernas. J'ai été à la fois impressionné – et, je dois l'avouer un peu jaloux – de les voir se déplacer avec une telle aisance sur ce chaos minéral, où chaque appui demandait une vigilance extrême. J'étais aussi bien content d'avoir pris mes bâtons, qui m'aidaient considérablement à garder l'équilibre sur ce sol perfide.

J'ai maintenu mon cap au sud-est en suivant tant bien que mal les maigres traces laissées par le passage des animaux. Tout en avançant, j'observais attentivement la suite du parcours, notamment une barre rocheuse vers 2250 mètres d'altitude qui se dressait en travers de mon chemin. À plusieurs reprises, je me suis demandé s'il valait mieux traverser en flanc de coteau pour la contourner à sa base et remonter ensuite un couloir d'éboulis, ou prendre de l'altitude d'emblée pour la franchir par-dessus. J'avais un peu l'impression de devoir choisir entre la peste et le choléra: dans les deux cas, il s'agissait de lutter contre un cocktail pénible d'éboulis et de terrain raviné.

À mesure que je m'en approchais, l'amas d'éboulis devenait de plus en plus instable. Chaque pas nécessitait une attention minutieuse pour bien placer le pied et éviter une glissade. Parallèlement, il fallait constamment scruter les pentes au-dessus, au cas où un éventuel animal déclencherait une chute de pierres.

Finalement, j'ai opté pour une variante de la deuxième option: un névé providentiel m'a permis de gravir sans effort la cinquantaine de mètres de dénivelé, en m'épargnant l'épuisante bagarre avec les cailloux. J'ai ainsi gagné le dessus de la barre rocheuse vers 2300 mètres d'altitude, presque sans m'en rendre compte.

J'ai ensuite obliqué vers l'est, progressant sur un faux plat montant où le terrain, sans être vraiment confortable, se montrait tout de même un chouia plus stable. Cela m'a conduit à un petit replat d'où le Col de Corna Mornay s'est enfin dévoilé, à seulement quelques centaines de mètres.

La suite de l'ascension ne m'a réservé aucune difficulté particulière. J'en ai profité pour contempler l'arête nord-est de la Dent de Barme, déchiquetée et austère. Elle se dressait là, silencieuse et intimidante, comme pour rappeler qui était la véritable maîtresse des lieux.

Susanfe dévoilée: quand la géographie raconte l'histoire des mots

En arrivant au Col de Corna Mornay, le paysage s'est soudain ouvert sur le vaste cirque glaciaire de Susanfe. Le contraste était saisissant: alors que la combe de Corna Mornay n'offrait qu'un chaos minéral, fait de caillasse et d'éboulis, le versant de Susanfe se révélait nettement plus verdoyant et accueillant.

Le toponyme "Susanfe" a lui aussi donné lieu à de nombreuses hypothèses. Au début du siècle dernier, le vallon portait plutôt le nom de "Clusanfe" ou "Cluzanfe", un terme qui viendrait de "terra clusa", signifiant "terre fermée, vallon enclavé". Cela prend tout son sens quand on observe la configuration du site: le vallon est littéralement ceinturé de hautes parois rocheuses sur presque tous ses flancs. Au sud, il est dominé par la Tour Salière, le Mont Ruan et la Tête des Ottans; à l'ouest, par le Mont Sagerou et la Dent de Barme; au nord, par la Dent de Bonavau, les Dents de Rossétan, la Dent de la Chaux et la Haute Cime; enfin, à l'est, par le Dôme et l'Église.

Une autre théorie avance que "Susanfe" viendrait du patois "sesathe", où le "th" se prononce comme en anglais, ce qui donnerait quelque chose comme "sesaphe" ou "sesaphle". Certains y voient un lien avec La Soufla, le torrent qui descend le vallon. Selon cette hypothèse, "Susanfe" trouverait son origine dans "sesofla" (soit "sans souffle"), tandis que "Soufla" dériverait du patois "sofia" (signifiant "souffler"). Il est vrai que la gorge de Giétroz-du-Fond, là où le torrent s'engouffre, est connue pour être le théâtre d'un courant d'air quasi permanent entre les vallons de Susanfe et de Bonavau. Pourtant, l'idée d'un vallon "sans souffle" me semble plutôt tirée par les cheveux, et je peine à la trouver vraiment convaincante…

La Tête à Vincent par l'arête

Le point culminant de la Tête à Vincent ne se trouvait plus qu'à quelque 75 mètres de dénivelé et environ 300 mètres à vol d'oiseau. Depuis le Col de Corna Mornay, j'ai longé l'arête vers le nord, sans rencontrer la moindre difficulté technique, jusqu'au pied d'un petit éperon rocheux. Deux ou trois pas d'escalade facile (de l'ordre du I) m'ont suffi pour le franchir. Après une brève montée finale, j'ai finalement foulé le sommet de la Tête à Vincent, où trônait un modeste cairn.

L'absence totale de sentier et de balisage exigeait une bonne capacité d'orientation, ainsi qu'un certain instinct pour analyser le terrain et choisir le meilleur itinéraire. Les pentes raides et irrégulières demandaient un pied sûr, et il fallait encore composer avec quelques passages d'escalade facile. Tout cela justifie largement la cotation T5 pour gravir la Tête à Vincent par Corna Mornay.

De la Tête à Vincent au Col de Barme: arête exposée, rocher délité

Dans l'ouvrage du CAS, la seule mention concernant la Tête à Vincent se limitait à une phrase sèche et laconique: "Du col de Comba Mornay, suivre l'arête mi-gazonnée, mi-rocheuse jusqu'au col de Barme", accompagnée d'une cotation d'alpinisme "F". En observant attentivement l'arête est, j'ai été stupéfait de découvrir son profil étroit et très découpé, presque acéré. L'arête sud-ouest de la Dent de Bonavau me paraissait tout aussi vertigineuse. Pendant un instant, j'ai sérieusement douté de la fiabilité et surtout de l'actualité des maigres informations que j'avais pu réunir…

Après une brève pause pour me ravitailler, j'ai entamé la descente en suivant le fil de l'arête, exposée et franchement aérienne, donc à proscrire à tout prix pour quiconque souffre du vertige. Le rocher, en prime, était plutôt friable, et il fallait vérifier soigneusement la solidité de chaque prise. Il n'a pas fallu plus de quelques pas pour me retrouver face à un premier ressaut particulièrement exposé. Je l'ai désescaladé avec toute la prudence du monde. Peu après, l'exposition sur la crête est devenue trop importante à mon goût. J'ai alors choisi de descendre un peu sur le versant sud pour progresser sur une vire étroite, certes, mais beaucoup moins vertigineuse que le fil de l'arête.

J'ai retrouvé la crête quelques dizaines de mètres plus loin. J'ai reproduit la manœuvre plusieurs fois, contournant systématiquement les sections les plus délicates par le versant sud, sauf pour le dernier ressaut, que j'ai pu éviter sans difficulté par le versant nord. J'ai ensuite rejoint sans encombre le Col de Barme.

Même si la descente entre la Tête à Vincent et le col n'a duré qu'une vingtaine de minutes, certains passages m'ont véritablement mis à l'épreuve. L'exposition extrême, la qualité douteuse du rocher et ces courts passages d'escalade en II me conduisent sans hésiter à attribuer une cotation T5+ à cet itinéraire.

L'arête sud-ouest de la Dent de Bonavau: moins redoutable qu'elle n'en a l'air

Depuis le Col de Barme, j'ai suivi l'arête sud-ouest de la Dent de Bonavau, qui s'est révélée bien plus accessible que son allure sévère aperçue depuis la Tête à Vincent ne le laissait craindre. Certes, elle était aérienne, mais suffisamment large et confortable pour qu'on s'y sente rapidement en confiance.

Sans difficulté particulière, j'ai ainsi atteint le haut d'un ressaut. Pour le franchir, j'ai choisi de descendre d'une quinzaine de mètres sur le versant nord-ouest, en empruntant des vires étroites et exposées, qui nécessitaient l'usage des mains (I-II) pour progresser.

Une dernière montée m'a ensuite conduit au pied de la protubérance rocheuse sommitale, que j'ai gravie par la droite, au prix de quelques pas d'escalade faciles en I.

L'ascension de la Dent de Bonavau par cette arête sud-ouest mérite clairement la cotation T5, essentiellement à cause de la descente technique et exposée pour contourner le ressaut. Pour le reste, l'itinéraire relève plutôt d'un T4 à T4+.

Un crochet vers l'antécime septentrionale

Le sommet de la Dent de Bonavau était marqué par un cairn, modeste, tandis que celui qui couronnait une antécime située plus au nord (P. 2477) s'imposait par sa taille bien plus imposante et majestueuse. Cette antécime ne se trouvait qu'à environ 150 mètres, et j'ai pensé qu'y parvenir ne demanderait pas un grand effort. J'avais malheureusement sous-estimé la descente nécessaire pour rejoindre l'arête nord, sur un terrain accidenté et exposé, qui exigeait nettement plus d'attention et de prudence que je ne l'avais imaginé.

J'ai ensuite suivi le fil de l'arête, qui comportait quelques passages demandant l'usage des mains, jusqu'à atteindre l'antécime et sa véritable pyramide de pierres, haute d'environ deux mètres!

Après avoir pris le temps de contempler la vue vertigineuse plongeant sur le Signal de Bonavau et Champéry, je suis revenu au sommet principal de la Dent de Bonavau par le même chemin. Lors de ce retour, j'ai eu la chance d'observer trois vautours fauves qui planaient majestueusement depuis Bonavau vers le vallon de Susanfe.

Lorsque les pics servaient d'horloge

Le toponyme "Bonavau" vient du patois "bona", qui signifie "bonne (fertile)", associé à "avu", dérivé du latin "vallis" ("vallée, vallon"). La combe, avec ses pâturages verdoyants où paissent chaque été les troupeaux, confirme à merveille l'idée de ce "vallon fertile". Le nom est ensuite "monté" au Signal de Bonavau et à la Dent de Bonavau.

Il est intéressant de constater que, sur les anciennes cartes Dufour et Siegfried, la Dent de Bonavau portait également un second nom: "Dent d'une heure". Au début du XXe siècle, l'ensemble que l'on appelle aujourd'hui les Dents du Midi portait encore le nom de "Dents de Tsallen", tandis que seule la Haute Cime actuelle était désignée comme la Dent de Midi. Les sommets de toute la région formaient ainsi, pour les habitants du Val d'Illiez, un gigantesque cadran solaire naturel, leur permettant d'estimer l'heure au fil du mouvement du soleil. Cette méthode ancestrale de mesure du temps révèle l'ingéniosité des populations de montagne, qui savaient tirer parti de leur environnement pour organiser leur quotidien.

De la Dent de Bonavau à La Chaire: une descente aérienne

Après une pause bien méritée près du petit cairn sommital, j'ai amorcé la descente par la voie normale qui suit l'arête sud-est. La première section, principalement herbeuse, s'est déroulée sans encombre, malgré une pente parfois bien marquée, mais sans présenter la moindre difficulté technique notable, ne dépassant pas la cotation T4.

Je savourais pleinement le panorama grandiose, quand, après avoir franchi une nouvelle marche herbeuse, j'ai eu la surprise d'apercevoir quelques edelweiss, éclatants et fragiles, qui défiaient l'altitude et les conditions difficiles avec une élégance rare.

Peu à peu, l'arête est devenue plus minérale et plus étroite. Elle se montrait aussi vertigineuse, avec près de 650 mètres de falaise à pic côté nord, exigeant à nouveau une parfaite résistance au vide. Sur le plan technique, j'ai rencontré quelques courts passages d'escalade et de désescalade en I-II. Ces passages, bien que peu exposés, justifient tout de même la cotation T5-. Il était d'ailleurs souvent possible de contourner ces ressauts en perdant légèrement de l'altitude, généralement côté sud, avant de retrouver l'arête aussitôt après. Sur une dalle, j'ai remarqué deux pitons à expansion, mais je me suis interrogé sur leur réelle utilité: je suis descendu là sans la moindre difficulté, sans même poser les mains…

Plus bas, l'arête a retrouvé un couvert herbeux, marquant la fin de la portion la plus technique. Je me rapprochais alors d'un sommet massif: La Chaire. Ce toponyme vient par métaphore du français "chaire", lui-même issu du latin "cathedra", signifiant "siège à haut dossier". Pour ma part, j'y voyais plutôt un immense dossier de chaise longue, mais l'analogie restait tout à fait pertinente.

J'ai atteint un large col au pied de La Chaire, puis j'ai gravi en quelques minutes la trentaine de mètres de dénivelé par le flanc sud, herbeux, pour atteindre le point culminant. Ce promontoire offrait une vue saisissante sur le versant est, vertigineux, de la Dent de Bonavau, ainsi que sur l'arête que je venais tout juste de descendre.

De La Chaire au Pas d'Encel: retour aux chemins balisés

Depuis le sommet de La Chaire, j'ai tenté de poursuivre sur le fil de l'arête, mais je me suis vite retrouvé bloqué par un ressaut infranchissable sans matériel d'escalade. J'ai donc fait demi-tour sur quelques dizaines de mètres, avant de dévaler les pentes herbeuses du versant sud. J'ai ensuite mis le cap à l'est-sud-est, avec pour objectif de rejoindre le sentier pédestre reliant le Pas d'Encel à la Cabane de Susanfe.

Aux alentours de 1950 mètres, j'ai retrouvé un chemin relativement bien marqué, qui m'a mené jusqu'au bord de la Saufla. Le faible débit et le niveau bas du torrent m'ont permis de traverser à gué sans difficulté. Si cela s'était avéré impossible, il aurait suffi de longer la rive gauche jusqu'au petit barrage, qui offre un passage plus sûr.

De l'autre côté, sur la rive droite, j'ai emprunté l'une des nombreuses petites sentes qui montaient, pour regagner le sentier principal. Sans surprise, il était assez fréquenté, et j'ai croisé plusieurs petits groupes en train de monter ou de descendre.

Du Pas d'Encel au Refuge de Bonavau: traversée panoramique

Très vite, j'ai atteint le Pas d'Encel, un goulet profondément creusé qui sépare le massif des Dents du Midi à l'est de celui des Dents Blanches à l'ouest. Le passage, un peu aérien, s'est pourtant révélé être une simple promenade comparée aux arêtes que j'avais parcourues plus tôt. Par temps de pluie, le terrain peut devenir traître, mais tous les secteurs potentiellement dangereux sont équipés de chaînes. Ce jour-là, le sol était bien sec, ce qui m'a permis de profiter pleinement des panoramas vertigineux offerts tout au long du chemin.

Le sentier a ensuite quitté la gorge étroite pour venir longer le pied des falaises de la Dent de Bonavau. Face à moi, à environ un kilomètre à vol d'oiseau, j'apercevais déjà le chemin qui montait au Signal de Bonavau. J'ai bien tenté de repérer dans les pentes un raccourci à flanc de coteau, qui m'aurait épargné une descente suivie d'une remontée, mais le versant était sillonné de couloirs peu engageants. Je me suis donc résolu à suivre sagement le sentier pédestre jusqu'au croisement (P. 1543), où j'ai pris à gauche.

Alors que je cheminais sur un faux plat alternant brèves montées et courtes descentes, je rêvais d'une boisson bien fraîche et peut-être d'une part de gâteau aux fruits au Refuge de Bonavau. L'effort soutenu de la journée commençait à se faire sentir, et l'idée de cette pause gourmande motivait mes derniers pas. Hélas, en arrivant sur la terrasse, j'ai découvert que toutes les tables à l'ombre, et même une bonne partie de celles en plein soleil, étaient déjà prises.

Du Refuge de Bonavau à Barme par le Signal

N'ayant aucune envie de m'installer en plein soleil, j'ai aussitôt entrepris l'ascension vers le Signal de Bonavau. Malgré quelques courts passages en forêt, cette montée d'environ 250 mètres de dénivelé, sous un soleil de plomb en plein après-midi, s'est révélée étouffante et pénible, et la sueur perlait abondamment sur mon front. Le seul point positif, c'est que je pouvais admirer les falaises vertigineuses et le sommet de la Dent de Bonavau, qui dominaient le sentier de plus de 700 mètres.

Malgré la chaleur, j'ai tout de même effectué un aller-retour rapide jusqu'au Signal de Bonavau, qui offre une superbe vue sur les Dents du Midi et Champéry. Ce belvédère panoramique récompensait largement le petit effort supplémentaire consenti.

J'ai ensuite amorcé la descente vers Barme sur un sentier agréable et tranquille, absolument désert, qui m'a offert un vrai moment de quiétude après les efforts du jour. Un peu plus bas, le chemin passait devant le petit chalet en pierre de Sous la Dent, ajoutant une note pittoresque à cette fin de parcours. Il m'a encore fallu parcourir un dernier kilomètre pour rejoindre le plateau de Barme. Là s'achevait une magnifique randonnée, pleine d'émotions, de rencontres furtives et de surprises minérales, qui allait sans doute me marquer longtemps. Et en quittant le plateau avec mon véhicule, j'ai jeté un ultime regard vers les sommets gravis et les arêtes parcourues, comme pour m'assurer que tous ces paysages resteraient bien ancrés dans ma mémoire.

J'ai ensuite amorcé la descente vers Barme sur un sentier agréable et tranquille, absolument désert, qui m'a offert un vrai moment de quiétude après les efforts du jour. Cette solitude retrouvée contrastait agréablement avec l'animation du refuge et me permettait de savourer pleinement les derniers instants de cette aventure montagnarde. Un peu plus bas, le chemin passait devant le petit chalet en pierre de Sous la Dent, ajoutant une note pittoresque à cette fin de parcours.

Il m'a encore fallu parcourir un dernier kilomètre pour rejoindre le plateau de Barme. Là s'achevait une magnifique randonnée, pleine d'émotions, de rencontres furtives et de surprises minérales, qui allait sans doute me marquer longtemps. Et en quittant le plateau avec mon véhicule, j'ai jeté un ultime regard vers les sommets gravis et les arêtes parcourues, comme pour m'assurer que tous ces paysages resteraient bien ancrés dans ma mémoire. Ce dernier coup d'œil nostalgique scellait définitivement cette aventure extraordinaire.