Accès

Accès en voiture

Emprunter l'autoroute A5 jusqu'à Neuchâtel. Poursuivre ensuite sur la semi-autoroute et la route cantonale A20 en direction de La Chaux-de-Fonds, puis continuer jusqu'au Locle. Une fois dans la ville, la traverser en suivant les panneaux "France". Après avoir franchi le tunnel routier, tourner à droite en direction des Brenets. Il suffit alors de suivre la route cantonale sur environ 4 km jusqu'au village. Quelques places de stationnement sont disponibles près de la gare. Si nécessaire, le parking des Pargots, situé dans la partie basse du village, offre davantage d'espace.

Accès en transports publics

Le village des Brenets est desservi par des trains circulant sur la ligne Le Locle – Les Brenets. La ville du Locle, quant à elle, est accessible depuis Neuchâtel par train ou par bus.

Pour trouver la meilleure correspondance, consulter l'horaire en ligne des CFF.

Les Brenets

Bien que le massif du Jura regorge de pépites plus ou moins connues, j'ai rarement l'occasion (ou même l'idée) de l'explorer. Ses sommets, bien moins élevés que ceux des Alpes, voient la neige fondre rapidement dès les premières chaleurs du printemps, laissant place à des versants verdoyants. J'ai donc saisi cette opportunité pour découvrir une partie des gorges du Doubs qui s'étirent sur environ 35 kilomètres de long, des Brenets, dans le canton de Neuchâtel, à Goumois, dans le canton du Jura.

Mon périple a débuté à la gare des Brenets vers 8h30. De là, j'ai emprunté la rue de la Gare jusqu'à atteindre la Rue du Temple. Après avoir tourné à droite, j'ai immédiatement bifurqué à gauche sur la Rue du Collège, où j'ai rejoint le sentier pédestre balisé en jaune. À cette heure relativement matinale, les rues étaient absolument désertes et silencieuses. J'ai ressenti une étrange sensation, comme si je m'aventurais dans un village figé dans le temps qui aurait été vidé de ses habitants par une force mystérieuse, évoquant l'atmosphère intrigante d'un film fantastique. Toutefois, cette atmosphère particulière s'est évanouie dès l'apparition du Lac des Brenets et des maisons de Villers-le-Lac qui se dessinaient au loin.

Le Lac des Brenets (ou Lac de Chaillexon)

Les origines du Lac des Brenets remontent à une période située entre 12 000 et 14 000 ans en arrière, selon les sources, lorsque d'imposants éboulements rocheux, probablement déclenchés par un séisme, ont obstrué le lit du Doubs. Le barrage naturel ainsi formé, d'environ 30 mètres de hauteur, a provoqué l'inondation des gorges en amont, transformant et redessinant le paysage pour des millénaires. À cette époque reculée, les gorges du Doubs commençaient à l'ouest de Morteau, et le lac qui s'était formé s'étendait sur 15 kilomètres. Au fil des siècles, la pression de l'eau a creusé une brèche dans cet amas de gravats, donnant naissance au Saut du Doubs, une cascade devenue emblématique. La taille du lac s'est par la suite considérablement réduite pour atteindre ses dimensions actuelles, mesurant désormais 4 kilomètres de long sur à peine 200 mètres de large.

Le lac constitue une frontière naturelle entre la Suisse et la France. En Suisse, il porte le nom de la ville frontalière des Brenets, tandis qu'en France, il tire son appellation du hameau de Chaillexon, qui se trouve rattaché à la commune française de Villers-le-Lac.

Le Doubs

En observant en direction de Villers-le-Lac, il était pratiquement impossible de distinguer où se terminait la rivière du Doubs (prononcée "du") et où commençait le Lac des Brenets, tant les eaux se fondaient l'une dans l'autre. Cette rivière, qui a donné son nom au département français du même nom et à un village de la commune de Pontarlier, prend sa source sur le territoire de la commune française de Mouthe, à environ 13 kilomètres à vol d'oiseau à l'ouest de Vallorbe. D'une longueur d'environ 450 kilomètres, le Doubs dessine globalement la forme d'un "M" très étiré, si bien que la distance à vol d'oiseau entre sa source et son confluent n'est que de 93 kilomètres.

Mentionné autrefois sous la forme "Dubis", un terme issu du gaulois "dub" signifiant "noir", le Doubs pourrait devoir son nom non seulement à ses innombrables méandres, mais surtout au fait qu'il traverse des régions karstiques. Celles-ci sont marquées par un réseau hydrographique souterrain, caractérisé par des rivières cachées et un sous-sol creusé de multiples cavités.

À partir de Villers-le-Lac, le Doubs constitue une frontière naturelle entre la France et la Suisse sur une cinquantaine de kilomètres. Il s'écoule alors sous la forme d'un profond canyon dominé par des corniches abruptes et encaissé par endroits de près de 400 mètres, un spectacle qui témoigne de la force brute de la nature.

Des Brenets à la Tête de Calvin

J'ai suivi les panneaux jaunes jusqu'au quartier du Champ du Nord, où un panneau brun indiquait le "Saut-du-Doubs". C'était la direction à prendre pour explorer les méandres légendaires et la célèbre cascade, haute de près de 30 mètres.

J'ai emprunté la route asphaltée, interdite aux véhicules, qui s'enfonçait rapidement dans le Bois de Ville. Bien que la forêt dense limitât considérablement la vue, quelques trouées révélaient néanmoins de jolies perspectives sur la partie occidentale du Lac des Brenets qui scintillait en contrebas.

Quelque 600 mètres plus loin, je suis arrivé à une bifurcation (P. 834). Deux options s'offraient à moi: continuer tout droit sur la route asphaltée ou emprunter le sentier montant à droite, qui menait à la Tête de Calvin. Le premier itinéraire semblait monotone et a priori dépourvu de panoramas dignes d'intérêt. Le second, bien qu'un chouia plus exigeant (50 mètres de dénivelé et environ 10 minutes supplémentaires) promettait des vues spectaculaires. Sans la moindre hésitation, j'ai opté pour l'aventure et entamé la douce montée sur une large piste qui s'est transformée par la suite en un sentier. Le léger effort supplémentaire a été largement récompensé par des panoramas époustouflants sur le Lac des Brenets, véritable ruban d'eau étroit serpentant entre des falaises boisées s'élevant jusqu'à 80 mètres de hauteur.

En suivant le sentier, j'ai atteint le poteau signalétique de la Tête de Calvin. Le rocher éponyme et son belvédère se trouvaient à une centaine de mètres à l'ouest. On raconte que, vu depuis le lac, ce piton rocheux évoquerait le profil de Jean Calvin, figure majeure de la Réforme protestante au XVIe siècle. Depuis ce sommet, il m'était impossible de vérifier cette ressemblance, mais cela m'importait peu: je préférais contempler les falaises abruptes, couvertes en grande partie d'arbres, dont certains semblaient s'être établis dans des recoins précaires et improbables. Le spectacle, amplifié par le vide vertigineux surplombant les méandres du lac, était tout simplement hypnotique. Ce qui rendait l'instant encore plus magique, c'était de pouvoir savourer ce paysage en solitaire, dans une quiétude absolue, bercé par le chant délicat et mélodieux des oiseaux qui résonnait dans l'air frais du matin…

De la Tête de Calvin au hameau du Saut du Doubs

Après un instant de contemplation, je suis revenu au poteau signalétique pour emprunter le sentier descendant vers le Saut du Doubs. Dans cette descente ombragée, une curiosité géologique insolite a attiré mon attention: une cavité traversant la falaise de part en part. Poussé par la curiosité, je me suis glissé à quatre pattes dans ce tunnel naturel, espérant découvrir un panorama différent. Hélas, la vue ressemblait fortement à celle du belvédère quitté peu avant, quoique peut-être juste un peu plus vertigineuse.

J'ai ensuite rejoint la route asphaltée, qui serpentait à travers une forêt clairsemée. À travers les arbres, les maisons du hameau du Saut du Doubs et les débarcadères des deux rives du lac se sont dévoilés progressivement. En passant devant le restaurant quelques minutes plus tard, les lumières allumées et le panneau "ouvert" m'incitaient à faire une pause-café, mais l'envie irrépressible d'explorer la suite du paysage l'a finalement emporté.

Ce hameau pittoresque signalait la fin du Lac des Brenets, et des bouées positionnées près du restaurant empêchaient les bateaux de s'aventurer plus loin dans les eaux peu profondes.

La passerelle Petit-Jean et les belvédères français du Saut du Doubs

À quelques pas du restaurant, la passerelle Petit-Jean reliait la Suisse à la France. Cette structure, franchissant le Doubs entre les deux pays, a été construite en 2005 grâce au mécénat de Gilbert Petit-Jean, un industriel local.

Depuis le début de la randonnée, j'avais remarqué la teinte pâle des roches affleurant l'eau, signe révélateur d'un niveau du lac inhabituellement bas. Mes soupçons se sont confirmés: ce jour-là, le lac n'atteignait que 749 mètres d'altitude, soit près d'un mètre en dessous de son niveau habituel. Mais le pire était à venir: quelle fut ma surprise en découvrant que le lit de la rivière sous la passerelle était complètement asséché, laissant apparaître des roches tapissées de mousse et quelques flaques résiduelles semblables à des miroirs miniatures! Ce phénomène s'explique en partie par la nature perméable du barrage naturel du Saut du Doubs, composé de débris calcaires à travers lesquels s'infiltrent environ 3 mètres cubes d'eau par seconde. Ce drainage constant est aggravé par les périodes de sécheresse, comme celle qui sévissait depuis deux mois. En cas de sécheresses prolongées, comme en 2018 ou 2022, le lac peut même se retrouver presque à sec, exposant son lit boueux aux rayons du soleil!

La passerelle donne accès à deux belvédères français surplombant la cascade. Le premier, situé au niveau de l'eau, fait face au point de vue suisse. Le second, plus en hauteur, est le plus impressionnant, offrant une vue frontale et dominant le Doubs d'une centaine de mètres. Explorer ces belvédères aurait ajouté environ 1,5 km et 30 minutes de marche à mon itinéraire. Face au lit asséché, j'ai présumé que la cascade se réduisait à un mince filet d'eau et j'ai donc renoncé à cette boucle française.

Mémoires du Doubs, quatre siècles de vie industrielle au fil de l'eau et du temps

À proximité de la passerelle, j'ai découvert le premier panneau du sentier didactique "Mémoires du Doubs, quatre siècles de vie industrielle au fil de l'eau et du temps". Ce parcours historique de 17 kilomètres relie le Saut du Doubs à La Rasse.

Les cours d'eau ont longtemps été des lieux stratégiques pour l'implantation d'industries. Bien avant l'avènement de la vapeur ou de l'électricité, nos ancêtres exploitaient l'énergie brute des rivières pour alimenter leurs activités. Le Doubs, avec son courant puissant, n'a pas échappé à cette dynamique. Au XVe siècle, un moulin tournait déjà près des Brenets. Le nombre de petites usines hydrauliques a augmenté de manière spectaculaire, si bien qu'au XVIIe siècle, une trentaine de roues à aubes animaient une dizaine de sites sur les rives neuchâteloises, actionnant moulins, scieries, forges et pressoirs à huile. Côté français, l'activité, bien que moins dense, suivait un rythme similaire. Cependant, cette effervescence industrielle était à la merci des caprices imprévisibles de la rivière. Crues dévastatrices et éboulements imprévisibles transformaient chaque jour en défi pour les artisans et les industriels. Le déclin s'amorça au début du XVIIIe siècle, avec l'essor de la machine à vapeur et le déplacement des usines vers les axes ferroviaires. En 1875, seuls deux moulins subsistaient côté suisse – Moron amont et Moulins Calame – mais ils fermèrent leurs portes vers 1880. En 1938, la dernière usine neuchâteloise cessa son activité, tandis qu'en France, la scierie de La Rasse résista jusqu'en 1956.

Le sentier, jalonné de quinze panneaux illustrés de photos d'archives et d'anecdotes, redonne vie à ces géants disparus: moulins à farine du Saut-du-Doubs, laminoirs de La Roche, forges de Moron… Çà et là, des vestiges émergent timidement: fondations érodées par le temps, murs à demi ensevelis sous la végétation qui avait repris ses droits. Grâce aux récits gravés sur les panneaux, ces pierres silencieuses deviennent des témoins éloquents d'un passé révolu.

Pour les plus jeunes: la chasse au trésor

Non loin de la passerelle, un panneau coloré présente une chasse au trésor transfrontalière de 3 kilomètres, ponctuée de 10 énigmes réparties sur les deux rives du Doubs. Bien que ce parcours ludique ne m'ait personnellement pas attiré, les curieux pourront en apprendre davantage sur le site des Chemins de la Contrebande: https://lescheminsdelacontrebande.com/chemin/la-chasse-au-tresor/.

La cascade du Saut du Doubs

Depuis le centre de la passerelle, j'ai contemplé le lit asséché, encadré de parois moussues, évoquant un décor de conte fantastique où la nature aurait reconquis un monde abandonné. Quelques minutes plus tard, j'ai repris la route asphaltée sur la rive suisse et croisé les vestiges fantomatiques d'un ancien barrage et les fondations d'un moulin, tous deux envahis par la végétation, ce qui masquait en partie leur intérêt historique.

Plus loin, le lit de la rivière offrait une scène bien plus captivante: l'eau, après un périple souterrain à travers les méandres karstiques, ressurgissait enfin à l'air libre. Le débit, sans surprise, restait faible. Arrivé au belvédère suisse du Saut du Doubs, j'ai observé une cascade réduite à un mince filet, tombant 27 mètres plus bas dans une marmite de 13 mètres de profondeur et 20 mètres de diamètre. Selon l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), le débit ce jour-là atteignait péniblement 2.8 mètres cubes par seconde, bien loin des 25 mètres cubes par seconde habituels en avril. Comparé aux flots impressionnants dont je gardais un vague souvenir, le spectacle était presque décevant.

Surnommée "petite Niagara" pour la puissance de son débit après de fortes pluies, la chute a déjà enregistré des crues exceptionnelles dépassant 200 mètres cubes par seconde. Elle porte aussi le titre quelque peu ironique de "Niagara français", car son lit se trouverait, selon certains dires, entièrement situé en territoire français.

Du Saut du Doubs au Barrage du Châtelot par la rive droite du Lac de Moron

Depuis la marmite au pied de la cascade, les eaux se déversent dans le Lac de Moron, une étendue artificielle créée par le barrage du Châtelot. Un sentier bucolique de 4 kilomètres longe la rive droite pour rejoindre ce dernier. Partant du belvédère du Saut du Doubs, une courte montée mène à une charmante aire de pique-nique équipée de tables en bois et de grills. Déserte ce jour-là, elle doit sans doute s'animer bien davantage lors des chaudes journées d'été.

J'ai suivi le "Chemin de l'Entre-Roches", balisé en jaune, qui descendait en pente très douce. Par endroits, à travers quelques trouées dans la forêt, le Lac de Moron dévoilait des reflets magnifiques sur sa surface miroitante. La piste traversait des tunnels creusés dans la roche avant de se rétrécir en un simple sentier. Techniquement, il n'y avait aucune difficulté, et les passages potentiellement exposés aux risques de chute étaient largement sécurisés par des barrières métalliques solidement ancrées au sol.

La forêt dégageait une sérénité presque mystique avec, en bruit de fond, les sons apaisants de la nature: gazouillis mélodieux des oiseaux, cacardements d'oies battant des ailes pour s'envoler, et cancans enjoués des canards qui se poursuivaient sur l'eau.

Quelques panneaux du sentier Mémoires du Doubs évoquaient les usines englouties par le lac en 1953, dont les ruines affleurent parfois lorsque le niveau de l'eau est bas, ce qui n'était pas le cas ce jour-là. J'ai tenté d'imaginer l'agitation industrielle d'autrefois, mais le miroir d'eau immobile reflétant le Châtelard (sommet français culminant à 1030 mètres d'altitude) et les quelques barques paraissant assoupies près du hameau de Moron rendaient l'exercice particulièrement difficile tant le paysage respirait désormais la quiétude.

Après environ trois kilomètres de faux plat enchanteur, une courte montée m'a conduit à une bifurcation de sentiers pédestres. À droite, un sentier grimpait vers les Roches de Moron via la Grande Beuge, une étape prévue plus tard dans mon itinéraire. J'aurais bien évidemment pu, ici, raccourcir l'itinéraire afin d'économiser environ 9 km de distance et 2h45 de temps de marche en renonçant à une partie du circuit. J'ai finalement opté pour la gauche, et une brève descente m'a mené près du barrage du Châtelot. Là, de petits groupes de promeneurs ont rompu ma solitude, leur brouhaha contrastant soudainement avec le calme ambiant de la nature qui m'avait accompagné jusque-là.

Le Barrage du Châtelot

Je me suis approché du bord de l'eau pour observer le barrage-voûte, inauguré en 1953. Avec ses 74 mètres de hauteur, il retient environ 20 millions de mètres cubes d'eau. Cependant, la partie visible du barrage ne dévoilait qu'une fraction de son envergure imposante. Ce n'est que depuis le pied du barrage qu'il est possible d'observer sa monumentalité écrasante…

L'eau du barrage est acheminée à la centrale du Torrent via une galerie de 3 km taillée dans la roche, puis par une conduite forcée de 141 mètres qui génère un dénivelé de 67 mètres avant d'alimenter deux turbines. L'électricité ainsi produite alimente les réseaux de la Suisse et de la France. La centrale produit de l'énergie de pointe, c'est-à-dire que l'eau n'est turbinée qu'en fonction de la demande en électricité.

Le barrage incarne les paradoxes modernes: il fournit une énergie verte sans émissions de CO2, mais se dresse au cœur des Parcs Naturels Régionaux du Doubs, ce qui peut menacer l'équilibre fragile de cet écosystème. À cela s'ajoute un enjeu géopolitique: le renouvellement en 2028 de sa concession franco-suisse, qui fait l'objet de négociations.

Du Barrage du Châtelot au Relais du Châtelot

Un tunnel illuminé menait au chemin d'accès du belvédère du barrage, mais un panneau en interdisait l'accès pour des raisons de sécurité. Curieusement, à l'endroit où la route se rétrécissait pour devenir un simple sentier, un panneau interdisait… les motos! Voilà une mise en garde aussi drôle qu'incongrue pour ce chemin manifestement inadapté à tout véhicule motorisé.

La "Sente des Bas-Rouge", dont l'origine du nom demeure un mystère pour moi, serpentait jusqu'au pied du barrage à travers une série de lacets. Vu d'aval, l'ouvrage révélait enfin sa puissance écrasante, dominant le paysage avec une présence presque oppressante.

Le sentier s'enfonçait ensuite dans une forêt mystique, où les arbres étaient drapés d'une épaisse couche de mousse d'un vert intense, évoquant un décor de conte de fées. Quelques pas plus loin, au milieu de nulle part, se dressait le Relais du Châtelot. Cette auberge, désormais tenue par des bénévoles, propose des plats rustiques et des boissons. Pour comprendre la raison de sa présence ici, il faut remonter au XVe siècle, lorsque l'avènement du protestantisme en terre neuchâteloise provoqua une scission avec la Franche-Comté. Malgré les clivages religieux, politiques et linguistiques, les échanges et la contrebande fleurissaient sur ces sentiers escarpés. Le bâtiment fut édifié au XVIIIe siècle, mais je n'ai pas réussi à découvrir quel était son rôle originel: auberge, magasin ou entrepôt servant aux trafics frontaliers? Son histoire, enveloppée de mystère, ajoutait une touche d'intrigue à ce lieu isolé.

Du Relais du Châtelot aux Moulins Calame

À proximité du restaurant, un passage à gué offrait la possibilité de traverser la rivière, mais, pour ma part, j'ai poursuivi sur la rive droite. Après environ 150 mètres, j'ai atteint une bifurcation et j'ai continué en direction des Moulins Calame en suivant le balisage.

Le sentier s'enfonçait dans la partie la plus resserrée et indomptée des gorges du Doubs, longeant fidèlement le cours d'eau. Bien que moins vertigineuses que certains canyons, ces parois révélaient une beauté brute et minérale. Le Doubs, réduit à un mince filet d'à peine 0.25 mètre cube par seconde, ruisselait timidement, comme un murmure à peine audible. Ce faible débit s'expliquait par le détournement des eaux du barrage vers la centrale du Torrent, ce qui fragmentait la rivière en trois tronçons aux destins divergents. En amont du barrage, le débit naturel était préservé. La zone intermédiaire, entre le barrage et la centrale, asphyxiée par le prélèvement hydroélectrique, n'était alimentée que par le débit de restitution. Enfin, la zone en aval de la centrale subissait des fluctuations importantes du débit, causées par le turbinage irrégulier. Ces variations marquaient profondément le paysage: berges asséchées, lit alternant entre inondations soudaines et assèchements prolongés au rythme des besoins énergétiques. Un projet de revitalisation envisage d'injecter 2 mètres cubes par seconde dans ce tronçon, afin de redonner au Doubs une partie de sa vitalité sans compromettre la production d'énergie. Pour l'heure, cependant, cela demeure au stade des discussions.

Le paysage se révélait d'une sauvagerie captivante, presque féerique, avec ses parois rocheuses verticales qui semblaient garder jalousement la forêt intacte. Un silence merveilleux enveloppait les lieux, à peine troublé par le goutte-à-goutte de l'eau qui perlait des falaises et le chant lointain des oiseaux. À certains endroits, le sol, légèrement gras, témoignait de cette humidité persistante. Le balisage blanc–rouge–blanc du chemin se justifiait pleinement, car le sentier, par moments étroit, exigeait effectivement un peu plus d'attention. Néanmoins, les difficultés restaient modérées et ne dépassaient pas la cotation T2.

À plusieurs reprises, j'ai pu m'approcher du bord de l'eau, profitant de ces instants pour contempler le décor naturel d'une beauté intacte. En arpentant cette forêt, j'ai peiné à imaginer l'intense activité industrielle qui y avait prospéré des siècles plus tôt. Seuls les toponymes – Côte de la Forge, Côte des Breulets, Côte des Moulins Calame – et quelques panneaux historiques en gardaient la mémoire.

C'est dans une quiétude absolue que j'ai atteint la bifurcation des Moulins Calame, signalée par un poteau du tourisme pédestre.

Des Moulins Calame aux Roches de Moron

L'heure était venue de quitter le fil de l'eau et d'entamer le retour vers les Brenets. Le sentier montant en direction du Dazenet offrait une pente régulière et présentait quelques courts passages légèrement exposés, mais le chemin demeurait néanmoins assez large pour convenir, en principe, même aux personnes sujettes au vertige. Peu avant d'atteindre le hameau du Dazenet, le sentier a rejoint une route forestière, mettant ainsi fin, temporairement, aux difficultés techniques.

L'itinéraire le plus direct pour rejoindre Les Roches de Moron, balisé en jaune, longeait des routes asphaltées qui passaient par La Cité, Les Planchettes et Bois Besson. Cette option ne me plaisait guère, car elle n'offrait aucune protection contre le soleil ardent qui brillait ce jour-là. J'ai donc choisi de suivre le chemin en direction des Plaines jusqu'à la bifurcation de Bout-du-Bois (P. 949), puis d'emprunter la route montante vers Les Planchettes. À P. 988, j'ai quitté le sentier pédestre pour m'engager sur une large piste forestière, dont l'entrée, discrète, se devinait à peine.

J'ai traversé le Bois de Ville sur un faux plat jusqu'à atteindre la lisière du pâturage des Planchettes Dessous. Là, la trace se perdait dans l'herbe, mais la route asphaltée à récupérer était bien visible, ne se situant que quelques dizaines de mètres plus haut.

J'avais de nouveau repris un sentier pédestre qui m'a conduit à travers des pâturages parsemés de fleurs sauvages jusqu'à la Grande Beuge, une crête rocheuse plongeant vers le barrage du Châtelot. Son nom provient probablement de l'allemand "Beuge", qui signifie "courbe" ou "coude". La forme de cette crête évoque en effet celle d'un coude.

Lorsque je me suis approché du précipice, j'ai découvert un panorama à couper le souffle sur le Lac de Moron, niché presque 300 mètres en contrebas, encadré par des falaises verdoyantes. Je me suis assis sur l'herbe pour savourer une pause hors du temps pendant laquelle j'ai eu la visite rapide d'un faucon pèlerin qui tournoyait majestueusement dans le ciel.

Après une courte ascension en sous-bois, j'ai atteint les Roches de Moron. Ce lieu est très prisé pour son accessibilité routière, ses vues époustouflantes sur le Doubs, le Châtelard et le barrage, ainsi que pour son restaurant accueillant. Je n'ai donc été nullement surpris de croiser beaucoup de monde autour de la grande bâtisse et de constater qu'une grande majorité des tables sur la terrasse étaient occupées.

Des Roches de Moron au belvédère des Recrettes par le sentier Pillichody

J'ai pris quelques photos depuis le belvédère, mais je ne m'y suis pas attardé, conscient que d'autres points de vue, préservés du brouhaha, m'attendaient plus loin sur le chemin.

Peu après avoir contourné un magnifique refuge équipé de grandes tables en bois et de grills fixes, je suis arrivé à une bifurcation de sentiers. Le panneau signalétique indiquait le départ du sentier Pillichody, renommé pour ses passages aériens et ses vues époustouflantes. Un avertissement précisait que le chemin était impraticable en hiver, une mise en garde probablement adressée aux randonneurs novices. En effet, les 600 premiers mètres, qui longeaient une route forestière interdite aux véhicules, s'étaient avérés d'une simplicité surprenante.

Au point où la route devient un sentier, un nouvel écriteau rappelait les risques encourus et la responsabilité du randonneur. En peu de temps, j'ai rejoint le belvédère du CAS (P. 1081), qui offre sans conteste le panorama le plus saisissant de toute la traversée. Ce véritable balcon, suspendu à pic, surplombe le Lac de Moron, le barrage du Châtelot et le cirque des Côtes de Moron. J'aurais pu rester des heures à contempler cette vue splendide, mais, après quelques minutes d'émerveillement, j'ai repris ma progression.

Les aménageurs du sentier, dotés d'un certain humour, ont nommé certains passages de manière imagée. Ainsi, une passerelle en bois permettait de franchir le "trou sans fin", un couloir vertigineux qui semblait plonger vers le lac, situé environ 400 mètres en contrebas. La "coulée des cardamines" et la "montée des groseilliers", aux noms poétiques, étaient deux autres sections déconseillées aux personnes sujettes au vertige et à éviter lorsque les pentes se recouvraient de neige ou de glace.

Je m'étais imaginé qu'il y aurait eu davantage de points de vue le long du sentier Pillichody. Néanmoins, la traversée se déroule entièrement en forêt, avec très peu d'ouvertures. Cela dit, le parcours, dominé par d'imposantes parois rocheuses, était fascinant, et l'itinéraire en sous-bois m'offrait une expérience à la fois charmante et apaisante.

Au "passage des hêtres", j'ai observé ces arbres majestueux, mais mon attention a été surtout captivée par une partie du sentier où une barrière de protection s'était éboulée. Elle gisait désormais quelques mètres plus bas, dans un équilibre précaire. L'incident ne semblait pas récent, et le sentier avait, quoi qu'il en soit, été parfaitement réaménagé.

Plongé dans mes pensées, une lumière vive m'a arraché de ma rêverie. Je venais d'atteindre la lisière du Pré de Bellevue, marquant la fin du sentier Pillichody. Une légère déception m'a envahie à ce moment-là, car la partie la plus intéressante de la randonnée touchait à sa fin.

Dans l'ensemble, le sentier Pillichody était en excellent état et bénéficiait d'un entretien irréprochable. Les passages étroits et exposés, bien que courts, avaient été sécurisés par des mains courantes. Sa cotation T3 reste ainsi justifiée: la traversée exige un pied sûr et est absolument à éviter pour les personnes sensibles au vertige.

Du belvédère des Recrettes aux Brenets

Avant de descendre vers les Brenets, un aller-retour au belvédère des Recrettes s'imposait. Ce petit promontoire avait été joliment aménagé et sécurisé par un ravissant muret en pierres. Bien que la vue ne fût pas aussi dégagée que depuis le belvédère du CAS, ce bref détour en vaut amplement la peine: il offre une dernière chance d'admirer un beau panorama sur le lac de Moron. À noter que certains guides nomment à tort cet endroit le belvédère de l'Escarpineau, alors que ce dernier se situe au-dessus de la Côte de l'Escarpineau, à quelques centaines de mètres au nord-ouest du hameau du Basset.

L'ambiance au Pré de Bellevue avait radicalement changé. J'avais quitté une forêt sauvage, silencieuse et paisible pour traverser une prairie ensoleillée. Si les premières fleurs éclosaient avec charme, le bruit des engins agricoles s'avérait bien moins enchanteur que le chant des oiseaux qui m'avait accompagné jusque-là.

Après avoir rejoint le hameau des Recrettes, j'ai poursuivi vers Vauladrey en passant par Le Cernil-Girard. La descente m'a offert de magnifiques vues sur le Lac des Brenets, dont les eaux scintillaient doucement, et sur la petite ville de Villers-le-Lac, nichée de l'autre côté de la frontière. Le sentier pédestre longeait ensuite une petite route asphaltée sur environ 400 mètres, avant de plonger, à P. 919, à travers la Combe à l'Ours. L'idée de m'aventurer dans ce vallon ne m'enthousiasmait guère. Non pas que je redoutais une rencontre avec de grands mammifères plantigrades – ils avaient disparu de la région depuis belle lurette – mais pour une raison bien plus terre-à-terre: après avoir parcouru environ 24 kilomètres, mes jambes commençaient à accuser une certaine fatigue. Mon seul désir était de regagner le point de départ par le chemin le plus direct possible. J'ai donc choisi de continuer le long de la route asphaltée, qui menait rapidement aux Champs Éthévenots. Après avoir traversé ce quartier paisible, j'ai atteint la route principale qui traverse Les Brenets. De là, il ne m'a fallu que quelques minutes pour rejoindre la gare des Brenets, bouclant ainsi cette longue, mais splendide boucle. Épuisé, mais comblé par les images des gorges sauvages, les panoramas vertigineux et le calme apaisant de cette journée passée au cœur du Doubs.