Accès
Accès en voiture
Emprunter l'autoroute A9 jusqu'à la sortie St-Triphon/Pas-de-Morgins, puis suivre ensuite les indications pour le Pas-de-Morgins jusqu'à atteindre Morgins. Le village dispose de plusieurs aires de stationnement. La plus proche du départ se trouve à l'entrée du vallon de They, au niveau de la Route de Chésery 13, à proximité du Ranch de Morgins. Étant donné que le nombre de places est très limité et elles sont rapidement occupées, particulièrement les week-ends ensoleillés d'été, il est recommandé de se garer sur un autre parking dans le village, par exemple celui situé au niveau de la Route de France 22.
Accès en transports publics
Pour rejoindre Morgins en transports publics, il faut prendre le train régional au départ d'Aigle à destination de Champéry. Ensuite, descendre à l'arrêt "Troistorrents, Gare" puis continuer le voyage en bus jusqu'à "Morgins, Poste". Enfin, remonter la Route de France sur environ 300 mètres jusqu'à rejoindre la Route de Chésery.
Randonnée sauvage au cœur des Portes du Soleil
Niché au cœur des Alpes suisses, Morgins fait partie du domaine skiable des Portes du Soleil, un vaste territoire de glisse s'étalant sur 400 km2 entre la Suisse et la France. Avec ses plus de 200 remontées mécaniques et ses 600 km de pistes, le domaine propose aux skieurs et snowboardeurs un terrain de jeu infini. Cependant, pour les amoureux de nature sauvage, dénicher des coins tranquilles et préservés s'avère parfois ardu. L'arête reliant la Pointe de Chésery à la Crête de Linge en passant par le Cornebois, le Becor et la Tête du Géant, constitue l'une des rares exceptions.
En traversant le village de Morgins un vendredi matin, j'ai été surpris par l'effervescence qui animait les rues. Malgré l'heure matinale, peu avant 8 heures, et les remontées mécaniques encore fermées, de nombreux vététistes sillonnaient déjà les lieux, bien décidés à profiter de la journée.
Le nom de Morgins tire son origine de la racine celtique "morg", signifiant "frontière, démarcation, limite". Cette étymologie n'est pas anodine, car le village se trouve à proximité immédiate du Pas-de-Morgins, point de passage frontalier entre la France et la Suisse.
Lors de la planification de ma randonnée, je me suis interrogé sur le sens de la boucle. D'après les informations recueillies, il est recommandé d'effectuer la traversée de la Tête de Géant dans le sens sud-nord, afin d'affronter les difficultés à l'ascension.
Le Vallon de They, orthographié "Tey" sur les cartes topographiques, présente un contraste saisissant avec le domaine skiable des Portes du Soleil. Loin des remontées mécaniques, ce vallon sauvage abrite une nature préservée et incite à la découverte. Plusieurs sentiers didactiques et ludiques, tels que "Morgins, les Couleurs de l'Eau" et le "Chemin des Ponts", permettent d'apprécier la richesse de ce lieu unique. Pour profiter pleinement du calme et de la sérénité de ce vallon, il était préférable de s'y aventurer tôt le matin, avant l'arrivée des randonneurs et randonneuses.
Hésitant quant à l'ajout de la Pointe de Midi et du Velar du Pertuis à mon itinéraire, j'ai finalement choisi de les laisser en fin de course. Cela me permettait de garder une certaine flexibilité et d'adapter mon parcours en fonction de mon état de forme et de la météo.
Au vu de ces différents éléments, j'ai décidé de parcourir la boucle en sens horaire.
De Morgins à l'Eau Rouge
Impatient de découvrir les paysages spectaculaires et la nature sauvage qui m'attendaient, je me suis engagé sur la Route de Chésery, une route asphaltée s'enfonçant dans le vallon de They.
Au niveau du Ranch, un panneau signalait la fermeture du sentier pédestre menant à la Vièze de Morgins en raison de travaux. J'ai donc continué mon chemin sur la route d'alpage sur 200 mètres supplémentaires avant de bifurquer à gauche pour rejoindre le bord de la rivière.
Le nom "Vièze" provient de l'ancien nom "La Viège" ("Aqua Viesie" en 1352), lui-même issu d'une mutation patoise du son "j" en "z". L'origine du nom de la rivière demeure cependant un mystère.
J'ai emprunté le chemin des ponts, un sentier pittoresque composé d'une trentaine de petits ouvrages franchissant la Vièze de Morgins. L'itinéraire initialement prévu était déjà long, j'ai opté pour suivre d'une manière générale le sentier principal, évitant ainsi la plupart des détours. Néanmoins, je dois avouer que ce chemin propose une balade très agréable et je le recommande vivement, en particulier aux familles avec enfants.
La végétation environnante s'avérait dense et luxuriante, offrant un refuge bienvenu contre la chaleur du soleil. La fraîcheur de la forêt et le murmure de l'eau courante créaient une atmosphère très paisible.
L'Eau Rouge
En poursuivant mon chemin, j'ai rapidement atteint un endroit où coulait un petit ruisseau aux eaux cristallines. Ce qui m'a immédiatement frappé, c'était la couleur rougeâtre des cailloux tapissant le fond du torrent. Cette teinte inhabituelle m'a intrigué et poussé à m'interroger sur son origine.
Pour comprendre ce phénomène, il faut s'intéresser aux entrailles de la terre, là où l'eau s'infiltre dans les roches. Au fil de son voyage souterrain, l'eau dissout les minéraux présents dans les roches, emportant avec elle les éléments qu'ils contiennent. Si ces roches renferment du fer, l'eau s'en charge donc en quantité variable.
Un élément crucial entre en jeu: l'oxygène. Les eaux souterraines, généralement moins oxygénées que les eaux de surface, présentent une particularité pour le fer: il y reste à l'état d'atome soluble, sans se lier à d'autres éléments chimiques.
Lorsque ces eaux souterraines remontent à la surface, elles entrent en contact avec l'air. Ce contact réoxygène l'eau et déclenche une transformation spectaculaire du fer. Il se combine alors avec les atomes d'oxygène et d'hydrogène pour former de l'oxyde ou de l'hydroxyde de fer, communément appelé rouille. C'est cette rouille qui confère aux cailloux du torrent leur couleur rouge caractéristique.
L'Eau Rouge n'a pas toujours été qu'un simple ruisseau. Par le passé, ses vertus supposées ont attiré de nombreux habitants de la région qui venaient y chercher un soulagement à leurs maux. Au début du XIXe siècle, l'Eau Rouge a même connu son heure de gloire en tant que source d'un tourisme thermal florissant à Morgins.
De l'Eau Rouge à l'Étang de Sassey par En They
Après avoir quitté l'Eau Rouge et ses trésors cachés, j'ai continué ma randonnée, guidé par les losanges jaunes peints sur les troncs d'arbres. Le sentier s'enfonçait dans une forêt idyllique, une véritable oasis de fraîcheur et de tranquillité.
Au fil de mon avancée, j'ai traversé à plusieurs reprises le cours d'eau sur des ponts de bois rustiques. Le murmure de l'eau s'écoulant sous mes pieds rythmait ma marche.
À la sortie de la forêt, j'ai tourné à gauche et atteint peu après la cantine de They. Ce terme patois fait référence à un bosquet ou une forêt de tilleuls. J'ai été quelque peu surpris de ne pas en apercevoir à proximité de l'alpage, qui se trouvait plutôt entouré de conifères.
En passant devant les bâtiments de l'alpage, j'ai croisé un livreur de tables, la seule âme qui semblait animer ce lieu. J'ai poursuivi sur le sentier pédestre qui m'a mené à un croisement (P. 1438).
Poursuivant tout droit en direction de Sassey (Sassex sur les cartes topographiques), le sentier se rétrécit. D'imposantes plantes de rhubarbe sauvage envahissaient en partie le chemin.
L'Étang de Sassey
Au détour d'un virage, j'ai soudainement aperçu l'Étang de Sassey, tel un joyau caché au cœur de la forêt. Sa surface immobile reflétait parfaitement la végétation environnante, créant une image d'une beauté saisissante.
Cette étendue d'eau n'est pas née au hasard. Elle a été créée artificiellement durant l'été 1984, consécutivement à l'extraction de matériaux nécessaires à la construction de la route forestière de la Grand-Jeur. Cette route visait à faciliter l'évacuation des nombreux arbres abattus par une violente tempête quelques mois auparavant.
Loin d'être une simple retenue d'eau, l'Étang de Sassey a bénéficié d'une renaturation entre l'automne 2013 et le printemps 2014. Cette revitalisation biologique avait pour but de créer un biotope propice au développement de la faune et de la flore locales. Ainsi, l'étang est devenu un havre de paix pour de nombreuses espèces animales et végétales, tout en offrant aux promeneurs un espace de détente.
De l'Étang de Sassey au Lac de Chésery
J'ai emprunté sur le sentier pédestre qui s'enfonçait dans un sous-bois en légère montée. Ce chemin traversait l'alpage de Sassey, un nom dérivé du bas latin "saxetum" signifiant "amas de rochers". Étonnamment, je n'ai pas observé plus de caillasse qu'ailleurs.
J'ai savouré des derniers mètres au bord de l'eau, légèrement ombragés, avant de retrouver l'asphalte (P. 1453). J'ai suivi ensuite ladite route sur environ 700 mètres. Le chemin pédestre bifurquait ensuite à droite en traversant un pâturage (panneaux indicateurs).
Avant de m'engager sur ce chemin, j'ai effectué un détour pour admirer la série de cascades formée par la source de la Fontaine Blanche. Cette source, également appelée Fontaines Blanches au pluriel, jaillit de la terre à environ 1745 mètres d'altitude et constitue l'une des principales sources de la Vièze de Morgins. Son nom évoque la couleur blanche de l'eau, résultat d'un écoulement turbulent qui mélange l'eau à l'air, rappelant l'écume des vagues marines.
De retour sur le sentier, j'ai entamé l'ascension en direction du Lac de Chésery. La pente s'est accentuée, dévoilant progressivement une vue splendide sur Tovassière, la Pointe d'Au et les Portes du Soleil, le col qui a donné son nom à la région et au domaine skiable.
Par une série de lacets, j'ai rejoint l'endroit où la Fontaine Blanche surgissant des éboulis, juste à côté du sentier. Cette source, alimentée en partie par le Lac de Chésery, a fait l'objet d'une expérience fascinante en 1987. Un colorant fluorescent déversé dans le lac a parcouru les 500 mètres qui le séparent de la Fontaine Blanche en moins de quatre jours, prouvant ainsi la connexion souterraine entre les deux points d'eau.
Le sentier a continué à grimper jusqu'à atteindre le bord du Lac de Chésery. Cette étendue d'eau naturelle, alimentée par le Lac Vert situé en amont, offre un cadre paisible et reposant. Quelques personnes s'étaient installées au bord de la rive sud, profitant de la sérénité du lieu.
Je me suis assis sur un rocher au bord du lac, contemplant le paysage qui s'étendait devant moi. Les montagnes, les forêts et le lac composaient un tableau d'une beauté saisissante. Le silence était presque palpable, troublé uniquement par le léger souffle d'air qui caressait l'environnement.
Du Lac de Chésery à la Pointe de Chésery
J'ai continué ma randonnée sur le sentier pédestre qui poursuivait son ascension. Des processions de vététistes, ayant rejoint sans le moindre effort le sommet de la Pointe de Mossettes en télésiège, profitaient d'une descente peu méritée en direction du Col de Chésery. Peu enclin à me retrouver au milieu de ces engins dévalant parfois à grande vitesse, j'ai choisi de bifurquer à droite vers l'est vers 1960 mètres d'altitude.
En traversant la prairie en dehors des chemins très fréquentés, j'ai rapidement pris la direction de la crête sud de la Pointe de Chésery, sans passer par le col homonyme. J'ai alors quitté définitivement le sentier balisé pour évoluer hors-piste, et en un rien de temps, je me suis retrouvé au bord d'un petit lac situé vers 2025 mètres d'altitude. Le calme et la tranquillité avaient regagné mes pas, loin des défilés de cyclistes. Un gros névé recouvrait une bonne moitié de l'étendue d'eau et offrait un spectacle saisissant.
Au sud-est, la vue s'était ouverte sur le Lac Vert. Sa couleur émeraude caractéristique résulte de sa faible profondeur et de la présence importante de matière organique et d'algues. Lorsque l'eau est calme, ce qui n'était malheureusement pas le cas ce jour-là, elle réfléchit la verdure des pâturages environnants, créant un tableau d'une beauté saisissante.
J'ai poursuivi mon ascension sur des croupes herbeuses. La progression s'avérait parfois fastidieuse à cause des trous cachés par la végétation basse. La pente s'accentuant, j'ai dû effectuer quelques courts lacets pour atteindre le pied d'une barre rocheuse. Une chaîne en très bon état fixée à la paroi permet de franchir ce passage légèrement exposé en relative sécurité.
Me voilà enfin parvenu sur la crête sommitale. Le cairn érigé au sommet ne se trouvait plus qu'à une centaine de mètres. Avec ses 2251 mètres d'altitude, la Pointe de Chésery, également appelée Pointe de Bécret sur les cartes IGN, constituait le point culminant de cette randonnée.
Le nom de ce sommet est monté du Plan de Chésery, un pâturage situé à l'ouest du Cornebois. Ce toponyme, issu du vieux français "chesière, cheysière" signifiant "chalet, hutte, chaumière" et du bas-latin "casaria" qui désigne une "maison rustique avec une petite portion de terre", indiquait la présence (passée) d'abris de bergers. Aujourd'hui, ces refuges ont cédé la place aux remontées mécaniques.
Du haut de la large croupe sommitale, un panorama grandiose s'offrait à mes yeux. Les Dents du Midi se dressaient majestueusement au sud-est, tandis qu'Avoriaz et ses Hauts Forts se dessinaient au sud-ouest, avec le Roc d'Enfer en toile de fond. Au nord, la crête menant au Cornebois était bien visible, ne présentant apparemment pas de difficultés majeures pour l'ascension de ce deuxième sommet.
De la Pointe de Chésery au Pas de la Chaux des Rosés
Je me suis accordé un court instant à savourer la beauté du paysage. Le silence de la montagne n'était interrompu que par le murmure du vent et le vol de quelques insectes. Après cette pause revigorante, j'ai emprunté un sentier relativement bien marqué qui descend le long de la large arête herbeuse nord-est.
Je m'attendais à arriver dans la partie supérieure d'une petite falaise, ou "gradin" comme décrit dans le guide du CAS, qu'il fallait "contourner par la gauche" (en montant). Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que cet escarpement atteignait une vingtaine de mètres de hauteur! Et encore plus surprenant, la falaise était équipée d'une échelle, de barres métalliques en forme de U et d'un câble de type Via Ferrata. Cet équipement, très récent et en excellent état, m'a permis de franchir le passage rapidement et sans difficulté.
Après cette descente insolite, j'ai continué mon chemin sur la large épaule gazonnée jusqu'au Pas de la Chaux des Rosés, un col qui ne présentait aucun signe distinctif. Son nom dérive du pâturage homonyme. "Chaux" provient du vieux français et signifie "lieu improductif", tandis que "rosé" tire son origine du germanique "rausa, rauza" signifiant "roseau, jonc". "Chaux des Rosés" désigne donc un "terrain peu productif où poussent des roseaux".
Du Pas de la Chaux des Rosés au Cornebois
Depuis le Pas de la Chaux des Rosés, j'ai continué ma randonnée sur l'épaule herbeuse, gagnant progressivement de l'altitude. Afin d'éviter les escarpements du côté suisse, j'ai évolué sur le versant occidental.
Sans difficulté particulière, j'ai rejoint le large sommet herbeux du Cornebois, dépourvu de croix et de cairn. Ce toponyme provient du patois "korna boev" et désigne l'endroit où l'on rassemblait les troupeaux en les appelant au son du cor. Le terme "corner" signifiait autrefois "appeler en sonnant de la corne", une pratique aujourd'hui tombée en désuétude.
Ce sommet est également connu sous le nom de Pointe Sud de Cornebois.
Du Cornebois au Bécor
Je me suis ensuite dirigé vers le Bécor, mon prochain objectif. Ce sommet culmine à seulement trois mètres de plus que le Cornebois, mais les deux cimes sont séparées par un col situé une cinquantaine de mètres plus bas.
J'ai longé l'arête sommitale, traversé le gros névé qui persistait au col et entamé l'ascension le long de l'arête sud-ouest du Bécor, à la fois herbeuse et rocheuse. J'ai dû effectuer de larges zigzags pour contourner les blocs rocheux, mais j'ai atteint le sommet du Bécor sans difficulté majeure.
Le nom de ce sommet tire son origine du patois "bé", signifiant "beau", et de "cor" qui signifie "corne" dans le sens de pointe rocheuse. "Bécor" désigne donc une "belle pointe rocheuse".
Ce sommet est parfois aussi désigné sous le nom de Pointe Nord de Cornebois. Sur les cartes IGN, il apparaît sous le nom de Pointe de Boccor.
Du Bécor au Pas du Blattin
Le sommet du Bécor offrait une vue imprenable sur l'arête sud-ouest de la Tête du Géant. Sa silhouette imposante et ses passages techniques, tels que les deux ressauts rocheux et la forte déclivité, se dessinaient clairement face à moi.
Avant de me lancer vers la Tête du Géant, je devais d'abord descendre jusqu'au Pas du Blattin, situé 150 mètres plus bas. C'est dans cette descente raide que les premières difficultés sérieuses m'attendaient…
La descente directe par le versant sud-ouest, dans un couloir décrit comme extrêmement raide et partiellement rocheux dans le guide du CAS, était fortement déconseillée. Un rapide coup d'œil en bas m'a dissuadé de m'aventurer dans cette face abrupte. Le terrain friable et instable, associé à la forte déclivité, rendait cet itinéraire beaucoup trop hasardeux à mes yeux.
J'ai donc tenté de trouver un itinéraire alternatif dans le flanc nord-ouest. Lors de mon ascension, j'avais repéré un câble métallique de type ligne de vie de Via Ferrata, probablement installé pour la sécurité des techniciens de maintenance des pylônes des remontées mécaniques présents dans ce versant de la montagne.
J'ai suivi ce câble. À proximité du dernier pylône, il a été remplacé par une corde d'escalade. Malheureusement, quelques dizaines de mètres plus loin, il n'y avait plus aucune aide à la progression et en dessous de moi se dressait un mur rocheux d'une bonne dizaine de mètres.
J'étais sur le point de rebrousser chemin pour contourner la barre rocheuse par le bas, lorsque j'ai aperçu une corde enroulée sous un rocher. Elle semblait en excellent état et solidement fixée au rocher et avait la bonne longueur pour désescalader la falaise.
Malgré cet équipement inattendu, cette descente s'est avérée bien plus technique et délicate que l'ascension de la Tête du Géant.
J'ai ensuite longé le pied de la falaise à environ 2140 mètres d'altitude afin de rejoindre le pied de l'arête est. La traversée nécessitait un pied sûr et comportait quelques passages exposés, notamment dans le tronçon impliquant de franchir une partie de la face ravinée et raide.
J'ai finalement atteint un petit col, situé au pied d'une dent rocheuse. Un sentier bien marqué contournait cet obstacle par le versant ouest. Une dernière descente facile le long de l'arête gazonnée mène au Pas du Blattin.
Du Pas du Blattin à la Tête du Géant
J'ai entrepris l'ascension de la Tête du Géant, un itinéraire réputé pour ses passages techniques. Une sente relativement bien visible s'élevait le long de l'arête sud-ouest, contournant les difficultés par la face nord-ouest.
J'ai promptement atteint la base d'un gros bloc rocheux, le premier ressaut. J'ai l'ai contourné par la gauche, sur un terrain raide et majoritairement herbeux, mais présentait quelques marches naturelles. Il fallait cependant rester vigilant et bien vérifier la solidité des rochers avant de les utiliser comme prises pour les mains ou les pieds.
J'ai continué sur la crête, en franchisant plusieurs gradins rocheux faciles, mais nécessitant néanmoins l'utilisation des mains pour l'équilibre.
J'ai ainsi rejoint le pied d'une barre rocheuse, que j'ai longée à gauche jusqu'à une brèche bien visible. Une chaîne en excellent état facilitait grandement le franchissement de ce passage. Il était possible de se passer de la chaîne, mais cela exigeait quelques pas d'escalade en II-III.
J'ai poursuivi mon ascension sur la pente herbeuse, particulièrement raide et parfois exposée. Une sente, pas toujours évidente, indiquait la direction à suivre. À l'approche d'une antécime, la déclivité s'atténue.
Très vite, la progression est bloquée par une brèche dans le rocher. En partant vers la gauche, j'ai atteint l'extrémité de cet étroit canyon. J'ai ensuite progressé sur la crête, principalement herbeuse avec quelques petits lapiaz.
Sur une pente plus douce, j'ai finalement gagné le sommet rond de la Tête du Géant, marqué par un petit cairn. L'effort fourni par cette ascension exigeante était récompensé par un panorama grandiose sur les montagnes environnantes.
De la Tête du Géant au Pas des Combes
Alors que j'imaginais une descente facile en direction du Pas des Combes, la réalité s'est révélée plus complexe…
À proximité du cairn sommital, un sentier dévalait la face gazonnée nord-est, longeant plus ou moins la crête. La descente s'est avérée aisée jusqu'à un petit replat vers 2160 mètres d'altitude.
Par la suite, les choses se sont compliquées. Il a fallu d'abord retrouver l'itinéraire, qui empruntait un petit couloir sécurisé par des chaînes. J'ai ensuite poursuivi la descente dans la face mi-herbeuse, mi-rocheuse par des vires étroites, parfois envahies par la végétation, jusqu'à atteindre un minuscule col.
Un sentier assez bien marqué continuait sur la gauche (direction nord), mais il menait au sommet de falaises infranchissables, à moins d'être un bouquetin ou un alpiniste équipé. Du col, il fallait partir un peu à droite (direction est) et atteindre la cime d'une petite butte herbeuse. Après quelques zigzags à travers une végétation dense qui entravait considérablement la progression, j'ai enfin retrouvé un sentier bien marqué qui m'a conduit rapidement au Pas des Combes, culminant vers 2050 mètres d'altitude (sans nom ni côte sur les cartes topographiques).
Le Pas des Combes marquait la fin de la partie la plus exigeante de la randonnée. La cotation T5 s'explique en effet par les difficultés rencontrées lors de la descente du Bécor et de la traversée de la Tête du Géant entre le Pas du Blattin et le Pas des Combes. Le reste de l'arête ne présente généralement pas de difficulté supérieure à T4.
Du Pas des Combes à la Crête de Linge
À partir du Pas des Combes, les cartes topographiques indiquent un sentier longeant la crête qui mène jusqu'à la Crête de Linge. Effectivement, un sentier bien marqué m'a d'abord conduit au sommet de Le Va (P. 2101, sans nom sur les cartes).
J'ai continué mon chemin sur la crête herbeuse, profitant des vues panoramiques exceptionnelles sur les montagnes environnantes. Le sentier contournait P. 2102 par la gauche, mais j'ai préféré rester sur le fil de l'arête pour franchir cette petite cime sans difficulté particulière.
La pente se redresse ensuite légèrement, mais un sentier agréable m'a permis d'atteindre sans complications le sommet de la Crête de Linge (Tête de Linga sur les cartes IGN). Le terme "linge" désigne, dans la région, un schiste friable et léger, expliquant la structure du rocher composant cette montagne.
De la Crête de Linge à Morgins par le Pas de Fécon
Après avoir quitté le sommet de la Crête de Linge, je me suis engagé sur une arête aérienne, comportant des passages légèrement exposés. Une succession de courtes montées et descentes m'a conduit à l'antécime (P. 2135) surmontée d'un petit cairn. Quelques dizaines de mètres plus loin, j'ai rejoint une croix en bois dominant le village de Châtel.
Le sentier de descente, bien visible déjà depuis le sommet, traverse ensuite le flanc sud-est de la montagne. Si aucune difficulté technique majeure ne se présentait, il fallait néanmoins rester vigilant et éviter de s'encoubler dans les trous et racines dissimulés par la végétation qui envahissait par endroits le chemin.
Le fil d'air qui m'avait accompagné pendant la majeure partie de la randonnée avait disparu. La chaleur était devenue presque étouffante. Heureusement, à partir du Pas de Fécon, le sentier s'enfonçait dans un sous-bois, m'offrant un peu de fraîcheur bienvenue.
À l'alpage de Fécon, j'ai croisé un randonneur. Tout au long du parcours sur l'arête, je n'avais rencontré personne.
J'ai poursuivi ma descente en direction de Morgins. Le sentier m'a mené jusqu'à l'arrivée du téléski du Géant. J'ai ensuite traversé la pente herbeuse pour rejoindre le centre sportif et enfin retrouver mon point de départ.