Accès
Accès en voiture
Pour rejoindre La Forclaz, emprunter l'autoroute A9 jusqu'à la sortie "Sion-Est", puis prendre la direction du Val d'Hérens. Remonter cette vallée sur une trentaine de kilomètres, en passant successivement par les villages de Vex, Euseigne, La Luette, Evolène et enfin Les Haudères. À la sortie de ce dernier village, une bifurcation sur la gauche indique La Forclaz. La route serpente ensuite sur trois kilomètres avant d'atteindre le charmant village perché sur les hauteurs. Unparking payant et spacieux est disponible à l'entrée de La Forclaz. Un second parking, plus petit et lui aussi payant, est situé dans le centre du village, juste en face du restaurant "Le Grenier".
Accès en transports publics
Le village de La Forclaz est desservi régulièrement par des cars postaux au départ de la gare routière de Sion. Selon les horaires, la liaison est parfois directe; sinon, un changement est nécessaire aux Haudères.
Consulter l'horaire en ligne des CFF pour trouver la meilleure correspondance.
Retour sur une magnifique arête
J'avais déjà eu l'occasion de parcourir cette longue et splendide arête entre le Col de Torrent et la Pointe de Tsaté en août 2017, lors d'une superbe boucle au départ du village de La Sage. À l'époque, le début et la fin de cette randonnée m'avaient laissé un goût mitigé. La première partie empruntait une route goudronnée monotone pour gagner le hameau de Villa. Quant au retour, il traversait la prairie de Plan Martin sur un sentier mal tracé et difficile à suivre, puis, une fois en sous-bois, il était envahi par la végétation, rendant la progression fastidieuse.
Lorsque des compagnons de randonnée m'ont informé qu'ils séjournaient à La Forclaz, j'y ai vu l'occasion idéale de repartir à l'assaut de cette magnifique crête, en imaginant cette fois une variante plus séduisante pour éviter les tronçons peu attrayants. Si les deux itinéraires sont équivalents en termes de dénivelé, le départ depuis La Forclaz allonge légèrement la distance. Au final, cette nouvelle boucle requiert environ une demi-heure de marche supplémentaire, mais cet effort additionnel est largement récompensé par la qualité et la beauté du parcours.
En route pour les Mayens du Tsaté
Peu après huit heures, nous nous sommes mis en route depuis le centre du village, à la hauteur de l'arrêt de bus devant le restaurant "Le Grenier". À cette heure matinale, le village était encore plongé dans l'ombre, bien que le ciel fût d'un bleu limpide et annonçait une belle journée. Le soleil tardait simplement à illuminer la vallée. Seules les cimes des Dents de Veisivi, avec la partie supérieure de leurs versants nord, étaient déjà caressées par la lumière dorée, offrant un contraste saisissant qui mettait magnifiquement en valeur leurs imposantes parois.
Nous avons suivi la route principale jusqu'à un carrefour de sentiers pédestres situé près du parking à l'entrée du village, puis nous avons emprunté la piste qui s'élève sèchement en direction de Motau (orthographié Motô sur les dernières révisions des cartes topographiques). À la bifurcation suivante, atteinte en quelques minutes, nous avons obliqué à gauche. Nous avons alors suivi une route carrossable qui s'élevait en pente douce et régulière à travers un sous-bois de mélèzes.
L'un de nos premiers objectifs consistait à atteindre le Tsalé du Prélèt, sans détours inutiles. Nous n'avions donc nul besoin de suivre le sentier balisé passant par Motô et le Tsalé du Tsaté. Celui-ci, loin d'être l'itinéraire le plus direct, nous aurait fait perdre environ quarante minutes. À environ cinq cents mètres de là, à une nouvelle bifurcation de routes, nous avons laissé le sentier pédestre se poursuivre à droite sur la Route de Motô, tandis que nous avons opté pour celle de gauche (Route d'Aurel). Nous avons suivi cette piste jusqu'à retrouver un sentier pédestre environ huit cents mètres plus loin. Après avoir pris à gauche, nous avons rejoint en quelques pas les chalets des Mayens du Tsaté. La vue était déjà magnifique, s'ouvrant largement sur le Mont de l'Étoile et son iconique rocher rougeâtre, visibles de l'autre côté de la vallée.
Le terme "mayen" provient du patois romand "maïentse" et du latin "maius", qui signifie "mois de mai". En Valais, il désigne un alpage de moyenne altitude équipé d'un petit chalet où le bétail est conduit en mai, avant la montée aux alpages d'été, puis en octobre lors de la désalpe. De nos jours, dans le langage courant valaisan, le mayen évoque plus simplement un chalet d'alpage, en général bâti en dessous de la limite des arbres. Quant au mot "tsaté", issu du patois valaisan signifiant "château", il sert à désigner métaphoriquement un sommet rocheux dont la silhouette rappelle celle d'un château. Le nom est très vraisemblablement "descendu" de la Pointe du Tsaté vers le col homonyme, puis vers le hameau du Tsaté, les Mayens du Tsaté, la Remointse du Tsaté et le Lac du Tsaté.
Des Mayens du Tsaté au Tsalé du Prélèt
Au-delà des Mayens du Tsaté, le sentier balisé entamait une descente vers La Sage, ce qui s'éloignait de notre objectif de gagner directement le col de Torrent. Juste avant le premier chalet, un chemin plus discret partait sur la droite (nord-est) à travers le pâturage. L'herbe haute masquait par endroits la trace, mais une fois celle-ci repérée, elle se suivait sans difficulté. Nous avons retrouvé un sentier bien marqué en pénétrant dans une magnifique forêt de mélèzes. Le silence, quasi absolu, nous impressionnait et seuls nos pas feutrés venaient troubler cette sérénité profonde. Tout en marchant, je me suis imaginé qu'au début de l'automne, lorsque les aiguilles virent du vert au brun-orange, ce tronçon doit offrir un spectacle absolument splendide.
La montée à travers le Zau du Dévin était très paisible, malgré ce nom légèrement énigmatique aux résonances médiévales. Le terme "zau" est une forme patoise de "jour" (avec mutation du son [j] en [z]) et désigne une forêt de haute futaie en montagne. Quant à "dévin", il vient du latin "defensus" qui peut se traduire par "gardé, protégé, mis à l'abri, défendu". Il s'agissait historiquement d'un territoire forestier réservé au seigneur ou à la communauté, où le pâturage et la coupe étaient interdits.
Après avoir parcouru quelque cinq cents mètres, nous avons découvert une bifurcation, mais l'itinéraire était évident: il fallait continuer à monter. Quelques instants plus tard, le sentier a dévié imperceptiblement du tracé cartographié, sans que nous nous en apercevions sur le moment. Je ne m'en suis rendu compte que bien plus tard, en consultant la trace GPS après la randonnée. Vers 2000 mètres, nous avons débouché sur une seconde bifurcation. Un léger doute nous a alors saisis, car la branche de droite n'était pas indiquée sur la carte. Étant donné que nous devions nous rapprocher du Torrent de la Sage, le sentier de gauche nous a paru être le bon choix.
Le chemin a traversé une végétation plus dense: de hautes herbes et des pétasites envahissaient le sentier. Malgré cela, l'itinéraire restait évident. Au final, nous avons rejoint le bord du cours d'eau sans rencontrer de difficulté majeure.
Nous avons traversé le Torrent de la Sage à gué, avant de reprendre la douce ascension à travers le Zau du Prélèt. Quelques minutes plus tard, nous avons débouché sur les pentes herbeuses du Prélèt. Ce toponyme vient de l'ancien français "praelet, praetel", qui signifie "petit pré". Une appellation de plus ironiques: le pâturage qui s'étendait devant nous était immense. Le nom est ensuite "monté" jusqu'à la Pointe du Prélèt.
Soudain, un sifflement puissant et strident a déchiré le silence de la combe: une marmotte venait de lancer son cri d'alarme. Étonnamment peu farouche malgré notre proximité, elle nous a observés longuement, nous laissant tout le loisir de l'admirer et de la photographier, avant que nous ne rejoignions les constructions du Tsalé du Prélèt par une dernière courte montée. En patois romand, "tsalé" veut simplement dire "chalet", mais, en Valais, ce mot évoque plutôt un hameau comprenant des locaux de travail et de repos pour les bergers, ainsi que des étables pour le bétail.
Toute cette terminologie patoise n'a pas manqué de surprendre et d'amuser mes compagnons. Ils mélangeaient allègrement "tsalé" et "tsaté". Au moment où j'ai évoqué le hameau du Tsalé du Tsaté, leur confusion a atteint son comble. Entre ce nom qui ressemblait à un virelangue et des significations totalement différentes, ils ne savaient plus où donner de la tête…
Cap sur Cotter
Nous avons contourné le hameau par la droite (est), afin de rejoindre une route carrossable qui filait en faux plat. Nous l'avons suivie durant un peu plus d'un kilomètre jusqu'au hameau des Lachiores. Cette portion du parcours nous a offert un panorama splendide sur le Val d'Hérens: de l'autre côté de la vallée, le Mont de l'Étoile, la Palantse de la Cretta et le Pic d'Artisol imposaient leur silhouette. Au sud, la Petite et la Grande Dent de Veisivi se dressaient majestueusement, tandis que, juste derrière, se profilaient la Dent du Perroc et la Pointe des Genevois. En portant le regard légèrement vers la gauche, le glacier de Ferpècle se découpait nettement, laissant apparaître la Dent d'Hérens en arrière-plan. Enfin, la crête majestueuse entre le Sasseneire et la Pointe du Tsaté se dévoilait déjà à nos yeux: vue d'en bas, elle avait quelque chose d'impressionnant et paraissait encore lointaine, avec près de 900 mètres de dénivelé restant à gravir.
Environ 250 mètres après avoir quitté le hameau des Lachiores, nous avons atteint une bifurcation. Nous avons emprunté la branche de droite afin d'atteindre notre prochain objectif: Cotter, un hameau juché une cinquantaine de mètres plus haut. Bien que la route constituât une option facile, ses lacets étaient trop larges. Nous lui avons donc préféré une sente plus directe qui s'élevait droit dans la pente, avant de retrouver la route le temps de franchir le petit cours d'eau et d'atteindre enfin Cotter. Perché vers 2160 mètres, ce hameau est devenu anonyme sur les dernières révisions des cartes nationales.
Le toponyme "cotter", utilisé pour désigner l'alpage ainsi que le hameau, provient de l'ancien français "costiere, coustiere" ("côte, coteau, flanc"), et du latin "costarium" ("pente ensoleillée, lieu bien exposé"). Il caractérise en général un terrain en pente sur le flanc de la montagne, ou une pente bien orientée. Ici, les deux sens s'appliquaient parfaitement.
À travers les pâturages vers Béplan
Plutôt que de poursuivre sur la route carrossable et ses longs et interminables lacets, nous avons opté pour un sentier relativement bien marqué, indiqué sur la carte, qui s'élevait plus franchement en coupant les deux premiers virages. Cependant, à partir de P. 2262, la trace est devenue moins lisible: dans le pâturage, il a été difficile de distinguer le vrai chemin des multiples sillons creusés par le bétail. Malgré cela, nous avons finalement retrouvé un sentier bien marqué vers 2300 mètres. Celui-ci a ensuite filé au nord-nord-est jusqu'à rejoindre l'itinéraire balisé, à P. 2359, qui relie les Mayens du Cotter au Col de Torrent.
L'itinéraire a ensuite poursuivi son ascension pour nous mener à Béplan, un toponyme composé du patois "bé" (beau) et de "plan". Si par "beau" on entend "bien plat", alors l'endroit mérite amplement son nom; dans le cas contraire, il n'y avait rien de particulièrement remarquable en ces lieux, hormis la vue qui s'étendait à perte de vue.
La solitude qui nous avait accompagnés jusque-là n'était désormais plus qu'un lointain souvenir: la traversée entre le Val de Moiry et le Val d'Hérens par le Col de Torrent est un classique de la région et relativement fréquenté, y compris en semaine. Nous n'avons donc nullement été surpris de croiser plusieurs groupes, et même un courageux (ou quelque peu masochiste) vététiste.
En levant les yeux, le Sasseneire dominait l'horizon. Le nom, qui se traduit littéralement par "rocher noir", ne pouvait être mieux choisi: sa face nord n'était qu'un immense amoncellement de roches sombres. Vers l'est, nous apercevions déjà le poteau de signalisation et la croix en bois du Col de Torrent. Cette vision était à la fois encourageante et décourageante, car il nous restait encore près de 500 mètres de dénivelé à gravir avant d'atteindre le col.
Le sentier a ensuite longé une épaule pour atteindre la Gouille de Béplan, vers 2535 mètres. Après plusieurs semaines particulièrement chaudes et avec très peu de précipitations, la gouille n'était plus qu'une misérable flaque d'eau, bien loin de ressembler à l'étendue d'eau qu'elle aurait dû être. Le spectacle était si triste que je n'ai même pas eu le cœur de la prendre en photo…
L'assaut final du Col de Torrent
De là, le sentier s'est engagé dans une longue traversée ascendante et quelque peu monotone, mais l'apparition soudaine de trois majestueux vautours fauves a immédiatement effacé toute lassitude.
Au pied du Col de Torrent, la trace s'est nettement redressée. Les cent cinquante mètres finaux se gagnaient au rythme de lacets raides et serrés. Cela dit, hormis les mollets qui chauffaient, il n'y avait aucune difficulté technique.
Du point de vue de la difficulté globale, l'ascension entre La Forclaz et le Col de Torrent s'est déroulée sur des sentiers généralement bien marqués. Seuls quelques passages avaient exigé un minimum de sens de l'orientation, mais dans l'ensemble la difficulté n'a pas dépassé la cotation T2.
Une fois au Col de Torrent, une brise fraîche nous a accueillis mais, surtout, un panorama absolument époustouflant s'est déployé devant nous sur le Val de Moiry et son lac artificiel qui arborait des teintes laiteuses oscillant entre le turquoise et l'émeraude vif. Cette couleur si particulière provient des "farines glaciaires" en suspension, qui réfractent la lumière et créent ces teintes intenses, presque irréelles.
La conquête du premier sommet (P. 2987)
Plusieurs groupes de randonneurs s'étaient rassemblés à proximité du poteau indicateur, et il nous a été difficile de trouver un endroit où nous installer tous les trois, mais cela se comprenait parfaitement: après plusieurs heures de marche, chacun voulait reprendre son souffle et profiter de cette vue grandiose. D'autant que, pour la plupart des randonneurs, le col marquait le point culminant de leur excursion.
Dans ces conditions, nous avons préféré poursuivre encore un peu pour faire une pause méritée dans un endroit plus calme. Nous avons donc suivi la sente bien marquée, indiquée sur la carte topographique, qui partait au sud-est le long de la crête. En quelques instants, nous sommes arrivés au pied d'un gendarme qui obstruait l'arête. Une vague trace semblait inviter à l'escalader, mais le passage était de loin trop technique et trop exposé. Voyant cela, mes deux compagnons sont demeurés bouche bée un instant, persuadés qu'il fallait s'engager dans ce couloir. Ils n'avaient pas vu le chemin qui descendait de plusieurs mètres dans le versant oriental (côté Moiry) en longeant la base du rocher.
Bien que globalement en bon état, la progression nécessitait malgré tout un pied sûr face au pierrier parfois instable. Après ce court contournement, le chemin remontait ensuite pour regagner la crête. Le premier sommet du jour, P. 2987, n'était plus qu'à quelques centaines de mètres. En longeant la crête, sans difficulté notable, nous avons gagné en quelques minutes l'énorme cairn qui marquait le point culminant.
Après environ quatre heures de marche, nous nous sommes enfin installés pour une vraie pause et pour profiter pleinement du panorama époustouflant qui incluait quelques-uns des plus grands sommets des Alpes comme le Pigne de la Lé, la Dent Blanche et la Dent d'Hérens, ainsi que les glaciers blottis au pied de leurs faces. Notre regard embrassait également toute l'arête qui se dirigeait vers la Pointe du Prélèt et la Pointe du Tsaté, qui nous semblaient à la fois si proches et si lointaines.
Jeu d'escalade ludique sur l'arête jusqu'à P. 2973
La météo était quelque peu changeante: poussés par le vent, des nuages ne cessaient de remodeler le panorama. De plus, les trois vautours fauves aperçus au pied du Col de Torrent sont repassés à faible altitude au-dessus du sommet, leurs ailes tendues comme des voiles, planant sans le moindre battement d'ailes.
Bien que la carte topographique n'indiquât plus de sentier au-delà de cette pointe, une trace bien marquée longeait la crête et nous a menés rapidement à un collet (P. 2942). Par la suite, l'itinéraire serpentait au plus près du fil, contournant les rares difficultés généralement par la droite. À plusieurs reprises, nous avons quitté la sente pour rester sur l'arête et nous offrir quelques pas d'escalade faciles de niveau I, juste ce qu'il fallait pour pimenter un chouia la traversée.
Notre progression nous a ensuite menés au pied d'un imposant gendarme coiffé d'un cairn. Si l'option directe semblait envisageable, le rocher s'est avéré friable et peu engageant. Nous avons donc préféré le contourner par la gauche, en empruntant le chemin. De l'autre côté, quelle surprise: l'accès par le versant sud était nettement plus simple. Malgré tout, nous avons choisi de ne pas monter jusqu'à ce cairn: une petite baraque en bois située en contrebas dans la combe avait davantage éveillé notre curiosité.
De loin, la cabane avait l'air abandonnée. Pourtant, en regardant à travers les vitres, nous avons distingué une table, des chaises, un petit réchaud à gaz, et même une pièce avec des matelas disposés au sol. En faisant le tour, nous avons trouvé la porte: la serrure était cassée, elle était simplement maintenue fermée par une corde. Nous nous sommes autorisés une visite rapide. Un livre d'or laissait supposer que le refuge, probablement construit pour héberger les ouvriers travaillant sur les paravalanches aménagés sur les pentes voisines, était encore utilisé. Cependant, nous n'avons pas réussi à déterminer si cet abri était d'usage privé ou ouvert à tous. Après avoir soigneusement refermé la porte, nous avons remonté la pente caillouteuse pour atteindre rapidement la pointe herbeuse (P. 2973).
Sur ce tronçon entre le Col de Torrent et cette cime, le dénivelé était très modeste. La difficulté globale restait dans le cadre d'une cotation T4: l'arête était ponctuée de quelques pas d'escalade de niveau I, mais les gendarmes et les pointes rocheuses les plus difficiles se contournaient aisément.
Passages délicats pour accéder à la Pointe du Prélèt
Une très courte descente nous a menés au pied d'une nouvelle éminence rocheuse sans nom ni cote sur la carte. Pour gravir jusqu'à son sommet, deux itinéraires s'offraient à nous: escalader un couloir ou contourner l'obstacle par la droite avant de gagner le sommet. Nous avons choisi de nous engager dans le couloir, ce qui nous a demandé quelques pas d'escalade en II, tandis que le contournement par la droite s'avérait objectivement moins technique.
Après cette courte montée, une nouvelle descente nous attendait. Nous avons marché sur une pente schisteuse en longeant la crête jusqu'au pied d'une petite barre rocheuse. Pour la franchir, rien de plus simple: une échelle métallique avait été installée. Cependant, la transition entre l'échelle et le rocher a nécessité un minimum de concentration et quelques mouvements peu élégants pour attraper le câble qui sécurisait la vire étroite et aérienne. Très vite, nous avons rejoint un terrain moins exposé et, de là, nous avons regagné la crête.
En enchaînant courtes montées et brèves descentes sans difficulté notable (la plupart des petits éperons se contournent facilement par la droite), nous avons finalement atteint un collet herbeux situé au pied de la Pointe du Prélèt. La structure sommitale, haute d'environ trente mètres, était constituée d'ardoises instables et cassantes. Aucun itinéraire évident ni aucun cairn ne semblait guider l'ascension vers le point culminant. Nous avons opté pour le côté gauche sur une vague trace qui grimpait dans les éboulis en décrivant de courts zigzags. Plus haut, des gradins rocheux, nettement plus stables, rendaient l'ascension plus confortable, même s'il fallait constamment vérifier les prises. Grâce à une bonne lecture du terrain, à un peu de concentration et à quelques pas d'escalade en II légèrement exposés, nous avons surmonté les difficultés et atteint une antécime.
Du Col de Torrent jusqu'à la base de cette antécime, la difficulté n'avait pas dépassé la cotation T4. L'ascension de cette antécime, sur un terrain raide, accidenté et exposé, requiert une bonne évaluation du terrain et quelques pas d'escalade en II légèrement exposés. Bien que courte, elle mérite selon moi la cotation T5-.
Nous avons poursuivi sur l'arête, parfois légèrement aérienne, mais sans difficulté particulière, jusqu'au large sommet de la Pointe du Prélèt. À une époque, les cartes topographiques lui avaient attribué une altitude de 3000 mètres exactement. Malheureusement, la cime a perdu un mètre sur les cartes récentes, mais une fois debout au sommet, on respire bel et bien l'air des 3000…
Les derniers obstacles avant la Pointe du Tsaté
Le dernier sommet de notre journée, la Pointe du Tsaté, paraissait à portée de main, mais il restait encore un bon kilomètre à vol d'oiseau. Nous n'étions malheureusement pas dotés d'ailes, et nous devions donc poursuivre sur l'arête, où la distance avoisinait plutôt le kilomètre et demi. Nous nous sommes accordés quelques minutes pour boire et grignoter, histoire de repartir avec des jambes un peu plus légères.
Pendant la descente sur la large crête herbeuse, nous avons observé attentivement la suite de l'arête. D'apparence relativement simple, elle réservait pourtant son lot de surprises techniques… Quoi qu'il en soit, la descente jusqu'au col (P. 2926) via une vague trace a été rapide.
De là, le sentier a remonté sans difficulté notable en suivant la crête pour nous conduire au pied d'une pointe schisteuse haute de sept à huit mètres (probablement P. 2970). Bien qu'une trace marquée descendît sur la gauche, le topo du CAS recommande de franchir la pointe plutôt que de la contourner. Le ressaut à gravir était évident: d'aspect impressionnant, il s'est avéré moins difficile en pratique bien que légèrement exposé, et il a nécessité quelques pas d'escalade en II. Il fallait également tester les prises et se méfier du gravier qui recouvrait le passage. J'avais lu quelques comptes rendus où des randonneurs avaient contourné cette pointe par la gauche, pour ensuite rencontrer des difficultés dans les éboulis raides et instables qu'il leur avait fallu franchir pour regagner la crête.
Au-delà, la progression vers la Pointe du Tsaté est redevenue aisée. Une bonne trace a serpenté dans la caillasse jusqu'au pied d'une petite pointe rocheuse surmontée d'un cairn imposant. À cet endroit, deux options s'offraient à nous: rester sur le fil avec quelques pas d'escalade en I–II, ou contourner l'obstacle par le versant oriental. Notre choix s'est porté sur la crête. Depuis cette antécime, le sommet avec sa croix de fer n'était plus qu'à quelques pas. Il est possible de se hisser auprès de la croix pour prendre une photo, mais l'espace y est très étroit et pas du tout propice à une véritable pause. Quelques pas supplémentaires nous ont suffi pour gagner un large replat qui offre l'endroit idéal pour s'installer.
Au final, il nous a fallu environ deux heures, pauses et détours compris, pour venir à bout des presque trois kilomètres de l'arête qui relie le Col de Torrent à la Pointe du Tsaté. La solitude était quasi totale (nous n'avons croisé qu'un seul randonneur près de la Pointe du Prélèt), nous avons eu droit à des panoramas époustouflants, et nous avons assisté à plusieurs passages de ces magnifiques vautours fauves. Le sommet de la Pointe du Tsaté nous a offert une vue à 360° sur les géants du Valais, notamment ses 4000: Dent d'Hérens, Dent Blanche, Zinalrothorn, Weisshorn, pour n'en citer que quelques-uns. Sans oublier les glaciers, tels ceux de Moiry et de Ferpècle, qui resplendissaient sous les rayons du soleil.
La cotation officielle de la traversée est-elle sous-évaluée?
La traversée du Col de Torrent à la Pointe du Tsaté est officiellement classée T4 par le CAS, une appréciation également reprise par CampToCamp, mais cette évaluation me semble quelque peu optimiste…
La structure sommitale de la Pointe du Prélèt impose d'effectuer plusieurs pas d'escalade cotés II, légèrement exposés, tandis que l'itinéraire qui serpente dans la caillasse s'avère assez délicat à identifier. De plus, la pointe schisteuse située peu après P. 2926 (probablement P. 2970) nécessite elle aussi des mouvements de niveau II. Tout cela, selon l'échelle de cotation des randonnées, tend à faire basculer la cotation vers le T5. Certes, sur la majeure partie de son développement (environ trois kilomètres) l'arête se maintient à un niveau T4 (voire souvent en deçà), mais la cotation globale doit prendre en compte le passage le plus technique, aussi court soit-il.
Les sections les plus exigeantes sont assez brèves, et attribuer un T5 plein serait sans doute excessif. C'est pourquoi la cotation T5- me paraît plus juste et plus fidèle à la réalité du terrain. Plusieurs récits publiés sur Hikr.org avancent des évaluations similaires, ce qui me conforte dans cette interprétation. Pour ma part, je préfère attribuer une cotation peut-être légèrement plus dure afin d'éviter que des randonneurs ne s'engagent dans cette longue traversée pour finalement se retrouver confrontés à des difficultés imprévues et se voient contraints de rebrousser chemin.
Descente vers le Lac du Tsaté
Si les difficultés techniques appartenaient désormais au passé, la descente s'annonçait éprouvante pour les articulations, une perspective qui ne nous réjouissait guère. Nous avons emprunté le chemin bien marqué, indiqué sur la carte, qui serpente le long de l'arête sud-sud-ouest. Pour ménager nos genoux, nous avons trottiné lorsque le terrain le permettait.
Vers 2900 mètres, l'itinéraire a abandonné la crête pour plonger sur le versant sud. À mesure que nous perdions de l'altitude, l'herbe reprenait ses droits, adoucissant progressivement l'ambiance minérale des hauteurs.
Dès que le regard parvenait à se détacher du sentier, un magnifique panorama se déployait: d'un côté s'alignaient le Tsa de l'Ano, le Grand Cornier et la Dent Blanche; de l'autre se détachaient les glaciers de Ferpècle et du Mont Miné, se découpant devant la Dent d'Hérens qui se dressait fièrement en arrière-plan.
Comme pour nous dire au revoir (ou pour s'assurer une fois de plus que nous ne représentions pas un succulent repas), les trois vautours fauves sont repassés une dernière fois en décrivant des cercles au-dessus de nous.
Dans les prairies du Tsaté
Revigorés par ces rencontres, nous avons traversé le cours d'eau, émissaire du lac, à gué puis poursuivi la descente. La carte indiquait une bifurcation vers 2630 mètres, mais, dans notre élan, nous l'avons manquée: l'embranchement de droite était peu marqué et nous avons donc naturellement suivi la branche de gauche.
Vers 2550 mètres, le chemin s'est fait moins lisible, mais le sentier balisé reliant la Remointse du Tsaté au col du Tsaté, parfaitement visible, se trouvait à quelques mètres à peine.
Ce sentier traversait ensuite en faux plat le pâturage, passant entre une belle cascade et un lac aux reflets changeants. Juste derrière la cascade, nous apercevions parfaitement le sommet de la Pointe du Tsaté, situé quelque 500 mètres plus haut. Il était impressionnant de se dire qu'à peine une heure auparavant, nous étions encore là-haut, tout là-haut…
Tout en admirant le paysage, nous avons marché jusqu'à atteindre la route carrossable, située une cinquantaine de mètres au sud de la Remointse du Tsaté. En patois valaisan, le terme "remoïntse" désigne un alpage d'altitude où le bétail séjourne quelque temps en été, avant d'être déplacé au gré de la pousse de l'herbe. Par extension, il désigne aussi le chalet et les étables utilisés temporairement lors de ces déplacements.
Un détour par les chalets de Bréonna
L'itinéraire balisé rejoignait les bâtiments avant de poursuivre sa descente en direction de La Forclaz via Le Tsalé du Tsaté et Motô. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? J'avais en effet découvert des récits évoquant la présence de beaux chalets sur les alpages de Bréonna (auparavant orthographié Bréona). Lors de la planification de cette course, j'avais estimé que le détour par le Tsalé de Bréona et les Mayens du même nom n'ajouterait qu'environ cinq minutes de marche. Mes compagnons ont accepté cette variante, malgré l'absence de sentier direct entre la Remointse du Tsaté et le Tsalé de Bréonna. Nous allions donc devoir évoluer à nouveau hors sentier…
Après avoir suivi la route carrossable jusqu'au premier virage en épingle, nous nous sommes engagés vers le sud-ouest, à travers les pentes herbeuses. Techniquement, cela ne présentait pas de difficultés; il fallait juste composer avec le terrain, chercher le meilleur passage, éviter les petites barres rocheuses et esquiver les rhododendrons qui parsemaient le versant.
Nous avons contourné P. 2303 par l'ouest, puis nous avons rapidement rejoint la route d'alpage, que nous avons suivie paisiblement jusqu'au Tsalé de Bréonna. En patois romand, "tsalè" signifie "chalet", mais en Valais, il désigne plutôt un groupe de bâtiments abritant à la fois des lieux de travail et de repos pour les bergers, ainsi que des étables pour le bétail. Quant au toponyme "Bréona", il trouverait son origine dans la langue gauloise: en celtique, "brica" veut dire "mont" ou "hauteur", une interprétation qui correspond parfaitement au relief environnant.
En traversant le hameau, nous avons été impressionnés par la profusion de chalets en pierre sèche, tous dans un excellent état de conservation, ce qui donnait au site un très beau charme rustique. Conçus à l'origine comme étables, ils semblaient désormais servir davantage au stockage de matériel.
Le site offrait également une vue grandiose, dominée par les parois à la fois austères et majestueuses du Tsa de l'Ano et de la Pointe de Moiry. À cela s'ajoutait un spectacle magnifique sur le Mont Miné, le glacier de Ferpècle, la Tête Blanche et la Dent d'Hérens, qui se découpaient avec une netteté saisissante dans la lumière de l'après-midi. Au final, ce détour s'était transformé en une magnifique parenthèse.
Retour à La Forclaz
Par un chemin bien marqué et indiqué sur les cartes topographiques, nous avons rapidement atteint les premières constructions des Mayens de Bréonna. Le Tsalé et les Mayens, bien que séparés par moins de cent mètres de dénivelé, exhibaient des architectures très différentes. Au Tsalé, on trouvait surtout des granges, mais aucune étable. Les constructions se distinguaient par leur remarquable état de conservation, et bon nombre d'entre elles avaient même été transformées en superbes chalets de montagne.
Nous avons ensuite poursuivi sur le sentier pédestre qui traversait le hameau, puis avons entamé une descente douce et régulière dans une magnifique forêt de mélèzes. L'atmosphère était paisible, presque méditative, alors que la lumière se faufilait à travers les branches pour dessiner des jeux d'ombre et de lumière sur le sol.
Environ un kilomètre plus loin, nous avons quitté le sentier principal pour emprunter une sente très discrète qui partait vers la gauche (elle figure sur la carte topographique). Quelques pas plus loin, nous avons retrouvé un chemin bien marqué et agréable qui nous a ramenés au village de La Forclaz après avoir serpenté à travers les prairies. De là, il nous a fallu quelques instants seulement pour regagner notre point de départ.