Accès
Accès en voiture
Suivre l'autoroute A9 jusqu'à la sortie "Sierre Est", puis remonter le Val d'Anniviers. À Vissoie, bifurquer à droite en direction de Grimentz. Après avoir traversé le village, s'engager sur la route du barrage de Moiry. Un premier parking est disponible juste après le tunnel. Longer le lac sur la rive est jusqu'au parking du Glacier de Moiry, près du Lac de Châteaupré.
Le site est très fréquenté. L'autorisation accordée aux camping-cars d'y passer la nuit (moyennant paiement) n'arrange rien. Il est donc fortement recommandé d'arriver tôt. En cas de saturation du parking, il est néanmoins possible de stationner le long de la route, tout en restant vigilant aux éventuelles restrictions.
À noter que des toilettes sont disponibles à proximité du parking, mais il est préférable de prévoir son papier et son savon, car ils sont souvent épuisés.
Accès en transports publics
Depuis la gare CFF de Sierre, prendre un premier car postal jusqu'à Vissoie. Puis, poursuivre avec un deuxième car postal jusqu'à Grimentz. Enfin, atteindre Moiry par un troisième car postal.
Entre fin juin et fin août, plusieurs correspondances desservent quotidiennement le parking du glacier (arrêt "Moiry VS, glacier"), ainsi que les week-ends entre début septembre et mi-octobre.
Pour trouver la meilleure correspondance, consulter l'horaire en ligne des CFF.
Du parking du Glacier de Moiry à la Cabane de Moiry
Après une nuit agitée et un sommeil léger, je me suis retrouvé sur le parking du glacier vers 6 heures du matin, prêt à entamer ma randonnée. Je n'étais visiblement pas le seul lève-tôt: plusieurs autres randonneurs s'activaient déjà.
Je me suis dirigé vers le poteau indicateur situé à proximité des toilettes publiques, au sud-est du parking. J'ai remarqué un panneau annonçant près d'une heure et demie de marche pour atteindre la cabane de Moiry. Sur le moment, cela m'a semblé étonnamment long pour rejoindre ce refuge que j'apercevais déjà, malgré la faible lumière matinale, fièrement dressé sur un promontoire à 2825 m d'altitude, au pied des majestueuses Aiguilles de la Lé.
J'ai emprunté la large piste balisée qui s'élevait progressivement vers le sud-est. Rapidement, le lac de Châteaupré est apparu en contrebas. Malgré la pénombre, ses eaux d'un blanc laiteux teinté de turquoise offraient un contraste saisissant avec le vert des prairies environnantes. Cette couleur particulière, presque irréelle, est due à la présence de fines particules de roche, les "farines glaciaires", générées par l'abrasion du substrat rocheux par les glaciers.
En prenant de l'altitude, la vue s'est progressivement ouverte sur le glacier de Moiry, dominé par les Pointes du Mourti. Autrefois majestueux, il n'était plus que l'ombre de lui-même. Les zones où j'avais pratiqué l'alpinisme vingt ans auparavant, à peine à une demi-heure de marche du parking, étaient maintenant complètement dépourvues de glace et avaient été remplacées par une moraine grise et poussiéreuse. Le spectacle était vraiment désolant.
Au nord-ouest, le soleil se levait doucement sur Sasseneire et le Diablon, créant de magnifiques jeux de lumière. Ce beau panorama promettait une journée riche en émotions.
Vers 2540 mètres d'altitude, le sentier quittait les prairies verdoyantes pour longer la crête de la moraine latérale. Le faîte, suffisamment large, ne présentait aucune difficulté technique particulière. À plusieurs endroits, il était possible de quitter la crête pour rejoindre le sentier menant à la cabane. Les premiers raccourcis permettaient d'éviter montées et descentes superflues, mais nécessitaient de traverser d'importants névés. J'ai préféré suivre le balisage blanc–rouge–blanc, acceptant quelques mètres de dénivelé supplémentaire afin d'éviter de traverser la neige dure, potentiellement glissante.
Ensuite est venue la dernière montée vers la cabane. La pente s'était considérablement accentuée et le sentier formait des lacets plus ou moins larges. Quelques passages étaient équipés de chaînes, probablement destinées aux promeneurs peu expérimentés.
Une fois les zigzags terminés, la pente s'est adoucie et j'ai traversé un pierrier composé de gros blocs. Après un énième virage, je me suis retrouvé face à la cabane historique, construite en 1924 et agrandie en 1949. Il faut contourner le bâtiment pour découvrir l'aile à l'architecture moderniste érigée en 2010.
J'avais atteint la cabane en environ une heure et quart sans vraiment forcer le pas. Le temps indiqué par les panneaux s'est donc avéré tout à fait correct…
De la Cabane de Moiry au Col du Pigne
À l'est de la cabane, des traces de peinture bien visibles indiquaient la suite du parcours à travers un chaos de grosses pierres. Le balisage blanc–bleu–blanc, omniprésent et à des intervalles très rapprochés, était complété par des cairns. Par endroit, j'ai également noté d'anciennes traces de peinture jaune ou rouge, désormais complètement délavées par les éléments. C'était l'ancien balisage officieux, témoin d'une époque où le sentier n'était pas encore officiellement reconnu comme chemin alpin. Trouver le bon itinéraire ne posait aucun problème. Si toutefois le moindre doute subsistait, on pouvait également se fier au tuyau noir amenant l'eau à la cabane et longeant plus ou moins le sentier, tel un fil d'Ariane guidant les randonneurs.
Je me suis retourné à plusieurs reprises pour admirer le panorama qui s'étendait derrière moi. Chaque regard en arrière m'offrait une vue superbe sur la nouvelle aile de la cabane, avec la Pointe du Prélet, Sasseneire et le Diablon en arrière-plan. Le paysage était tout simplement époustouflant, un mélange harmonieux de roche, de glace, d'herbe et de ciel qui me rappelait pourquoi j'aimais tant la montagne.
Après avoir traversé le pierrier d'une douce pente ascendante, j'ai retrouvé un sentier plus traditionnel, globalement bien marqué et facile à suivre. La pente s'accentuait légèrement, mais la progression restait agréable.
J'ai continué ma route en direction sud-est, à travers un dédale de rochers aux formes étranges et fascinantes, jusqu'à atteindre un petit lac d'altitude, niché à environ 3000 mètres. Ce lac, alimenté par les eaux de fonte du glacier, servait de prise d'eau pour approvisionner la cabane. Cela impliquait près d'un kilomètre de tuyaux pour acheminer l'or bleu jusqu'à la cabane de Moiry!
Le sentier se poursuivait ensuite vers l'est, en direction du col du Pigne, qui se dessinait désormais clairement dans le paysage, environ 150 mètres plus haut. À certains endroits, la traversée d'un névé encore gelé ou de rochers instables ajoutait un peu de piment à la progression. Ces passages délicats n'étaient cependant qu'un avant-goût des difficultés qui m'attendaient après le col.
Malgré le peu de sommeil de la nuit précédente, j'avançais à un bon rythme et me sentais étonnamment en forme. J'ai même dépassé quelques alpinistes qui peinaient dans la montée, le souffle court, probablement à cause de l'altitude.
La première partie de l'ascension s'était déroulée à l'ombre. Ce n'est qu'en atteignant le gros cairn marquant le Col du Pigne, vers 8 h 30, que j'ai enfin été réchauffé par les rayons du soleil, une sensation agréable après cette longue marche matinale.
Du Col du Pigne au Pigne de la Lé
Depuis le col, j'ai continué mon ascension en direction sud-est, jusqu'à atteindre l'arête nord-nord-ouest du Pigne de la Lé. Pour gagner le sommet, l'itinéraire le plus aisé consistait à suivre au plus près l'arête. Dans l'ensemble, on distinguait un semblant de sente relativement bien marquée, façonnée par les innombrables passages des randonneurs au fil des ans. Quelques cairns jalonnaient également le parcours.
Les obstacles sur la crête se contournaient tantôt par la gauche, tantôt par la droite. À plusieurs reprises, des sentes tentatrices partaient dans le versant, semblant offrir une voie prometteuse. Malheureusement, elles s'égaraient vite dans un terrain bien plus instable que sur la crête, où les éboulis et les pierriers rendaient la progression bien plus hasardeuse. Des petits cairns, judicieusement placés aux endroits stratégiques, aidaient à repérer la bonne sente à suivre. Malgré cela, le cheminement restait parfois difficile à discerner et exigeait un bon sens de l'orientation.
L'ascension s'avérait également très aérienne, avec des passages engagés et exposés. Le versant occidental, plongeant abruptement dans la vallée, offrait un spectacle saisissant de pierriers instables et de ravines profondes, tandis que le versant oriental, tout aussi impressionnant, dévoilait des falaises abruptes. L'arête elle-même, étroite et déchiquetée, se composait de gros blocs instables entremêlés de gravillons. À partir du col, le parcours était devenu indéniablement plus exigeant.
Sur le plan technique, il fallait aussi de temps à autre recourir aux mains pour s'assurer, trouver des prises dans la roche, et réaliser quelques pas d'escalade, certes faciles (I-II), mais qui ajoutaient une dose d'adrénaline à cette aventure déjà bien intense.
L'ascension du Pigne de la Lé était, en résumé, un magnifique crapahutage, nécessitant un bon sens de l'orientation, un pied sûr et l'absence de vertige. Il ne faut pas oublier le risque de chutes de pierres causées par les nombreux excursionnistes évoluant en amont, et qui peuvent entraîner des conséquences dramatiques, voire fatales. Le port du casque est donc vivement recommandé.
Vers 3300 mètres d'altitude, la sente a quitté l'arête pour contourner une antécime, sans nom ni côte sur les cartes, par le versant ouest. Après avoir traversé un névé persistant sans difficulté particulière, une dernière montée, à nouveau légèrement exposée, m'a mené au cairn sommital, marquant la fin de cette superbe ascension.
En arrivant au sommet, j'y ai trouvé une quinzaine de personnes qui profitaient de ce panorama exceptionnel. Le versant méridional, en pente douce, offrait suffisamment d'espace pour se poser et admirer la vue, sans se sentir à l'étroit. J'ai donc facilement trouvé une pierre disponible pour m'asseoir et contempler le panorama grandiose s'étalant devant moi. Le belvédère était tout simplement exceptionnel, offrant une vue imprenable sur les Alpes, dont une sélection prestigieuse de sommets de plus de 4000 mètres. La Dent Blanche, avec ses arêtes acérées, le Cervin, emblème de la Suisse, le Zinalrothorn, majestueux et imposant, le Weisshorn, étincelant de blancheur, le Bishorn, plus discret, mais tout aussi impressionnant, et bien d'autres encore, composaient un tableau d'une beauté à couper le souffle. Cette partie méridionale de la vallée de Zinal, véritable joyau des Alpes, est surnommée à juste titre "la couronne impériale". Un spectacle d'une beauté à couper le souffle, récompense ultime de tous les efforts fournis.
Toponymie
Le nom de ce sommet a évolué au fil du temps. Sur les cartes nationales suisses, il était désigné comme le "Pigne de l'Allée" jusqu'au début du XXe siècle, puis "Pigne de la Lex" entre 1905 et 1968, pour finalement adopter son appellation actuelle, "Pigne de la Lé". Le nom est monté du pâturage "La Lé", situé dans le Val de Zinal, au Col de la Lé, aux Aiguilles de la Lé, et au sommet du Pigne de la Lé.
Le mot "pigne" dérive du latin "penna, pinna" signifiant "créneau [de muraille]", ou encore plus directement du gaulois "penno-" qui signifie "sommet, tête, extrémité". Cette étymologie s'apparente à la signification "pointe, hauteur" que l'on retrouve dans le patois valaisan.
Jusqu'ici, tout semble relativement simple et cohérent. Les choses se compliquent cependant lorsqu'il s'agit de déchiffrer la signification du mot "Lé". Selon le livre du Club Alpin Suisse (CAS), ce mot dériverait du patois et signifierait "lac". Cette origine me paraît toutefois peu probable, voire erronée. Les cartes topographiques n'ont jamais signalé la présence d'un lac à proximité de l'alpage susmentionné. Le Lac de Moiry et celui de Châteaupré ne peuvent pas être pris en considération, car le premier est une étendue d'eau artificielle créée par la construction du barrage entre 1954 et 1958, tandis que le second s'est formé à la suite du retrait du glacier. Ces deux lacs ne sont d'ailleurs signalés sur les cartes topographiques qu'à partir de 1969, bien après les premières mentions du "Pigne de la Lé".
Une autre hypothèse, plus convaincante, propose que le mot "lé" trouve son origine dans le patois chablaisien "lé" et le celtique "lica, licca" signifiant "pierre plate, dalle, falaise". Cette étymologie, qui évoque une "paroi rocheuse, dalle de rocher", semble bien plus pertinente au vu de la topographie escarpée de la montagne. À noter que "allée" est probablement une remotivation, c'est-à-dire une réinterprétation erronée du nom original "La Lé".
Du Pigne de la Lé au parking du Glacier de Moiry
Le sommet du Pigne de la Lé était un vrai havre de paix. L'endroit respirait le calme, baigné d'une lumière douce et d'une sérénité absolue. En ce milieu de matinée, la température était idéale, ni trop chaude, ni trop froide, parfaite pour profiter de ce moment de répit bien mérité. J'ai passé près d'une heure assis sur mon rocher, absorbé par la contemplation du superbe paysage qui s'étendait à perte de vue.
De nombreux excursionnistes choisissent de descendre par le glacier de Moiry, une option plus technique et exigeante, cotée PD en alpinisme. Ce glacier est très crevassé, même lorsqu'il est en glace vive, ce qui n'était pas le cas ce jour-là. L'équipement complet (corde, baudrier, casque, crampons, piolet, broches, et le matériel de sécurité adéquat) s'avère indispensable pour s'aventurer sur cette étendue glaciaire, où chaque pas peut être un piège. Tous les alpinistes rencontrés au sommet ce jour-là et ayant opté pour cette voie étaient d'ailleurs bien équipés, sans exception. Étant seul, et n'ayant pas prévu le matériel nécessaire, la descente par le glacier n'était pas une option envisageable pour moi.
Pour retourner au Col du Pigne, j'ai donc emprunté le même itinéraire qu'à la montée, par l'arête nord-nord-ouest. J'ai parcouru cette dernière dans les deux sens sans matériel spécifique, fort de mon expérience. Certains alpinistes choisissent cependant de s'équiper (baudrier, corde, casque), notamment s'ils sont accompagnés d'enfants ou de personnes moins à l'aise sur ce type de terrain exposé, ou sujettes au vertige. Cette différence d'approche peut parfois susciter des interrogations parmi les randonneurs. Peu avant d'atteindre le col du Pigne, j'ai croisé deux jeunes alpinistes qui s'apprêtaient à gravir le sommet. Ils avaient observé, d'un côté, un randonneur (moi) qui était descendu d'un bon pas sans matériel, et de l'autre, un couple d'alpinistes entièrement équipés (baudrier, casque, corde). Cette différence d'approche les intriguait, soulevant des interrogations sur la nécessité ou non de s'encorder sur cet itinéraire.
Après ce bref échange, j'ai repris ma descente sur le sentier alpin. La traversée des névés, dont la couche supérieure s'était ramollie sous le soleil de cette belle journée d'été, s'est révélée plus facile et moins casse-gueule qu'à la montée.
À mesure que je me rapprochais de la Cabane de Moiry, je croisais de plus en plus de randonneurs. J'ai notamment remarqué de nombreuses familles, profitant des gros blocs rocheux pour pique-niquer et se reposer, les enfants s'amusant à escalader les rochers sous l'œil bienveillant de leurs parents.
J'ai songé à m'arrêter à la cabane pour manger un morceau et reprendre des forces, mais il n'était que 11 heures, et la fatigue accumulée pendant la nuit commençait à se faire sentir. J'appréhendais qu'en m'arrêtant, je ne trouve plus la motivation de repartir, séduit par la douceur de la terrasse ensoleillée. J'ai donc continué ma route sans m'attarder, me promettant une pause gourmande une fois arrivé au parking.
Entre la cabane et le parking, j'ai rencontré une multitude de randonneurs, de tous âges et de tous niveaux. Il y avait là des randonneurs expérimentés, des familles avec de jeunes enfants découvrant les joies de la montagne, et même des touristes du dimanche en baskets de ville. La plupart progressaient avec aisance sur le sentier, tandis que d'autres, moins habitués à la montagne, semblaient impressionnés par le vide et la déclivité, avançant prudemment, parfois même à quatre pattes sur les passages les plus délicats.
La descente s'est poursuivie tranquillement, au rythme de mes pas et de mes pensées, qui vagabondaient entre les souvenirs de cette belle ascension et l'anticipation du repos bien mérité qui m'attendait au parking.