Accès

Accès en voiture

Deux itinéraires distincts permettent de rejoindre le pittoresque village de L'Étivaz: l'un par la région des Mosses et l'autre par la vallée de Château-d'Oex.

Pour la première option, emprunter l'autoroute A9 jusqu'à la sortie d'Aigle, puis filer vers les Mosses en franchissant le col du même nom. Après le col, poursuivre encore un peu plus de sept kilomètres sur une route sinueuse jusqu'à atteindre L'Étivaz.

Pour la seconde possibilité, prendre l'A12 direction Bulle, continuer vers Château-d'Oex, puis, aux Moulins, bifurquer à droite vers les Mosses. Il suffit alors de suivre la route pendant environ sept kilomètres pour arriver à L'Étivaz.

Un parking gratuit se trouve juste à côté de "La Maison de L'Étivaz".

Accès en transports publics

Le village de l'Étivaz est desservi régulièrement par les cars postaux reliant Château-d'Oex à Leysin.

Pour trouver la meilleure correspondance, consulter l'horaire en ligne des CFF.

De L'Étivaz au chalet du Petit Jable

Mon premier objectif consistait à rejoindre le Plan au Lare. Depuis L'Étivaz, deux sentiers balisés permettent d'y accéder: l'un par la route, l'autre par un chemin de randonnée. Le premier suit une route asphaltée sur environ deux kilomètres avant de grimper sèchement dans la forêt. Le second emprunte un joli sentier boisé, plus plaisant et un chouia plus rapide. Alors, pourquoi présenter ces deux options si la seconde semble l'emporter sur tous les points? Tout simplement parce que j'ai un peu triché. Pour économiser environ trente minutes de marche à l'aller comme au retour, j'ai préféré emprunter en voiture la Route de la Scie, qui devient ensuite la Route de la Torneresse, sur environ 1.6 km. À cet endroit, juste en contrebas de "Chez les Isoz", se cache un petit parking bien pratique.

Sac sur les épaules, j'ai poursuivi sur la route asphaltée, interdite aux véhicules à partir du parking. Environ trois cents mètres plus loin, j'ai bifurqué à gauche vers le Gros Jable. En levant les yeux, j'ai été à la fois impressionné et excité par le panorama saisissant sur les falaises abruptes de la Douve et des Salaires qui se dressaient devant moi.

Sur le pâturage du Bovay, le sentier pédestre se devinait à peine, cependant quelques poteaux en bois peints en rouge et blanc balisaient timidement le parcours. Après un bref passage en forêt, où le chemin avait été passablement abîmé par le passage des vaches, l'itinéraire s'est faufilé dans un étroit couloir serpentant en petits lacets serrés. Heureusement, cette montée se faisait à l'ombre, car la pente soutenue rendait l'effort intense. La fraîcheur du sous-bois atténuait la chaleur écrasante de l'été, rendant l'ascension bien plus supportable. La vue, limitée, laissait entrevoir la Tête à Josué et les alpages en contrebas.

Vers 1500 mètres d'altitude, la pente s'est adoucie et, après quelques lacets supplémentaires, j'ai atteint le croisement de sentiers du Plan au Lare (P. 1575). Le toponyme "lare" vient de l'ancien français "laris, lariz, larris", signifiant "lande, bruyère, terrain en friche, souvent inégal et montueux": un terrain incultivable, généralement perché à flanc de coteau. D'ailleurs, il m'était difficile d'imaginer une quelconque vocation agricole pour cette clairière escarpée.

Cet endroit marquait aussi l'entrée dans le district franc fédéral de la Pierreuse-Gummfluh ainsi que dans la réserve naturelle de la Pierreuse. Le premier ne couvre qu'une partie du territoire de la seconde. Aucun panneau ne l'indiquait sur place; je le savais grâce à SwissTopo, consulté avant mon départ. Les règles d'un district franc fédéral sont claires: chiens en laisse, camping interdit, drones proscrits, aucune perturbation de la faune. Pour la réserve naturelle, les restrictions semblent moins explicites: sur le site de Pro Natura, seule l'interdiction totale des chiens est mentionnée. Heureusement, j'étais seul.

Une dernière montée douce dans la forêt m'a mené vers un alpage, où le tintement des cloches de vaches résonnait doucement au loin. J'ai alors rapidement rejoint le chalet du Petit Jable. En français, "jable" désigne la rainure pratiquée dans les douves d'un tonneau pour fixer les fonds. Faut-il y voir une allusion aux stries visibles sur les rochers qui dominent ces alpages? En ancien français, "jable" signifie aussi "façade, fronton d'une maison". Le lien avec les hautes parois rocheuses surplombant les pâturages paraissait dès lors évident…

Jusqu'à ce point, mon parcours s'était déroulé sur des sentiers de montagne sans difficulté notable, la cotation n'ayant jamais excédé le niveau T2.

L'approche hors-piste de l'antécime sud du Biolet

Au Petit Jable, il m'a suffi de lever les yeux vers le nord pour apercevoir mon objectif suivant: l'antécime sud du Biolet (P. 2261). L'itinéraire, bien que raide – surtout dans sa seconde moitié – ne paraissait présenter aucune difficulté technique majeure. J'ai donc entamé l'ascension de la pente herbeuse, en prenant soin de contourner les zones où la végétation se faisait la plus haute et la plus dense, jusqu'à rejoindre une épaule que j'ai suivie d'un pas tranquille et régulier. La pente se redressait peu à peu, cependant des marches naturelles et quelques sentes fugaces rendaient la progression fluide et agréable.

La rocaille s'est faite de plus en plus présente à mesure que je gagnais de l'altitude, sans toutefois compliquer réellement l'ascension. Il suffisait alors de zigzaguer un peu plus pour éviter les zones instables.

Aux alentours de 2150 mètres, j'ai rejoint la crête, qui offrait de splendides panoramas sur la Gummfluh et le Brecaca. Cependant, c'était l'arête rocheuse, constellée de pointes acérées, menant à ce dernier qui captivait mon regard. Elle m'a semblé bien plus effilée et aérienne que ce que j'avais pu imaginer en lisant le guide du CAS. Mais chaque chose en son temps: avant cela, je voulais atteindre le sommet du Biolet… J'ai donc longé cette arête mi-herbeuse, mi-rocheuse, qui a exigé quelques pas d'escalade très facile (I), jusqu'à atteindre la croupe verdoyante de l'antécime (P. 2261).

Cette portion de l'ascension exige un pied sûr et un bon sens de l'orientation. La principale difficulté technique réside dans ces quelques pas d'escalade faciles à proximité de l'antécime, ce qui justifie la cotation T4-.

Face à la muraille: l'assaut final du Biolet

Depuis l'antécime sud, je pouvais enfin observer le sommet principal du Biolet. Les deux points ne sont séparés que d'environ cent vingt mètres à vol d'oiseau, ce qui laissait présager, lors de la préparation de cette course, un trajet rapide, d'autant que le topo du CAS attribuait à cette ascension la cotation T3+. J'ai donc été particulièrement surpris de découvrir que ce que le topo décrivait comme "la pente sud du sommet, d'abord en partie rocheuse" se révélait être une barre rocheuse imposante, barrant totalement l'accès. J'avais repéré plusieurs passages possibles; il me restait à déterminer sur place lequel offrirait le chemin le plus sûr et le moins exposé.

J'ai longé l'arête en contournant par la droite deux pointes rocheuses, jusqu'à parvenir à une selle vers 2245 mètres. Comme il ne s'agissait que d'un court aller-retour, j'ai décidé d'alléger ma charge en y abandonnant pour un moment mon sac. Quelques pas plus haut, un cairn m'indiquait précisément le début du passage dans la barre rocheuse, m'épargnant ainsi la recherche de la meilleure option. J'ai cependant hésité quelques instants entre poursuivre à gauche ou à droite du cairn, puis j'ai remarqué un piton à expansion fixé sur un gros bloc, à droite. C'était sans doute le passage le plus commode. Après quelques pas d'escalade de niveau II (ce qui, de fait, faisait grimper la cotation à T5), je me suis finalement hissé sur la partie gazonnée de la face sud. Là, quelques mètres le long de vires étroites et légèrement exposées ont précédé une dernière montée, à la fois plus douce et agréable, jusqu'au petit cairn sommital.

Un splendide panorama se déployait à perte de vue dans toutes les directions: au nord, le versant abrupt des Salaires, la Douve et le Château Chamois; vers l'est, le Rocher du Midi dominait le village de Château-d'Oex, avec le massif du Vanil Noir se découpant majestueusement en toile de fond; au sud-est, je distinguais le Rocher Plat et le Rocher à Pointes, ainsi que le Rubli; à l'ouest, se dressaient fièrement le Brecaca et l'imposante Gummfluh.

Il était presque onze heures lorsque j'ai posé le pied sur le sommet du Biolet, sans y croiser âme qui vive. Je ne m'attendais d'ailleurs pas à rencontrer qui que ce soit: la plupart des randonneurs et les randonneuses se "contentent" de gravir la Gummfluh, plus haute, plus imposante et dotée d'un sentier bien tracé. En témoignaient deux silhouettes que j'apercevais déjà là-haut.

Seul face au panorama, j'ai eu tout le loisir de laisser mon regard se perdre et de m'interroger sur l'origine du nom du sommet. Le toponyme "Biolet" provient du patois "biola" ou "bioula", qui signifie "bouleau" et désigne un lieu où ces arbres sont abondants. Il est probable que ce nom soit "monté" d'une forêt située à ses pieds. J'ai eu beau scruter attentivement les alentours, mais je n'ai aperçu aucune forêt de bouleaux. Peut-être avaient-ils disparu depuis longtemps, ne laissant derrière eux que leur nom, ou peut-être se cachaient-ils quelque part, bien à l'abri de mon regard?

Du Biolet au col (P. 2145): prélude à une traversée engagée

L'objectif suivant était d'atteindre le Brecaca. Le versant nord de l'arête reliant le Biolet à ce dernier se révélait être encore plus abrupt et inhospitalier que le versant sud observé pendant l'ascension. L'exposition allait bel et bien être au rendez-vous. Je n'étais pas certain de pouvoir tout franchir sans matériel d'alpinisme, mais je voulais néanmoins tenter l'expérience. Au pire, j'avais toujours la possibilité de rebrousser chemin pour redescendre au Petit Jable par le même itinéraire qu'à la montée…

Depuis le sommet du Biolet, il m'a d'abord fallu regagner la selle située vers 2245 mètres en reprenant le même itinéraire qu'à la montée. À la descente, le tracé m'a paru moins évident, mais plusieurs pitons à expansion m'ont servi de repères. J'ai récupéré mon sac, puis j'ai entamé la descente de la large arête est du Biolet, d'abord tapissée d'herbe, avant qu'elle ne se transforme progressivement en un terrain plus rocheux et plus chaotique.

L'arête s'amincissait peu à peu, devenant sensiblement plus aérienne, mais la difficulté restait modérée. Je me suis faufilé aisément entre les blocs, suivant un tracé assez clair où se dessinait parfois une sente discrète, probablement tracée par des animaux sauvages. Tantôt sur le fil même de l'arête, tantôt tout proche sur son versant sud, j'ai enfin atteint sans encombre un col (P. 2145).

J'ai jeté un coup d'œil vers le versant nord, en direction de la Potse di Gaule. Ce toponyme évocateur, qui signifie "Poche des Gueules", décrit à la perfection le lieu: une combe où viennent buter plusieurs couloirs étroits (les fameuses "gueules"). Il serait apparemment possible de rejoindre le col en passant par là. L'option paraissait envisageable, mais s'annonçait redoutablement casse-pattes tant la caillasse semblait instable. Cette instabilité me paraissait d'ailleurs franchement dangereuse: j'ai entendu plusieurs chutes de pierres, probablement d'origine naturelle (aucun animal n'était visible dans les parages).

Jusqu'ici, l'itinéraire sur l'arête orientale du Biolet relevait de la cotation T4, avec quelques passages légèrement aériens et exposés, nécessitant parfois de courts pas d'escalade facile (I). La suite allait cependant rapidement se corser…

L'arête des sensations fortes: ressauts, gendarmes et vautours

Je me suis arrêté un instant, le regard fixé sur l'arête qui se dressait devant moi. J'ai senti mon souffle ralentir, non pas par fatigue, mais comme si mon corps voulait gagner quelques secondes avant de s'engager. Je connaissais la règle: sur ce genre de terrain, la moindre hésitation peut peser lourd. Un dernier soupir… et je me suis avancé.

J'ai contourné les premières pointes rocheuses par la droite, sur le versant sud. Après avoir descendu une pente herbeuse raide et aérienne, j'ai suivi une vague sente en faux plat sur quelques mètres, puis retrouvé la crête par une nouvelle montée sur un terrain mi-herbeux, mi-rocheux, lui aussi bien incliné.

Devant moi se dressait une série de trois ressauts rocheux. Le premier, je l'ai évité à gauche par des gazons très raides et exposés, dominant vertigineusement la Potse di Gaule. Sans équivoque, il s'agissait d'un terrain coté T5. Le sol, heureusement sec, offrait une sente à peine marquée, mais ponctuée de marches naturelles, ce qui m'a permis de regagner la crête sans difficulté excessive. J'ai ensuite longé l'arête jusqu'à la cime du troisième ressaut. La traversée, aérienne et légèrement exposée, s'est finalement révélée moins redoutable que prévu.

J'ai poursuivi le long de l'arête, contournant la plupart des pointes et gendarmes rocheux par la droite lorsque le passage direct n'était pas possible. Quelques pas d'escalade facile en I-II ont été nécessaires pour franchir certains blocs. C'est au cœur de cette belle traversée technique que deux majestueux vautours fauves ont fait leur apparition, planant silencieusement dans les courants ascendants. J'ai d'abord remarqué leur arrivée à la façon dont l'ombre de l'un d'eux a glissé rapidement sur le sol rocheux. Intrigué, j'ai levé les yeux et aperçu le premier, déjà haut et lointain, puis le second, plus proche, qui décrivait deux cercles rapides au-dessus de moi. Le premier poursuivait déjà sa route vers l'horizon, tandis que le second, après ces brèves arabesques aériennes, a filé à sa suite, disparaissant aussi vite qu'ils étaient apparus.

Vers 2180 mètres, j'ai contourné les derniers gendarmes par un pierrier, puis retrouvé une large épaule herbeuse et accueillante. C'est là que se sont achevées les difficultés techniques de la traversée entre le Biolet et le Brecaca. La suite, bien que raide par endroits, ne présentait plus ni exposition ni passages aériens.

Brecaca: trois sommets, trois caractères

En suivant la large épaule herbeuse, j'ai rejoint sans difficulté une cime verdoyante, sans nom ni côte sur les cartes topographiques, mais parfois appelée "Brecaca, sommet sud". Le Brecaca compte en effet trois éminences, et il est difficile de déterminer laquelle est la plus haute. Néanmoins, comme seule la pointe nord-est est indiquée sur les cartes topographiques, j'en ai déduit qu'elle était officiellement considérée comme la plus haute.

J'ai ensuite gagné sans peine la deuxième éminence, située au nord-ouest, qui offrait un panorama plongeant sur la Pierreuse, la plus grande réserve naturelle de Suisse romande: un véritable patchwork de zones rocheuses, de prairies alpines aux floraisons abondantes, de marais discrets, de sapins et d'épicéas ponctués de quelques forêts de feuillus, le tout encadré par des sommets imposants qui semblaient veiller sur ce sanctuaire.

J'ai marqué une courte pause, hésitant à tenter la troisième cime, plus à l'est, car elle se dressait sous la forme d'une pointe rocheuse effilée et son rocher paraissait particulièrement friable. Le toponyme "Brecaca" viendrait probablement du germanique "brekan", signifiant "briser" – une origine qui ne faisait que nourrir mes doutes. À moins que ce ne soit mon estomac qui commençait à me tirailler et qui me poussait à hésiter. Finalement, après avoir grignoté quelques fruits secs, je me suis décidé et j'ai traversé jusqu'au pied du sommet principal.

Les derniers mètres m'ont demandé toute mon attention: d'abord une vire étroite et exposée, taillée dans un rocher médiocre, puis une pente raide et aérienne, où l'usage des mains s'est avéré indispensable. Le rocher, très délité, imposait de tester soigneusement chaque prise avant de lui confier mon poids. J'ai même envisagé de renoncer, sachant qu'il faudrait redescendre par le même passage délicat, mais j'ai au bout du compte franchi les quelques pas d'escalade de niveau II qui me séparaient de la crête. De là, quelques pas exposés m'ont mené à l'étroite plateforme sommitale, véritable belvédère suspendu au-dessus du Grand Crau et des parois ouest et sud de la Gummfluh désormais si proches.

En termes de difficulté, l'ascension de l'épaule herbeuse et la visite des deux premières éminences relèvent du T3–T4, tandis que l'accès au sommet principal est clairement du T5. Ce dernier peut sans autre être évité sans rien enlever à la beauté de l'expérience: la vue depuis les deux autres sommets reste tout aussi spectaculaire et bien moins périlleuse.

L'objectif ultime de la journée: la Gummfluh

Le dernier sommet de la journée, la Gummfluh, n'était qu'à moins de quatre cents mètres à vol d'oiseau. Cependant, un vaste vide et des parois verticales, austères et infranchissables en ligne droite, m'en séparaient encore. Pour atteindre le point culminant, il fallait décrire un large détour afin de rejoindre la voie normale.

La désescalade du sommet principal du Brecaca m'a valu quelques sueurs froides: à deux reprises, mon pied a légèrement dérapé sur des cailloux instables, qui sont allés rejoindre leurs semblables dans le couloir nord du Grand Crau.

Après être revenu au sommet méridional, j'ai suivi la large crête sud-est, confortable et presque entièrement herbeuse, jusqu'à atteindre une petite bosse rocheuse (P. 2276), en serpentant aisément entre quelques blocs massifs. L'endroit offrait une vue imprenable sur les trois éminences du Brecaca que je venais de gravir.

L'arête est ensuite devenue effilée et jalonnée de gendarmes rocheux. À plusieurs reprises, je me suis demandé si le passage direct par le fil était possible. Parfois, je me lançais, pour finalement me retrouver au sommet d'un ressaut infranchissable, ce qui m'obligeait à reculer et chercher un contournement par la droite. Cet exercice, loin d'être pénible, s'est révélé ludique et presque récréatif après les difficultés précédentes. Après une alternance de brèves montées et descentes, l'arête s'est redressée en direction de la paroi sud de la Gummfluh.

Vers 2330 mètres d'altitude, j'ai quitté la crête pour suivre une série de vires orientées à l'est, et j'ai traversé en faux plat un pierrier jusqu'à rejoindre le sentier de la voie normale. Bien que figurant sur les cartes, ce chemin n'est pas officiellement balisé. La trace restait néanmoins évidente et quelques cairns marquaient l'itinéraire le plus confortable. Rapidement, j'ai atteint le pied de la falaise où il fallait rejoindre une vire. Un câble en acier, solidement fixé dans la paroi, signalait son emplacement. Impossible de la manquer, sauf peut-être par un brouillard très épais.

Depuis le bas, le passage paraissait impressionnant et exposé, mais en réalité la vire s'est révélée relativement large et le rocher offrait de bonnes prises. Je n'ai donc pas ressenti le besoin d'utiliser le câble. Cette traversée aérienne m'a semblé presque anodine après les autres défis du jour.

Puis j'ai gravi une cheminée avec quelques passages d'escalade facile de niveau I et des courtes sections légèrement aériennes, mais peu exposées. Là encore, certains tronçons étaient équipés de câbles, dont je ne me suis pas servi. Très vite, j'ai atteint un collet marqué par un cairn, puis j'ai poursuivi vers l'ouest le long de la crête. Le sommet n'était plus qu'à soixante mètres au-dessus, mais, comme souvent, les derniers mètres paraissaient interminables – non pour des raisons techniques, mais parce que la fatigue alourdissait les jambes et que mon estomac réclamait sa part.

J'ai continué comme si de rien n'était. Avant d'atteindre la croix sommitale, marquant la frontière entre les cantons de Vaud et de Berne, j'ai croisé quelques randonneurs qui descendaient. De ce fait, je me suis retrouvé tout seul là-haut.

La Gummfluh, point culminant du massif homonyme, domine le Pays-d'Enhaut et offre un panorama à 360 degrés saisissant: au sud, la chaîne des Alpes vaudoises s'étend à perte de vue; à l'ouest, les Préalpes fribourgeoises déroulent leurs courbes douces; au nord, le plateau suisse s'étale dans une brume légère; et à l'est, les cimes acérées des Gastlosen percent le ciel. Face à un tel spectacle, il est facile de comprendre pourquoi ce sommet attire tant de visiteurs.

Le nom du sommet se compose de "Gumm" et de "fluh". "Gumm" est une forme alémanique de "comba" ou "combe", et c'est le nom d'un alpage situé au sud-est du sommet. Quant à "fluh", c'est une variante alémanique de "flue" ou "flüh", qui signifie "paroi, falaise" et, par extension, "sommet aux parois raides". La Gummfluh est donc littéralement la "Pointe de la Combe".

La traversée entre le Brecaca et la Gummfluh est cotée T4. Les principales difficultés résident dans la recherche du meilleur passage et dans quelques pas d'escalade facile (niveau I).

Retour vers la vallée

J'ai passé près d'une demi-heure au sommet de la Gummfluh, à savourer la vue et à reprendre des forces. Je m'attendais à voir d'autres randonneurs ou randonneuses me rejoindre, mais personne ne vint… absolument personne. Un privilège rare, que j'ai fortement apprécié.

Je suis descendu par le même itinéraire qu'à la montée. Dans la paroi, je n'ai pas utilisé les cordes ni les câbles, pas plus qu'à l'aller, mais leur présence restait rassurante en cas de doute. Au pied de la falaise, j'ai retrouvé le pierrier. La caillasse, assez instable, m'a incité à choisir l'option "droit en bas", en me laissant glisser juste à côté du sentier. Une technique que j'aime bien, car elle permet de perdre rapidement de l'altitude tout en épargnant les genoux.

Une cinquantaine de mètres plus bas, j'ai repris le sentier qui file dans un flanc de coteau. La difficulté allait en diminuant: la traversée dans la caillasse offrait encore quelques passages légèrement aériens, justifiant la cotation T3/T3+, puis, lorsque le terrain est devenu herbeux, l'aspect aérien a complètement disparu, emportant avec lui toute difficulté technique. Le reste n'était plus que du T2: après une courte descente en traversée, le sentier longeait une crête douce avant de rejoindre, sans autre obstacle notable, un poteau indicateur vers 1 950 mètres d'altitude.

J'ai poursuivi vers la droite. Le chemin descendait tranquillement à travers les pâturages de Sunnig Gumm (sans doute la "combe ensoleillée"), offrant une vue presque continue sur la face sud de la Gummfluh et les Pointes de Sur Combe.

J'ai ainsi gagné le Col de Jable. Comme pour le sommet de la Gummfluh, ce lieu marque la frontière naturelle et linguistique entre les cantons de Berne et de Vaud. Un superbe mur en pierres sèches, parfaitement alignées, bordait le col, grimpant vers le Höje Stand au nord-ouest et le Rots Hore au sud-est.

De retour dans le vallon de la Torneresse, j'ai poursuivi la descente douce sur le sentier pédestre. Le chalet du Gros Jable, ma prochaine étape, apparaissait en contrebas, niché au milieu des prairies et dominé par la silhouette du Biolet. Sur l'alpage, j'ai remarqué les pylônes d'un petit téléphérique de service, utilisé pour ravitailler le chalet. Aucune route carrossable ne le relie en effet à la plaine: ici, tout monte et descend par les airs ou à dos d'homme.

En passant devant le chalet du Gros Jable, j'ai salué une femme et deux enfants qui semblaient passer l'été là. En reprenant ma marche, je me suis demandé si l'on y produisait encore de l'Étivaz AOP ou si les alpagistes se contentaient de descendre chaque jour le lait frais. La question est restée en suspens, tandis que je rejoignais le Petit Jable.

Le sentier poursuivait sa descente douce à travers les pâturages. Bien qu'ayant déjà emprunté ce tronçon à la montée, la lumière de l'après-midi en changeait totalement l'atmosphère. L'ambiance était paisible, rythmée par le tintement régulier des cloches. Après un virage, je suis tombé sur un troupeau de vaches, solidement campées en plein milieu du chemin. Comme elles ne semblaient pas décidées à bouger, j'ai dû les contourner par la prairie. Comme si je n'avais pas déjà eu ma dose de hors-sentier pour la journée…

La suite de la descente, toujours sur le même tracé qu'à la montée, s'est déroulée sans autre surprise. Lorsque les chalets du Bovay sont enfin apparus, je savais que le parking n'était plus très loin. Un mélange de joie et de nostalgie m'a gagné. En retrouvant enfin mon véhicule, je suis resté quelques instants immobile, le sac encore sur le dos. Les jambes lourdes, le visage un peu brûlé par le soleil, mais l'esprit rempli d'images et de sensations: le silence des crêtes, le frôlement du vent, le vol des vautours, l'odeur chaude des pâturages. Cette boucle autour du Biolet, du Brecaca et de la Gummfluh m'avait offert bien plus qu'une simple randonnée: un voyage à travers trois personnalités de montagne, du doux au sévère, du rassurant à l'exposé. Tandis que le moteur ronronnait et que la route de la vallée défilait, je savais déjà que je reviendrais.