Accès

Accès en voiture

Emprunter l'autoroute A9 jusqu'à la sortie d'Aigle, puis suivre les indications pour Les Diablerets. Continuer en direction du Col du Pillon. Juste avant le col, tourner à gauche et s'engager sur la route étroite, aux croisements parfois difficiles, jusqu'au parking du Lac Retaud.

Attention: lors des journées estivales ensoleillées, le parking est rapidement complet. Dans ce cas, stationner au parking du Col du Pillon. Cela implique 30 minutes de marche supplémentaire à la montée et 20 minutes à la descente.

Accès en transports publics

Depuis la gare CFF d'Aigle, prendre le train jusqu'aux Diablerets. En juillet et en août, utiliser la navette Diablobus qui assure la liaison entre Les Diablerets et le Lac Retaud.

En dehors de cette période, emprunter le car postal en direction de Saanen jusqu'au Col du Pillon et rejoindre ensuite le Lac Retaud à pied.

Pour trouver la meilleure correspondance, consulter l'horaire en ligne des CFF.

Du Lac Retaud à La Marnèche

Ce samedi matin, les goélands avaient remplacé mon réveil habituel. Leurs cris stridents m'avaient tiré du sommeil à l'aube, et vers 8 heures, je me trouvais déjà sur le parking du Lac Retaud. À cette heure-là, l'endroit était, sans surprise, encore relativement désert. Seuls quelques campeurs, qui avaient passé la nuit dans leur camping-car, commençaient à s'activer. J'ai savouré ces instants de calme privilégiés, car le coin est généralement très apprécié des visiteurs.

Depuis la rive nord-ouest, un chemin bien marqué gravit une courte pente et débouche sur le sentier pédestre. Vu l'heure matinale, aucun bruit ne troublait la quiétude des lieux. J'ai avancé silencieusement dans l'espoir d'apercevoir des animaux sauvages, mais je n'ai vu que quelques oiseaux communs.

Le sentier, agréable et facile à suivre, s'élevait à travers une magnifique forêt d'épicéas. L'ombre bienfaisante des arbres procurait une fraîcheur bienvenue, que j'ai savourée avant de quitter la forêt. En effet, aux alentours de 1780 mètres d'altitude, la végétation se fait plus rare, laissant place à de vastes étendues herbeuses baignées de soleil. En contrepartie, un splendide panorama s'ouvre sur le massif des Diablerets.

Après quelques minutes de marche supplémentaires, j'ai atteint un chalet d'alpage entouré de vaches paisiblement occupées à brouter l'herbe grasse. C'était la Buvette de la Marnèche. En été, quelques tables disposées à l'extérieur invitent les randonneurs à faire une pause gourmande. On peut y déguster des spécialités locales, telles que des planchettes de viande séchée et de fromages, une fondue crémeuse ou une croûte au fromage dorée, tout en contemplant la vue imprenable sur la vallée des Ormonts.

De La Marnèche à Isenau

À côté du chalet, on emprunte une route d'alpage. La destination suivante, La Pare, figurait sur les panneaux destinés aux randonneurs, bien qu'on y trouve encore l'ancienne orthographe: La Para.

En parcourant cette piste, initialement revêtue d'asphalte puis se muant en chemin de terre battue, on traverse un paysage enchanteur. Les prairies qui s'étendaient de part et d'autre de la route offraient un véritable festival de couleurs, où se mariaient harmonieusement les nuances vives des fleurs sauvages.

Après un peu moins d'un kilomètre, on parvient aux chalets d'alpage d'Isenau. Là aussi, quelques tables permettent de se désaltérer dans un cadre pittoresque.

D'Isenau à l'Arpille

J'ai poursuivi en direction de La Pare. À P. 1878, la route asphaltée cède sa place à un sentier sinueux qui s'enfonce dans le flanc sud de la montagne. Le chemin, bien entretenu et facile à suivre, monte d'une pente douce, mais traverse des zones escarpées. Un pied sûr s'avère déjà nécessaire et quelques passages légèrement aériens pourraient être rédhibitoires pour les personnes sujettes au vertige.

À plusieurs reprises, les sifflements stridents des marmottes ont retenti, signalant ma présence. Hélas, malgré mes efforts, je n'ai pas réussi à les apercevoir. Elles sont restées dissimulées dans leurs terriers, se bornant de m'avertir de leur vigilance.

Au fil de ma progression, le tintement des cloches des vaches se faisait de plus en plus audible, annonçant la proximité d'un alpage. Après un dernier virage, un étang envahi par la végétation est apparu. J'étais parvenu à l'Arpille. Ce toponyme, dérivé du latin "alpicula", signifie "petite alpe", dans le sens d'alpage. L'expression "alpage d'Arpille" constituerait donc un pléonasme.

De l'Arpille à La Pare

Quelques dizaines de mètres après le chalet d'alpage de l'Arpille, j'ai bifurqué à gauche, en direction du nord-ouest. L'indication pour La Pare était clairement peinte sur un imposant rocher.

Une courte montée m'a mené sur un petit plateau herbeux, où paissait paisiblement un troupeau de vaches. Elles m'ont observé d'un œil nonchalant tandis que je traversais leur domaine. Soudain, un chien a surgi de nulle part et s'est élancé vers moi. Je m'attendais à cette rencontre, car le sentier des Greneyrets, entre Métreille et l'Arpille, était fermé aux randonneurs en raison de la présence de ce troupeau gardé par des patous, et la configuration du terrain ne permettait pas de les contourner.

Je me suis immobilisé pour montrer au chien que je ne représentais aucune menace pour les vaches. Il m'a reniflé brièvement, puis s'est éloigné sans aboyer. J'ai éprouvé un soulagement, car la réaction de ces chiens de protection est souvent imprévisible. Certains aboient plus ou moins agressivement, tandis que d'autres se montrent plus calmes et mieux dressés. Hélas, je ne peux en dire autant du vacher, qui m'a superbement ignoré, ne daignant même pas répondre à mon salut. Qu'importe, cela n'allait pas gâcher ma journée!

Le sentier, toujours bien tracé, continuait de serpenter à travers les pâturages, passant à quelques centaines de mètres au nord de La Tornette. Curieusement, jusqu'à la fin des années 1970, les cartes topographiques mentionnaient deux sommets portant ce nom: le point culminant à 2189 mètres, ainsi que La Pare elle-même. Cette dernière portait donc un double nom. Le toponyme "Tornette" dérive des mots régionaux "thure, turra", signifiant "lieu élevé", ainsi que de l'ancien français "torel, turel, tureau, thurel, turet, toron", des diminutifs de "petite tour". Sous cet angle, on pourrait appeler "Tornette" un grand nombre de sommets!

Plus loin sur le sentier, j'ai eu la chance d'apercevoir des marmottes ayant élu domicile sur l'arête proche du sommet de la Tornette. Elles se montraient moins farouches que celles rencontrées précédemment et se sont laissées photographier sans crainte, se dressant sur leurs pattes arrière pour mieux observer les alentours.

Durant l'ascension, j'ai souvent jeté un coup d'œil en direction de la Cape au Moine. J'ai scruté attentivement les pentes herbeuses et les éboulis du lieu-dit "Sous le Moine", tentant de repérer l'itinéraire le plus aisé pour atteindre le col. Une chose était certaine: la pente était raide et l'ascension s'annonçait exigeante!

J'ai continué ma route jusqu'à l'arête sud-sud-ouest, où une clôture avait été installée le long du sentier. Un panneau, illustré par la photo de moutons, demandait aux propriétaires de chiens de les tenir en laisse. Cette précaution s'avérait essentielle pour protéger le troupeau qui pâturait plus haut, et pour éviter les conflits entre chiens et patous.

Des moutons au museau noir se prélassaient quelques centaines de mètres plus haut, profitant du soleil, de l'herbe et des derniers névés. Cette race ovine, appelée "nez noir du Valais", est réputée pour sa robustesse et son adaptation aux conditions difficiles de la montagne. C'est également la seule espèce suisse porteuse de cornes, ce qui lui confère une allure fière et sauvage. Certains moutons profitaient de l'ombre offerte par les paravalanches, tandis que d'autres broutaient tranquillement. Les plus jeunes, débordant d'énergie, s'amusaient à courir dans tous les sens.

Alors que j'approchais de la crête sommitale, j'ai été surpris par la présence de plusieurs rapaces tournoyant au-dessus de ma tête. La lumière était étrange, tamisée par la couverture nuageuse. Les oiseaux ont rapidement pris de l'altitude, mais grâce à leur grande envergure, à la forme de leur queue, à leur plumage brun clair et à leur tête blanche, j'ai supposé qu'il s'agissait de magnifiques vautours fauves.

Le sommet de La Pare et ses multiples noms

Une fois au sommet herbeux de La Pare, j'ai été récompensé de mes efforts par une vue panoramique à couper le souffle, un véritable festin pour les yeux. Au sud, la chaîne des Diablerets se dressait fièrement, telle une forteresse de glace et de roche. Ses sommets enneigés, tels le Diableret lui-même ou le Becca d'Audon, étincelaient sous le soleil. Au nord, le paysage s'ouvrait sur l'Etivaz et la Gummfluh, le point culminant de la chaîne montagneuse située au sud du Pays-d'Enhaut. Cette région, réputée pour ses traditions fromagères, présentait un contraste saisissant entre les alpages verdoyants et les falaises abruptes. En arrière-plan, une multitude de sommets des Préalpes fribourgeoises se profilaient, créant une perspective infinie où s'entremêlaient les nuances de vert, de gris et de bleu. Des montagnes emblématiques telles que le Vanil Noir, le Moléson ou la Dent de Lys se détachaient. À l'ouest, la face est du Tarent, rocheuse et escarpée, dominait sa présence, tandis qu'à l'est, les prochains objectifs de ma randonnée se dessinaient: la Cape au Moine, la Pointe du Vay et la Chaux.

Hélas, les nuages, tels des artistes capricieux, jouaient avec la lumière, compliquant la prise de photos dignes de ce paysage grandiose. Les ombres et les rayons de soleil s'alternaient, créant des contrastes et des effets de clair-obscur qui rendaient la scène encore plus spectaculaire.

J'avais été étonné par le peu de monde rencontré sur le chemin. Il est vrai que j'avais gagné le sommet avant 11 heures, ce qui justifiait peut-être cette relative tranquillité. Plus tard dans la journée, la fréquentation devait certainement être plus importante, sans pour autant transformer le lieu en une autoroute de randonneurs.

Ce sommet, aujourd'hui appelé La Pare, a revêtu plusieurs appellations au fil du temps. À la fin du siècle dernier, il s'orthographiait "La Para". Jusque dans les années 1970, il était également connu sous le nom de "La Tornette", un terme qui évoque la forme pointue et élancée de certains sommets alpins. Plus anciennement encore, jusqu'au milieu des années 1950, on le désignait sous les formes "La Paraz" ou "Tornettaz". Il a même été appelé "La Pare de Marnex" (avec des variantes telles que "La Paraz Marnex"), en référence au hameau de Marnex situé au pied sud de la montagne.

Les noms "Para" et "Pare" tirent leur origine du patois "pâra", signifiant "rocher à pic d'une certaine étendue et d'une certaine hauteur, offrant l'aspect d'un mur", et du vieux français "pare, parai, parey", qui signifie "paroi". Cette étymologie reflète bien la réalité du terrain: à l'exception des pentes herbeuses sous l'arête est, les autres versants de La Pare sont effectivement rocheux et abrupts, formant de véritables parois verticales qui impressionnent par leur verticalité.

De La Pare au Col de Seron

Mon prochain objectif se dressait devant moi, imposant et majestueux: la Cape au Moine, ce sommet double aux pointes acérées. Les frères Rémy, dans leur ouvrage de référence du Club Alpin Suisse, le décrivaient comme le plus aigu de la région, et en l'observant depuis La Pare, je ne pouvais qu'approuver.

J'ai d'abord suivi l'arête est-sud-est. Dans le ciel, les rapaces avaient laissé place à des êtres d'un autre genre: des "Homos Volans Liber", plus communément appelés parapentistes, virevoltaient gracieusement dans les airs, portés par les courants ascendants, offrant un spectacle fascinant de liberté et de légèreté.

À proximité de P. 2456, j'ai été contraint d'abandonner la crête, barrée par la clôture du parc de nuit des moutons. J'ai alors continué ma route sur le flanc sud-est de la montagne, sur les pentes herbeuses. J'ai retrouvé l'arête vers 2350 mètres d'altitude, après avoir traversé les Pierres Fendues, un passage parsemé de rochers assez friables. Une fois cette zone légèrement plus délicate franchie, la descente a retrouvé sa douceur, serpentant entre les croupes herbeuses jusqu'au col de Seron.

Sous le Moine

Depuis le col de Seron, j'ai continué ma route en direction de l'est-sud-est, m'engageant sur le versant sud-ouest de la Cape au Moine. Malgré cette déclivité importante, la progression restait relativement aisée grâce aux nombreuses marches naturelles formées par le relief. J'ai ainsi gravi la pente herbeuse jusqu'au pied de la paroi rocheuse, où j'ai découvert un semblant de sentier, probablement façonné par le passage régulier d'animaux sauvages.

En longeant la base de la paroi, j'ai atteint un vaste pierrier qui s'étendait devant moi. Je m'apprêtais à le traverser lorsque des bruits de pierres dévalant la pente m'ont brusquement arraché de mes pensées et de ma contemplation du paysage. En levant les yeux, j'ai repéré un groupe de chamois en mouvement sur le pierrier, probablement alertés par ma présence. Je me suis alors arrêté à un endroit sûr, à l'abri des chutes de pierres potentielles, et j'ai attendu jusqu'à ce qu'ils aient terminé leur traversée. Un casque peut donc s'avérer très utile contre les éventuelles chutes de pierres.

J'ai contemplé avec émerveillement la harde de chamois s'éloigner, puis j'ai franchi le pierrier en suivant une légère pente ascendante. Bien que la caillasse se soit révélée plus stable qu'elle n'y paraissait, j'ai été soulagé de retrouver un terrain herbeux. Cependant, j'étais conscient que la partie la plus difficile de l'ascension m'attendait…

Ascension de la Cape au Moine

L'ascension de la Cape au Moine s'est avérée être un véritable défi. J'ai remonté un couloir principalement herbeux, dont la pente abrupte exigeait une attention constante et une bonne maîtrise de l'équilibre. Mes bâtons de randonnée se sont révélés précieux pour m'aider à conserver ma stabilité et à répartir l'effort sur mes jambes. Un piolet aurait aussi pu être utile, surtout dans les passages les plus raides. Je recommande vivement d'emporter l'un ou l'autre de ces équipements, car l'ascension à mains nues risque d'être inconfortable.

J'ai progressé en effectuant de courts lacets, recherchant les prises les plus sûres dans ce terrain accidenté. Il n'y avait ni sentier ni cairns pour me guider, juste l'instinct et l'expérience qui me permettaient de choisir la voie la moins exposée. Le couloir devenait de plus en plus raide à mesure que je gagnais en altitude, et les photos que j'ai prises ne rendent pas justice à la véritable inclinaison de la pente. J'estime que la pente moyenne devait avoisiner les 60 degrés! Heureusement, le terrain offrait en général des marches naturelles qui facilitaient la progression, mais il fallait rester vigilant et ne pas se laisser surprendre par un faux pas. À cause de tout cela, je recommande fortement d'entreprendre cette ascension uniquement par temps sec.

J'ai poursuivi mon ascension en traversée, de gauche à droite, visant le col situé au sud-est de la Cape au Moine. Ce col (sans nom ni côte sur les cartes topographiques) n'est pas forcément évident à repérer depuis le bas. Il se situe à droite des falaises rocheuses qui défendent l'arête sommitale.

Malgré le repérage effectué pendant l'ascension de La Pare et l'itinéraire que j'avais envisagé, j'ai dû naviguer à vue, zigzaguant pour trouver la pente la moins désagréable et la plus sûre. Cela dit, l'absence de sentier ajoutait une dimension d'aventure et d'exploration à cette ascension.

Pour rejoindre la large crête faitière, j'ai franchi quelques petits rochers par des pas d'escalade faciles (cotation I-II). J'ai privilégié cette option à la traversée de la pente herbeuse, jugée plus exposée. Cette ascension, avec ses passages techniques et son absence de sentier, mérite amplement la cotation T5 qui lui est attribuée.

Depuis la selle, l'ascension finale vers le sommet principal s'est déroulée sans difficulté majeure. J'ai suivi une sente discrète qui m'a conduit à la brèche séparant les deux pointes rocheuses sommitales. Le sommet principal, le plus élevé, se trouvait à droite (à l'ouest). En scrutant la paroi, j'ai repéré un câble métallique fixé à la roche, sécurisant une traversée aérienne sur une vire relativement large. J'ai poursuivi mon chemin sur le fil d'une arête herbeuse, également aérienne, mais techniquement facile.

Quelques pas plus loin, je me suis retrouvé au pied d'un nid d'aigle rocheux, dernier obstacle avant le sommet. Deux gros blocs de pierre m'ont permis de franchir la marche verticale et d'accéder à la dalle schisteuse inclinée qui menait au sommet. Le rocher, friable par endroits, nécessitait une certaine prudence, mais une corde fixe facilitait la progression.

Enfin, après un dernier effort, j'ai atteint la petite plateforme sommitale où trône un minuscule cairn, témoin discret du passage des randonneurs précédents. La vue depuis le sommet était similaire à celle de La Pare, mais l'ambiance aérienne et la proximité des falaises rocheuses ajoutaient une dimension spectaculaire au panorama. Les montagnes environnantes semblaient à portée de main, et le sentiment de liberté et d'accomplissement était immense.

Le nom évocateur de ce sommet, la Cape au Moine, fait référence à sa forme pointue qui rappelle le capuchon d'un moine. Cette silhouette particulière a inspiré une légende locale, qui raconte l'histoire d'un moine courageux et de sa métamorphose en l'un des plus beaux rochers de la région.

Selon cette légende, le religieux aurait sauvé la vie de deux jeunes bergers poursuivis par un loup féroce. En les cachant sous sa cape, il les aurait protégés des crocs acérés de la bête. Le loup, n'osant pas attaquer le moine, aurait attendu longtemps que les enfants sortent de leur cachette. Mais les bergers, profitant d'un passage secret sous la Cape au Moine, auraient réussi à s'échapper sans être repérés.

On dit que lors des nuits d'orage, lorsque le vent souffle avec force et que la pluie fouette les rochers, on peut encore entendre les hurlements du dernier des loups de la vallée, condamnés à errer éternellement sous la forme d'une pierre.

De la Cape au Moine à la Pointe du Vey

La région située au nord de l'arête reliant la Châtillon au Col d'Isenau fait partie de la réserve naturelle de la Pierreuse, la plus vaste de Suisse romande. Malheureusement, comme je l'ai déjà déploré, il n'existe pas de réglementation uniforme pour toutes les réserves naturelles. Sur le site de Pro Natura, propriétaire de cette réserve, je n'ai pas trouvé de règlement spécifique. Cependant, il est généralement interdit de quitter les sentiers balisés dans les réserves naturelles.

Le sommet de la Cape au Moine semble peu fréquenté, comme en témoignent les rares topos disponibles en ligne. Plusieurs d'entre eux empruntent un itinéraire passant à proximité du Gour, une petite étendue d'eau située dans la combe au nord du sommet. Soucieux de respecter la réglementation de la réserve et de ne pas emprunter un itinéraire potentiellement interdit, j'ai recherché une autre voie de descente. De plus, le pierrier qu'il aurait fallu franchir me paraissait peu engageant. Quant à l'idée de redescendre par le même chemin qu'à la montée, elle ne m'enthousiasmait guère, tant la pente était raide et exposée.

Heureusement, une autre possibilité s'offrait à moi: suivre l'arête sud-est en passant par P. 2321.

Deux énormes cairns, parfaitement visibles depuis la Cape au Moine, trônaient sur ce sommet, non nommé sur les cartes topographiques, mais appelé Pointe du Vey dans le guide du CAS. Le topo indique que "cette courte arête verticale n'est pas praticable directement". En effet, vue de la Cape au Moine, elle semblait bien verticale et ne donnait pas envie. La seule indication dans le livre était qu'il fallait "contourner l'arête par la droite par une zone gazonnée et un couloir". Voilà un topo bien succinct…

Avant de m'attaquer à cette arête, je suis d'abord redescendu de la Cape au Moine par le même itinéraire qu'à la montée. Après avoir franchi la vire sécurisée par le câble, j'ai eu une petite frayeur. Une petite grenouille, sans doute surprise par les vibrations de mes pas, a bondi juste devant moi, me faisant sursauter et manquant de me déséquilibrer. Sans autre incident, je suis revenu au col situé vers 2280 mètres d'altitude.

J'ai ensuite continué à suivre l'arête, contournant les blocs rocheux par le versant herbeux sud-ouest. Une étroite bande d'herbe horizontale au pied d'une paroi rocheuse m'a permis de passer sur la face sud, où la pente était encore plus raide. Bien que je ne souffre généralement pas de vertige, la forte déclivité m'a donné quelques sueurs froides. Une chute à cet endroit aurait été difficile à arrêter… J'ai traversé d'un faux plat montant cette pente herbeuse très exposée, mais heureusement le terrain offrait là aussi de bonnes prises naturelles pour les pieds. J'ai ainsi atteint le pied d'une nouvelle barre rocheuse que j'ai longée sur quelques dizaines de mètres. Là aussi, l'exposition était importante, mais la paroi offrait d'excellentes prises pour les mains.

J'ai ensuite remonté de droite à gauche, d'abord sur des gradins rocheux avec quelques pas d'escalade très faciles (cotation I), puis sur de larges vires schisteuses. Je me suis ainsi retrouvé à quelques mètres à l'ouest des deux cairns sommitaux, que j'ai rapidement atteints en serpentant sur la caillasse. L'ascension de la Pointe du Vey s'est avérée un peu plus exigeante que celle de la Cape au Moine, ce qui justifie la cotation T5+. Comme pour la Cape au Moine, il est préférable de l'entreprendre uniquement par temps sec, car les gradins herbeux seraient très dangereux s'ils étaient mouillés.

Le toponyme "Vey" dérive du patois "veye" et désigne l'endroit où les bergers devaient surveiller leurs vaches, en particulier en l'absence d'étable. Sur les très anciennes cartes topographiques, le lieu-dit "Vey" était indiqué à P. 2099, à l'extrémité de l'arête sud-sud-ouest de la Pointe du Vey. Le nom semble donc être monté au sommet, mais n'a jamais été officiellement reporté sur les cartes topographiques.

Le sommet offre un point de vue unique sur les deux pointes de la Cape au Moine et la brèche qui les sépare. C'est un spectacle saisissant, qui récompense amplement les efforts fournis pour atteindre ce promontoire aérien.

De la Pointe du Vey à La Chaux

Depuis le sommet de la Pointe du Vey, je me suis dirigé vers le nord-est en suivant l'arête, et j'ai rapidement atteint une brèche. Le guide du CAS cotait T4 l'itinéraire empruntant cette arête, ce qui me laissait présager une descente relativement aisée. Cependant, j'ai vite déchanté en découvrant la difficulté technique du franchissement de cette brèche. J'ai d'abord envisagé de passer par la droite, mais le terrain, instable et très exposé, m'en a dissuadé. La seule option restante était une cheminée herbeuse presque verticale, tout aussi exposée, mais offrant de bonnes prises grâce aux touffes d'herbe qui la tapissaient. J'ai grimpé avec précaution, m'agrippant fermement à la végétation et évitant de regarder en arrière. Ce passage délicat, bien plus exigeant que la cotation T4 annoncée, méritait à mon avis un bon T5.

Une deuxième courte montée, moins raide et exposée que la précédente, m'a conduit en haut d'une croupe herbeuse, marquant la fin des difficultés techniques. J'ai poursuivi ma route sur la crête, où la progression était aisée, même si certains passages pouvaient paraître impressionnants vus de loin.

Au cours de ma descente, j'ai aperçu plusieurs personnes dans la combe de l'Arpillette et sur le sommet de La Chaux. La partie sauvage et exigeante de la randonnée était bel et bien terminée, laissant place à un environnement plus fréquenté et à des sentiers plus accessibles.

J'ai suivi une sente de plus en plus marquée jusqu'au col (P. 2206), où j'ai retrouvé le sentier balisé qui monte en pente douce vers le vaste sommet herbeux de La Chaux. Ce toponyme, issu du vieux français "chaux" signifiant "lieu improductif", mais aussi du franco-provençal pluriel "chaux" qui signifie "montagne à sommet aplati", désigne dans les Préalpes et les Alpes un pâturage en montagne, au-dessus de la limite des forêts, ou un sommet engazonné, souvent d'accès difficile et à la végétation maigre.

L'ascension de La Chaux, après les défis techniques de la Cape au Moine et de la Pointe du Vey, s'est révélée être une promenade agréable et (presque) reposante. Le sommet, vaste et plat, offrait des vues panoramiques sur les montagnes environnantes. J'ai pris le temps de m'asseoir sur l'herbe douce, de respirer l'air pur et de savourer la beauté du paysage.

De La Chaux au Lac Retaud par Les Andérets

Les difficultés étaient désormais derrière moi, et il ne me restait plus qu'à parcourir la distance qui me séparait du point de départ. J'ai entamé la descente sur la crête est d'un pas rapide. Le sentier, bien tracé et facile à suivre, serpentait à travers les alpages.

Au fil de ma descente, j'ai croisé plusieurs randonneurs, certains solitaires, d'autres en petits groupes, et même des familles avec enfants.

Le sentier a rejoint le Col d'Isenau, puis j'ai continué à travers l'alpage des Andérets, où un autre troupeau de vaches paissait tranquillement. Le tintement de leurs cloches résonnait dans l'air, créant une mélodie apaisante qui accompagnait mes pas.

En contrebas du Col des Andérets, le sentier a rejoint la route d'alpage. La descente jusqu'au Chalet d'alpage d'Isenau alternait entre tronçons sur la route et passages à travers les prairies. Depuis Isenau, j'ai repris le même itinéraire qu'à l'aller pour retourner au point de départ, le Lac Retaud.