Accès

Accès en voiture

Emprunter d'abord l'autoroute A12 jusqu'à la sortie de Bulle, puis se diriger vers Charmey avant de continuer en direction de Jaun. De là, suivre la route principale jusqu'à Kappelboden. Dans ce petit hameau, une cinquantaine de mètres avant le giratoire, bifurquer à droite sur la Sattelbachstrasse. Cette route secondaire n'est signalée que par quelques panneaux discrets aux couleurs jaunes et brunes, mentionnant par exemple "Buvette Sattels" ou "Chalet du Soldat". La voie, étroite et sinueuse, serpente d'abord en sous-bois avant de traverser les pâturages et de conduire, après 4.5 km, au parking du Sattel, perché à 1420 mètres d'altitude. Cet espace, pouvant accueillir une cinquantaine de véhicules, se remplit très vite les week-ends ensoleillés; il est donc fortement conseillé d'arriver suffisamment tôt pour être certain d'y trouver une place libre.

Accès en transports publics

Le parking du Sattel n'est pas desservi par les transports publics, mais il existe une alternative intéressante: emprunter le télésiège de Jaun, le Gastlosen Express, pour entamer et terminer la boucle depuis Musersbergli/Mauzes Bergle, la station d'arrivée de l'installation.

Le départ des remontées mécaniques se trouve à environ cinq minutes de marche de l'arrêt de bus de Kappelboden, nommé "Jaun, Bergbahnen", qui constitue le terminus de la ligne reliant le village de Gruyères à celui de Jaun.

Consulter l'horaire en ligne des CFF pour trouver la meilleure correspondance, ainsi que le site Internet du Gastlosen Express (https://www.jaun-bergbahnen.ch/fr) pour connaître les horaires d'ouverture ainsi que l'état des installations.

Au pied des Gastlosen

Une bande de mouettes s'est mise à piailler à l'aube, me tirant du sommeil bien avant l'heure prévue. C'est ainsi que vers 7h30, je traversais déjà le village de Jaun au volant de ma voiture. J'avais opté pour cette région, car les prévisions météorologiques de la veille annonçaient des averses moins intenses ici, pendant la nuit, que sur les autres secteurs. La pluie aurait dû cesser au milieu de la nuit, mais au moment où je traversais le village, le ciel restait menaçant, et quelques gouttes venaient encore s'écraser sur le pare-brise.

Tandis que je remontais la route étroite et sinueuse vers le parking du Sattel, la vue sur les Gastlosen s'ouvrait peu à peu, comme un rideau qui se lève sur une scène impressionnante. Ce chaînon montagneux compte 61 sommets et s'étend sur près de 12 kilomètres. Son nom proviendrait d'un ancien dialecte suisse-alémanique: "Gast" signifie "hôte, visiteur" et "los" se traduit par "sans, dépourvu de". Gastlosen équivaudrait ainsi à "sans visiteur", suggérant un caractère inhospitalier de ces montagnes. Il suffit de contempler ces murailles rocheuses, hautes par endroits de près de 400 mètres, pour saisir immédiatement la pertinence d'un tel nom.

Arrivé sous le Gross Rüggli, je me suis arrêté pour immortaliser ces falaises imposantes. Depuis cet endroit, j'apercevais nettement le célèbre Grossmutterloch (ou "Trou de la Grand-Mère" dans la langue de Molière), une brèche naturelle qui traverse une falaise entre l'Oberbergpass et la Pfadflue. La légende locale raconte que le diable lui-même en serait l'auteur. Un jour, une violente dispute l'aurait opposé à sa grand-mère. Furieux, il l'aurait projetée contre la paroi, y perçant ainsi ce trou béant.

Entre fin octobre et février, il arrive que, pendant une courte demi-heure, le soleil traverse la brèche telle une boule de feu, et illumine les alentours d'une lumière magique. Mais en ce jour-là, loin de l'automne et de l'hiver, le soleil jouait à cache-cache avec les nuages; je n'avais donc aucune chance d'admirer ce spectacle extraordinaire. Sans plus tarder, j'ai poursuivi ma route jusqu'au parking du Sattel, impatient de commencer l'ascension.

Du Sattel aux alpages de Musersbergli dans la brume

Le sac sur les épaules, j'ai emprunté la route carrossable, interdite à la circulation et fermée par une barrière, en direction du Chalet du Soldat ("Soldatenhaus" sur les panneaux du tourisme pédestre). Quelques centaines de mètres plus loin, au croisement, j'ai pris à gauche, toujours vers Musersbergli.

La piste s'élevait avec régularité à travers la forêt de Stillwasser, réputée pour sa diversité végétale. Ce sanctuaire de verdure, composé majoritairement de conifères, offrait un décor dense, imprégné d'une odeur résineuse apaisante.

À la sortie de la forêt, le sentier a poursuivi sa douce ascension au milieu des alpages verdoyants de Musersbergli (orthographié "Mauzes Bergle" sur les cartes les plus récentes). Les vaches paissaient tranquillement, levant parfois un œil curieux vers le randonneur solitaire qui osait braver le brouillard. La couverture nuageuse avait du mal à se dissiper: le soleil parvenait certes à percer par moments et à baigner l'alpage d'une lumière éphémère, mais, presque aussitôt, un souffle de vent ramenait les brumes dans un ballet incessant. Malheureusement, je n'ai pas pu apercevoir le Hochmatt ou le Gros Brun. Même les imposantes falaises des Gastlosen finissaient par s'évanouir par moments derrière ce voile changeant.

Au loin, le grondement caractéristique des remontées mécaniques du Gastlosen Express se faisait entendre par intermittence: le personnel effectuait visiblement la mise en marche et les vérifications matinales, en prévision de l'ouverture fixée à neuf heures.

Festin de baies sauvages en chemin vers Grat

À la hauteur de l'arrivée des remontées mécaniques, un panneau de randonnée m'a indiqué ma prochaine étape: Grat. Le sentier commençait par une descente à travers la forêt. Dans ce premier tronçon, la végétation était assez éparse, et les abords du chemin regorgeaient de baies sauvages: fraises, framboises et myrtilles. Un grand nombre d'entre elles étaient déjà parfaitement mûres. Comme je disposais d'environ une demi-heure d'avance sur les premiers randonneurs susceptibles d'arriver avec le Gastlosen Express, je n'ai pas hésité à m'accorder un petit festin gourmand improvisé.

En raison de la pluie qui était tombée pendant la nuit, le sentier était légèrement gras et glissant, surtout sur les blocs rocheux rendus lisses par le passage répété des marcheurs.

Par la suite, le chemin s'est enfoncé dans une forêt dominée par les conifères et a continué sa descente jusqu'à un embranchement de sentiers situé vers 1455 mètres d'altitude. C'était fini pour la mise en jambes, place aux choses sérieuses: la pente s'est redressée. Rien de vraiment technique, mais certaines marches exigeaient tout de même soit de longues jambes, soit de s'aider un peu des mains. La principale difficulté résidait toujours dans l'état détrempé et parfois délicat du sol. Du point de vue technique, aucun obstacle majeur ne s'est présenté: l'itinéraire reliant le Sattel à Grat ne dépassait pas la cotation T2.

Aux alentours de 1580 mètres, le chemin a quitté la forêt pour s'élever sur un alpage. Un soleil de plus en plus présent parvenait à percer les nuages et à réchauffer l'atmosphère. Au milieu des pentes herbeuses, j'ai croisé une famille de randonneurs: les seuls visages que j'aie aperçus de toute la matinée. C'était un jour de semaine, et le temps n'était pas encore totalement dégagé; j'imagine qu'un jour d'été bien ensoleillé, et surtout le week-end, la fréquentation est bien plus importante.

Rapidement, j'ai atteint le Chalet Grat. J'ai aperçu une lumière discrète derrière les vitres, mais à l'extérieur, la terrasse déserte et les parasols repliés semblaient indiquer que l'heure d'ouverture n'était pas encore arrivée. Quoi qu'il en soit, il était bien trop tôt pour que j'envisage déjà une pause…

Ascension de la Gratflue

J'ai contourné le chalet par la gauche et franchi un portail pour entamer l'ascension en direction de la Gratflue. Aucun panneau de randonnée n'indiquait le sommet, mais, à ma grande surprise, le chemin était balisé en blanc–rouge–blanc. Or, sur SwissTopo, cette signalisation n'apparaissait pas. J'ai ressenti une légère déception: je m'étais imaginé arpenter un vieux sentier discret, presque oublié, alors que je découvrais un tracé en parfait état et soigneusement balisé.

Très vite, la pente s'est faite plus raide et chaque pas demandait plus d'effort, mais le chemin n'en restait pas moins très agréable à suivre. Par moments, des trouées dans la couverture nuageuse laissaient filtrer des rayons de soleil, et offraient même quelques panoramas furtifs vers l'Oberenegg, sans aller au-delà. C'était néanmoins déjà une petite récompense bienvenue.

Vers 1830 mètres d'altitude environ, un petit replat s'est dessiné. Sur la droite se dressait P. 1871. Le sentier contournait alors cette éminence. Son ascension ne semblait pas très technique, mais j'ai tout de même préféré faire l'impasse.

Passé ce point, la pente s'est adoucie, mais les difficultés ont changé de nature: le parcours comportait plusieurs passages légèrement aériens, susceptibles de donner quelques sueurs froides aux personnes sujettes au vertige. Quelques courts tronçons étaient d'ailleurs sécurisés par des cordes fixes. Ces sections exposées justifiaient pleinement la cotation T3 attribuée à l'ascension.

Puis, au détour d'une nouvelle épaule herbeuse, une croix en bois est apparue, dressée sur la crête, un peu en hauteur, sur la droite. Quelques minutes m'ont suffi pour l'atteindre. Toutefois, cette cime où trônait la croix ne correspondait pas au point culminant officiel, tel que documenté dans les topos du CAS. D'après ces sources, la véritable Gratflue est P. 1936 et se situe à une centaine de mètres plus au sud-sud-est. Mais, force est de constater que l'endroit choisi pour l'ériger, relativement plat, était idéal. Une jolie table en bois invitait même à la pause. De là-haut, le spectacle était absolument à couper le souffle. En contrebas, le village de Jaun s'étalait, minuscule, tandis qu'au loin se découpaient les silhouettes du Gros Brun, du Chörblispitz et du Schafberg. Au sud-ouest, le regard se perdait sur le groupe chaotique des Chemigüpfe (neuf pointes sans nom ni cote sur la carte), puis sur les Marchzähne, et enfin sur une grande partie de l'impressionnante collection des 61 sommets de la chaîne des Gastlosen.

De la Gratflue au Col des Moutons sur les traces des grimpeurs

Depuis la croix de la Gratflue, une sente bien marquée descendait de quelques mètres le long de l'arête en direction du sud-ouest, puis remontait pour gagner les abords du véritable sommet de la Gratflue. D'après la carte, le chemin devait disparaître à cet endroit. En effet, l'itinéraire se perdait ensuite dans un vaste champ de lapiaz. Quelques marques de peinture blanche sur des blocs indiquaient la voie la moins pénible. J'ai cependant eu l'impression qu'elles avaient été faites surtout pour guider une traversée dans le sens opposé, probablement comme itinéraire de descente pour les grimpeurs ayant escaladé des parois dans les environs. Comme je me dirigeais du nord au sud, ces marques blanches n'étaient pas toujours évidentes à repérer. Cela ne m'a pourtant pas posé de véritable problème: de l'autre côté du lapiaz, je distinguais nettement une sente qui traversait le flanc herbeux.

Quelques dizaines de mètres après avoir retrouvé le sentier, je suis arrivé à un petit collet herbeux. J'en ai déduit qu'il devait s'agir du Col des Moutons. Le lieu n'est ni nommé ni coté sur la carte, mais l'altitude (environ 1920 mètres) et la proximité avec la Gratflue (cinq minutes à peine depuis P. 1936) confirmaient presque à coup sûr mon hypothèse.

Traversée vers le Col de la Glattewandspitze

Sur ma gauche, un couloir herbeux dévalait vers l'est-nord-est. Il s'agissait sans doute de l'itinéraire de descente recommandé dans le topo du CAS pour rejoindre le tour des Gastlosen, mais mon intention était de poursuivre par la variante qui serpente au pied des falaises. J'ai donc suivi la sente, à peine visible, qui avançait en faux plat. Après avoir franchi une épaule verdoyante, je me suis retrouvé face à une pente herbeuse plus raide, qui s'engouffrait dans un couloir caillouteux encore plus abrupt.

Ce couloir était occupé par une harde de chamois. Nous nous sommes surpris mutuellement: eux, immobilisés un instant dans leur élégance sauvage; moi, subjugué par l'intensité de leurs regards. Je me suis arrêté pour ne pas les effrayer davantage, mais en une fraction de seconde, ils se sont élancés dans la pente, avec une légèreté déconcertante. En un éclair, ils se sont éclipsés dans une partie du couloir hors de ma vue. Il ne me restait alors que l'écho de leur fuite: des pierres qui dégringolaient et ricochaient contre la roche, produisant une succession de petits coups de tonnerre brefs et secs. Je les ai imaginés bondissant avec assurance dans ces pentes hostiles, tout en redoutant qu'ils ne se blessent. Puis je me suis souvenu de leur incroyable agilité: ici, ils étaient chez eux, et mes inquiétudes étaient probablement infondées.

J'ai ensuite repris la montée vers le sud-ouest, suivant une sente de plus en plus discrète, jusqu'à parvenir sur la crête. Une brèche étroite, coincée entre deux blocs massifs, m'a permis de basculer dans le versant occidental des Gastlosen.

À partir de là, un chemin aérien se déployait en faux plat descendant. Par endroits, il se divisait: l'une des branches montait vers la crête, l'autre se maintenait à flanc. J'ai tenté, à deux reprises, de rejoindre l'arête, mais chaque tentative m'a obligé à rebrousser chemin: la progression sur la crête s'avérait beaucoup trop exposée et technique.

Jusque-là, le parcours aurait peut-être pu être envisageable pour des marcheurs peu à l'aise avec le vide, mais la suite s'annonçait plus engageante. Le sentier s'engageait dans une descente raide, composée de terre détrempée, de blocs et de graviers rendus glissants par la pluie de la veille. J'ai dû m'aider deux fois des mains pour franchir de petits ressauts. J'ai ensuite traversé une pente herbeuse, puis grimpé entre de gros blocs. Ce court crapahutage, plus ludique que difficile, m'a conduit jusqu'à la crête, face à la Glattewandspitze (sans nom ni cote sur la carte).

Ce sommet porte un nom très évocateur: "glatt", en allemand, signifie "lisse", "Wand" veut dire "paroi" et "Spitze" se traduit par "pointe" ou "sommet". "Glattewandspitze" signifie donc littéralement "le sommet de la paroi lisse". La grande muraille rocheuse qui mérite ce nom plonge vers l'est-sud-est, restant invisible depuis ma position, mais dont la simple évocation inspire le respect.

Traversée hors sentiers vers le Col de l'Oberberg

Avant de repartir, j'ai pris le temps de m'hydrater tout en contemplant les imposantes falaises, que j'allais devoir contourner par le versant ouest. Depuis le Col de la Glattewandspitze (sans nom ni cote sur la carte), situé au pied du sommet homonyme, j'ai entamé la descente d'un couloir herbeux, signalé par un cairn. La vague trace qui m'avait guidé jusque-là a alors disparu. Très vite, l'herbe a laissé place à un terrain plus caillouteux et instable. J'ai dévalé ce couloir jusqu'à environ 1840 mètres d'altitude, là où les barres rocheuses s'interrompaient, laissant place à un relief un peu plus accueillant.

J'ai ensuite entamé la "longue" traversée à flanc de coteau sur des pentes principalement herbeuses. Par endroits, j'ai suivi des sentes éphémères, vraisemblablement tracées par le passage d'animaux sauvages. J'ai tenté de perdre le moins d'altitude possible, mais, face à l'absence de véritable sentier et compte tenu de la nature du terrain, j'ai alterné courtes montées et courtes descentes. Je suis toutefois toujours resté au-dessus de 1800 mètres. Les herbes hautes, encore gorgées d'eau, m'ont trempé le pantalon jusqu'aux genoux. L'eau a même réussi à s'infiltrer à l'intérieur de mes chaussures. J'aurais vraiment dû emporter des guêtres… Malgré tout, et en dépit de l'inconfort, ma progression s'est poursuivie dans un décor absolument splendide.

J'ai continué à longer la base des falaises, puis, quelque part entre le sommet principal des Marchzähne et l'Eggturm, j'ai fini par retrouver un sentier bien tracé. Bien qu'absent de la carte topographique, il semblait néanmoins fréquenté, probablement par les grimpeurs qui l'utilisent pour accéder aux voies d'escalade.

Au loin, j'ai perçu des voix. En remontant le chemin, je suis tombé sur un groupe de grimpeurs qui s'adonnaient à leur passion sur la paroi de l'Eggturm. Après un bref échange, j'ai continué à suivre la sente qui serpentait entre de gros blocs, pour finalement aboutir légèrement en contrebas du Col de l'Oberberg ("Oberbergpass" sur la carte).

La traversée entre la Gratflue et le Col de l'Oberberg se déroule intégralement hors des sentiers battus. Le terrain s'est avéré par endroits raide et accidenté, nécessitant quelques passages d'escalade facile (I), ainsi que de courts passages exposés. L'ensemble de cette section mérite amplement la cotation T4.

Sous les Sattelspitzen: de l'Oberbergpass au Wolfs Ort

Mon prochain objectif était de contourner les Sattelspitzen, c'est-à-dire l'ensemble des pointes situées entre le Col de l'Oberberg et le Col du Loup. Elles comprennent, entre autres, la Roche Percée, la Pfadflue, la Hangflue, le Gross Turm, la Rudigenspitze et la Bireflue.

Connaissant déjà l'Oberbergpass pour l'avoir visité à plusieurs reprises, j'ai choisi de ne pas faire le court aller-retour jusqu'au col. J'ai donc emprunté le sentier descendant vers le sud-ouest, indiqué sur la carte. Quelques vestiges d'un balisage blanc–rouge–blanc, délavés par le temps, aidaient à se maintenir sur la bonne trace et à éviter les sentes menant aux sites d'escalade.

Sans rencontrer de difficulté particulière, j'ai rejoint une bifurcation au pied de la Pfadflue. Le chemin de droite descendait vers le Sattel, tandis que celui de gauche se dirigeait vers le Chalet du Soldat. Sur un bloc rocheux, une inscription peinte portait encore l'ancien nom, "Chalet du Régiment", malgré le changement officiel d'appellation qui date de 1952…

Après une courte montée, le sentier a longé la base du grand éperon rocheux des Petites Sattelspitzen, qui regroupent les différents sommets entre la Pfadflue et la brèche de la Hangflue (sans nom sur la carte, située environ cinquante mètres au nord-est du Gross Turm). Le chemin, bien marqué, était envahi par des herbes hautes qui retombaient sur le passage. Toujours aussi trempées, elles ont achevé de mouiller mon pantalon. Par moments, la tentation d'abandonner et de retourner au véhicule a failli l'emporter sur mon envie de poursuivre jusqu'à la Wandflue. Heureusement, une force intérieure m'a poussé à continuer, comme si je pressentais que, une fois le sommet atteint, je serais pleinement récompensé.

Au pied de la Hangflue, le sentier s'écartait de la base des falaises pour s'engager en faux plat descendant vers l'ouest-sud-ouest. La météo changeait constamment: par moments, le Chalet du Soldat et le massif du Hochmatt apparaissaient distinctement, puis, en un instant, le brouillard obstruait toute visibilité au-delà d'une centaine de mètres.

Au fur et à mesure que j'approchais du Chalet du Soldat, des marques de peinture bleue ont remplacé l'ancien balisage blanc–rouge–blanc, devenu de plus en plus discret. Elles indiquaient l'itinéraire le plus aisé pour se faufiler entre les gros blocs. Pour franchir certains d'entre eux, j'ai dû m'aider des mains, mais dans l'ensemble, la descente restait classable en T3.

C'est ainsi que j'ai rejoint le sentier balisé reliant le Col du Loup ("Wolfs Ort" sur la carte) et le Chalet du Soldat, à environ une centaine de mètres au sud-est de ce dernier. Bien que nous fussions un jour de semaine, une certaine affluence était déjà présente, ce qui n'a rien d'étonnant en été.

J'ai repris l'ascension en direction du sud, en suivant le sentier balisé. Par moments, le brouillard s'épaississait et la visibilité tombait à quelques dizaines de mètres. Régulièrement, le son des voix d'autres marcheurs me parvenait, sans que je puisse en distinguer la source avant le dernier moment. Puis soudain, un coup de vent balayait tout et dévoilait de magnifiques panoramas sur la vallée du Petit Mont et le massif du Hochmatt.

Le sentier conduisant au Col du Loup était facile dans sa première partie, mais un chouia plus exigeant dans la seconde. Il m'a fallu d'abord franchir un couloir raide, où une chaîne avait été installée pour faciliter tant l'ascension que la descente. Il fallait néanmoins rester vigilant face au risque de chutes de pierres déclenchées par des randonneurs situés en amont. Plus loin, une succession de courtes montées et descentes sur l'arête même (ou à proximité immédiate) demandait à nouveau un peu de concentration, surtout avec le sol humide. Finalement, une ultime descente, facile, m'a amené au Col du Loup, indiqué par un poteau de randonnée.

Ascension de la Wandflue

Le soleil luttait pour percer la couche nuageuse, mais celle-ci n'avait pas dit son dernier mot. Une fois de plus, j'ai hésité à poursuivre: ma seule motivation était le panorama promis depuis le sommet, et je redoutais que la météo ne gâche le spectacle. Une brève éclaircie m'a cependant redonné un peu d'espoir.

Au Wolfs Ort, les panneaux fixés au poteau indiquaient trois directions: Soldatenhaus (Chalet du Soldat en français), qui était le chemin par lequel j'étais arrivé, Abländschen sur la gauche, et Im Fang sur la droite. Une sente bien marquée, mais non balisée, filait le long de l'arête en direction du sud-ouest. C'était bien celle qu'il fallait suivre pour gagner le sommet de la Wandflue. En réalité, depuis le col, plusieurs chemins plus ou moins visibles partaient dans cette direction. Ils finissaient par se rejoindre un peu plus loin, après avoir contourné une butte herbeuse.

Un sentier, non balisé mais indiqué sur la carte, longeait ensuite la crête. Celle-ci offrait généralement une largeur plus que confortable, et le chemin, agréable, ne présentait aucune difficulté technique majeure. Peu à peu, les pentes herbeuses ont cédé leur place à un terrain plus rocheux.

En montant, j'ai croisé un randonneur qui descendait. Après l'avoir salué, je lui ai demandé s'il avait pu profiter de la vue depuis le sommet. Il m'a répondu que les éclaircies étaient aléatoires et qu'il fallait simplement faire preuve de patience. Je l'ai remercié et, ragaillardi, j'ai repris mon ascension d'un pas vif. Puis, soudain, j'ai eu l'impression de percer la canopée de coton: le soleil brillait, illuminant la crête d'un éclat doré et faisant scintiller l'immense mer de nuages qui s'étendait en contrebas.

Pour accéder à la crête sommitale, j'ai dû franchir un couloir relativement raide, de rochers parfois instables. Il s'agissait de la principale difficulté de l'ascension. Quelques pas plus haut, le dôme sommital est apparu. La crête s'est alors rétrécie, devenant par endroits plus aérienne, mais sans réelle difficulté technique. Cette partie finale justifie néanmoins la cotation T3 attribuée à cette ascension.

La croix sommitale n'est apparue qu'au dernier moment, et je l'ai atteinte après une ultime traversée, elle aussi légèrement aérienne.

Les nuages n'avaient pas totalement disparu, mais j'ai malgré tout été récompensé par un panorama exceptionnel à 360 degrés, mêlant la douceur préalpine et la majesté des hautes montagnes. Le contraste entre les falaises blanches des Gastlosen et les verts intenses des pâturages était frappant. Au nord-est se dressaient, impressionnantes, les parois abruptes des Grossen Sattelspitzen. Au nord-ouest, le Hochmatt dominait l'horizon. Au sud-ouest, la chaîne des Gastlosen s'étirait en direction de la Dent de Ruth et de la Dent de Savigny, tandis que le massif du Vanil Noir se dessinait en arrière-plan. Au sud et à l'est, je pouvais admirer une vaste palette de sommets des Alpes bernoises et valaisannes.

Je me suis assis, j'ai retiré mes chaussures afin de les laisser sécher un peu, puis j'ai pris mon repas face à ce spectacle changeant, rythmé par le vent qui balayait les nuages. Bien que la Wandflue soit considérée comme le sommet le plus fréquenté de la chaîne des Gastlosen selon certains topos, je n'y ai croisé que trois personnes durant l'ascension. Et pendant ma pause d'environ quarante-cinq minutes au sommet, ma seule compagnie fut un choucas particulièrement curieux.

Retour à Sattel

Une fois reposé et le repas terminé, je suis redescendu au Col du Loup, puis j'ai entamé le retour vers le Chalet du Soldat par le même itinéraire qu'à la montée. Les nuages s'étaient désormais en grande partie dissipés, et le paysage s'était métamorphosé en l'espace de quelques heures. Arrivé à la hauteur du refuge, j'ai enfin pu admirer dans leur totalité les majestueuses Sattelspitzen qui le surplombent de près de 400 mètres.

Malheureusement, il ne restait plus de place sur la terrasse du Chalet du Soldat. J'ai donc poursuivi la descente vers le Sattel sans m'attarder, en empruntant le sentier pédestre qui longeait la route carrossable.

Tandis que je regagnais le parking, le contraste avec le matin était frappant: à mon arrivée, seuls trois véhicules étaient garés; désormais, il affichait complet, et de nouvelles voitures ne cessaient d'affluer, bien que l'après-midi fût déjà bien entamé. Avant de reprendre la route au volant de mon véhicule, j'ai jeté un dernier regard vers les falaises des "inhospitalières", tentant de visualiser le parcours accompli entre la Gratflue et l'Oberbergpass, un itinéraire à la fois sauvage et magnifique malgré le brouillard et l'humidité.