Accès
Accès en voiture
Depuis Lausanne, emprunter l'autoroute A9 jusqu'à la sortie Martigny-Fully. Depuis Sion, prendre la sortie Saxon-Fully. Poursuivre en direction de Fully. Une fois dans le village, suivre la route cantonale qui longe le canal, puis s'engager sur la Route du Chavalard en direction de "Planuit, Chiboz et Buitonnaz". Passer par les hameaux d'Euloz et de Buitonnaz/Buitonne.
À partir de là, la route menant à Chiboz devient plus étroite et présente des passages particulièrement pentus. Au-delà de ce hameau, l'asphalte cède la place à une piste carrossable en bon état, rendant les croisements plus délicats en raison du nombre limité d'aires de dépassement.
Poursuivre jusqu'à l'Alpage de Randonne. À l'intersection, prendre à gauche. Se diriger jusqu'au parking gratuit de l'Érié, situé au bout de la route. Ce dernier, malgré sa capacité importante, se remplit rapidement les week-ends d'été et au début de l'automne.
Accès en transports publics
Les week-ends d'été, de début juillet à fin août, une navette assure la liaison entre le parking de la Belle Usine de Fully et celui de l'Érié. Une inscription préalable est requise jusqu'au vendredi à 17 heures. L'ensemble des informations (dates, horaires, tarifs, réservation) est consultable sur le site web de Fully Tourisme (https://fullytourisme.ch/fr/navettes-vers-les-hauts-de-fully).
Fully est également accessible par cars postaux sur la ligne Martigny – Sion. Descendre à l'arrêt "Fully, Creppier". Le parking de la Belle Usine se trouve à 10 à 15 minutes de marche.
En dehors de la période estivale, l'accès au parking de l'Erié en transports publics n'est pas possible. Pour les personnes non motorisées, une alternative consiste à rejoindre Ovronnaz en bus, puis à emprunter le télésiège de Jorasse. Tous les renseignements (horaires, tarifs) concernant les remontées mécaniques sont disponibles sur le site web d'Ovronnaz-Tourisme (https://www.ovronnaz.ch/telesiege/horaires-tarifs/).
Depuis la station supérieure du télésiège de Jorasse, suivre les panneaux du tourisme pédestre jusqu'au Parc à Modzons en empruntant le chemin passant par Lui d'Août. Pour le retour, depuis l'Erié, rejoindre Lui d'Août, puis reprendre le même itinéraire qu'à l'aller jusqu'à Jorasse. Cette option prolonge la randonnée d'environ 1 h 30 de marche.
Pour trouver la meilleure correspondance, consulter l'horaire en ligne des CFF.
De L'Erié au Parc à Modzons
En ce vendredi matin de début novembre, vers 8 h 30, j'ai découvert avec étonnement plusieurs dizaines de voitures déjà stationnées au parking de l'Érié. Ce n'est qu'ultérieurement, au sommet du Grand Chavalard, à la vue de deux adolescentes, que je me suis rappelé que nous étions la Toussaint, jour férié en Valais. Cette situation m'a rappelé combien les spécificités régionales des jours fériés peuvent nous échapper.
Le sentier qui fait le tour du Grand Chavalard, tout comme celui qui suit sont arête sud-sud-ouest, connaissent une forte affluence, particulièrement les week-ends et les jours fériés. Je souhaitais gravir cette imposante pyramide qui domine le coude du Rhône, et encore absente de mon palmarès, en évitant autant que possible la foule. Mon idée était de commencer par visiter le Grand et le Petit Châteaux, pour ensuite rejoindre l'arête nord du Grand Chavalard et terminer par la traversée nord-sud "classique". Un itinéraire certes ambitieux, mais qui laissait présager de superbes panoramas!
En dépit d'une préparation théorique minutieuse, des interrogations subsistaient quant à certaines portions de l'itinéraire envisagé. Heureusement, le début du parcours, qui suivait le chemin du tour du Grand Chavalard, ne posait aucun problème.
Du parking de l'Erié, dont l'orthographe officielle est devenue Lérié sur les cartes topographiques depuis 2016, j'ai descendu la route carrossable sur environ 250 mètres. Ce toponyme provient de "Les Riés", qui lui-même dérive du latin médiéval "riga" signifiant "parcelle labourée". Cette dénomination semble bien convenir au replat herbeux avec alpage situé en contrebas du parking.
Juste après le premier virage en épingle, à P. 1852, je me suis engagé sur le sentier balisé vers Lui d'Août. Le chemin s'élevait en pente douce, rendant la progression très agréable. Le soleil, déjà haut, illuminait le versant oriental de l'Aiguille. La forêt, dominée par les mélèzes, arborait déjà ses teintes automnales, entre le jaune et le rouge en passant par le brun. C'était un véritable feu d'artifice de couleurs! Ces jeux de lumière sublimaient les mélèzes, créant une atmosphère féerique. Je n'ai pas pu m'empêcher de m'arrêter tous les trois pas pour immortaliser ces superbes paysages dont la beauté me fascine toujours autant.
En ce début novembre, les températures demeuraient exceptionnellement élevées pour la saison, phénomène malheureusement de plus en plus courant, comme l'attestent les nombreux records enregistrés ces dernières années. Le radiosondage de MétéoSuisse a d'ailleurs enregistré ce jour-là un nouveau record absolu de l'isotherme du 0 degré pour un mois de novembre: 4283 mètres! Une preuve supplémentaire du dérèglement climatique… La chaleur m'obligeait à rester en chemise à manches courtes et la transpiration était abondante. Je me suis même demandé si j'avais emporté suffisamment d'eau…
J'ai continué l'ascension douce et agréable entre les imposantes parois rocheuses. Mon plan initial prévoyait de rejoindre Lui d'Août puis le Parc à Modzons par le sentier pédestre, mais au-delà de ces falaises, la pente herbeuse sur ma gauche offrait une alternative plus directe, rapide et sauvage. L'appel de l'aventure était trop fort!
Vers 1930 mètres d'altitude, j'ai ainsi abandonné le chemin balisé pour gravir la pente herbeuse vers le nord-ouest. Quelques instants plus tard, j'ai aperçu, plus haut, peintes sur un rocher, des traces de balisage du sentier faisant le tour du Grand Château. Cette variante s'avérait encore plus simple et facile qu'imaginée!
J'ai progressé d'un bon pas sur les pentes herbeuses tout en contournant les îlots rocheux jusqu'à rejoindre le sentier vers le pied oriental de La Tête, un monticule au sud-est du Grand Château. Le toponyme "Tête" ou "Tita" (en patois) désigne un "sommet". Habituellement accompagné d'un nom de personne, d'animal, de lieu ou d'un adjectif, il apparaît ici exceptionnellement dans sa forme simple.
J'ai ensuite suivi le sentier en direction nord-est, mais je l'ai délaissé quelques dizaines de mètres plus loin pour bifurquer vers le nord-ouest. Soudain, en arrivant en haut d'une butte herbeuse, le chalet du Parc à Modzons est apparu au nord. Le terme patois Modzons désigne le génisson, c'est-à-dire le jeune bétail de deux ans. Cet alpage accueillait autrefois le jeune bétail de Saillon. De nos jours, le pâturage semble abandonné, et le chalet est apparemment désormais occupé par des jeunes de Saillon. Une jolie reconversion qui lui redonne vie!
Du Parc à Modzons à P. 2374 (le mauvais Petit Château)
Le Grand Château se distingue par une longue paroi nord-nord-ouest, formant une impressionnante muraille grise verticale surplombant le pâturage d'Euloi. À environ 150 mètres au sud-est de cette imposante structure, un second versant, plus accessible, s'étend parallèlement.
Pour gravir ce large sommet par l'ouest, le livre du CAS recommande d'accéder à la combe nord-est qui pénètre dans le Grand Château, entre la paroi nord-nord-ouest et le versant sud-sud-est. La suite de l'itinéraire consiste à remonter cette combe pour atteindre la plateforme sommitale, soit par la pente herbeuse et rocheuse à droite, soit par un étroit couloir rocheux à gauche.
Cependant, l'étude de la carte topographique et des images satellitaires me laissait entrevoir une alternative plus séduisante: la crête nord-nord-est méridionale, qui paraissait offrir un itinéraire panoramique et ensoleillé. Malheureusement, je n'avais déniché aucune trace de description d'un tel itinéraire, ce qui laissait planer le doute sur sa faisabilité. Peu importe! Animé par l'esprit d'aventure, j'ai décidé de me lancer et d'improviser le cas échéant. Depuis le Parc à Modzons, j'ai progressé en maintenant le cap au nord-nord-est jusqu'à un replat vers 2130 mètres d'altitude. Le paysage s'est alors dévoilé, révélant la Seya, sommet aux formes douces et herbeuses relié au Grand Garde par une belle arête. Les imposantes parois rocheuses du Haut de Cry dominaient le panorama en toile de fond.
J'ai poursuivi mon exploration vers le nord-ouest, à travers Lui Profonde. Ce lieu au nom énigmatique désigne une pente abrupte, et recèle une origine fascinante. "Lui" provient du gaulois "loke", signifiant "pente lisse". Les cartes du milieu du XXe siècle mentionnaient "Lui Provonde", "Prévond" étant une forme patoise de "profond". Lui Profonde fait donc référence à la "pente du pré profond", vaste étendue herbeuse s'étendant entre l'alpage de Lui d'Août et P. 2374. L'utilisation de l'adjectif "profond" pourrait s'expliquer par la hauteur considérable de la pente, dépassant les 400 mètres. Cette interprétation reste toutefois une hypothèse personnelle, non confirmée par des sources.
Vers 2200 mètres d'altitude, toujours en maintenant le cap au nord-ouest, j'ai effectué une large "S" entre les barres rocheuses. Le cheminement était évident, l'herbe dessinant un passage entre les blocs.
J'ai ensuite poursuivi mon ascension vers l'ouest, sur une large épaule où l'herbe dominait. Dans quelques passages ombragés, j'ai remarqué la présence de givre, signe discret que l'automne était tout de même là malgré la douceur ambiante.
Au fil de la progression, le panorama sur Euloi et la Dent de Favre s'élargissait, devenant toujours plus spectaculaire. J'ai finalement atteint le premier sommet de la journée, P. 2374, sans obstacle majeur.
Il est intéressant de noter que cette cime figurait sous le nom de Petit Château sur les cartes Siegfried, qui ont été utilisées jusqu'au milieu du XXe siècle. Par un étrange revirement, cette appellation a été transférée à un autre sommet, situé à environ 1250 mètres à vol d'oiseau à l'ouest-sud-ouest, sur les cartes topographiques plus récentes, laissant ce sommet sans nom officiel. De tels changements toponymiques ont d'ailleurs caractérisé plusieurs sommets de la région au fil des éditions des cartes topographiques. Mes trouvailles ont été si étonnantes que je leur ai consacré une section entière plus loin…
Cette première ascension s'est révélée relativement aisée. Les principales difficultés ont concerné l'orientation hors sentier et la progression sur des pentes herbeuses raides, sans pour autant être vraiment exposées. J'estime la cotation de cette première partie à T3+.
De P. 2374 au Grand Château
La suite de l'arête ne paraissait pas présenter de difficultés techniques majeures, hormis peut-être une courte section rocheuse qui donnait accès au plateau sommital du Grand Château. "Qui ne tente rien n'a rien", me suis-je dit, d'autant plus que cette section n'était qu'à quelques centaines de mètres.
J'ai donc suivi la crête herbeuse en admirant les beaux paysages. Dans les airs, plusieurs chocards à bec jaune, souvent appelés à tort "choucas" par les montagnards, se livraient à leurs acrobaties aériennes habituelles: plongeons dans le vide, vols planés dans les courants d'air, frôlant les parois rocheuses. Un majestueux grand rapace est même apparu dans mon champ de vision. Était-ce un gypaète barbu? Bien que plusieurs spécimens vivent dans la région, la distance m'a empêché de l'identifier clairement.
Pendant que je progressais, je me suis félicité d'avoir choisi cet itinéraire plutôt que la combe nord-est, comme préconisé dans le livre du CAS. Depuis ma position, les éboulis dans ce vallon semblaient instables, et l'accès au plateau sommital, que ce soit par la pente à droite ou par l'étroit couloir à gauche, me paraissait bien plus technique que ce qui était décrit dans le livre.
Après une dizaine de minutes, je me suis retrouvé face au petit ressaut rocheux qui m'avait inquiété. Contre toute attente, le passage n'était ni particulièrement pentu ni exposé, contrairement à son apparence de loin. J'ai aussi découvert que des piquets métalliques avaient été installés de part et d'autre de l'arête. Malgré l'instabilité de certains et l'absence de corde les reliant, j'ai supposé qu'ils servaient sans doute à sécuriser le passage pour les skieurs et skieuses en hiver.
Le passage était un peu aérien, mais restait techniquement facile (T3- tout au plus). Une dernière pente herbeuse, courte et relativement douce, m'a permis d'accéder à l'immense plateau sommital du Grand Château, s'étendant sur une surface comparable à quatre terrains de football. Ce sommet est aussi connu sous le nom de Grand Tsaté, "Tsaté" étant un mot patois valaisan signifiant, eh oui, vous l'aurez deviné, château. Cet oronyme désigne, par métaphore, un sommet dont la forme rappelle un château, ou qui paraît inaccessible. La forme caractéristique du château se révèle dans toute sa splendeur depuis le sommet de son petit frère…
Par un large virage à droite, j'ai atteint l'extrémité occidentale du plateau, que les cartes topographiques indiquent à tort comme le point culminant. Ce point offrait une vue magnifique sur le versant nord-est du Grand Chavalard, où j'ai aperçu quelques chamois. Le Petit Château (le vrai!), mon prochain objectif, ainsi que le Six du Doe se détachaient nettement, de même que la première partie de l'arête nord du Grand Chavalard que je comptais gravir plus tard dans la journée.
Je me suis ensuite approché du cairn qui se dressait fièrement au bord du vide à plusieurs dizaines de mètres au nord-est. De ce point d'observation, j'avais une vue plongeante sur Euloi, une vaste cuvette enserrée entre Tsantonnaire et le Six des Armaille au nord et le Grand Château au sud. Cette cuvette porte également le nom de Grand Pré d'Euloi, et parfois celui des Grands Prés d'Euloi, au pluriel. Ce toponyme provient de la contraction de "En Lui" ou "En Luey", issus du gaulois "loke" signifiant "pente lisse" et désignant une forte pente herbeuse ou en éboulis. Dans ce cas précis, il s'agissait d'un mélange des deux.
Au loin, la Dent Favre, avec ses magnifiques dalles, se dressait majestueusement. Plus à l'horizon, la Pointe d'Aufalle, le Petit Muveran et le Grand Muveran n'étaient pas moins impressionnants.
En définitive, l'ascension du Grand Château par la crête nord-est s'est avérée relativement simple. Cette découverte m'a d'autant plus étonné qu'aucun topo de randonnée ne détaille cet itinéraire. Même les itinéraires de ski de randonnée semblent privilégier l'ascension par la combe. Les rares topos de randonnée disponibles décrivaient une ascension aller-retour depuis le col du Grand Château, par l'itinéraire que je comptais emprunter à la descente.
Du Grand Château au Col du Grand Château (P. 2398)
Entre le point culminant indiqué sur les cartes topographiques et le cairn, j'ai remarqué un piquet métallique isolé, planté dans le sol. Une question m'est alors venue à l'esprit: "Serait-ce le point de départ du couloir pour la descente?" Ma curiosité a été rapidement satisfaite, car une sente relativement bien marquée s'engouffrait dans la pente en direction sud-ouest.
Le terrain, d'abord recouvert d'un tapis herbeux, a rapidement cédé la place à un chaos d'éboulis. Face à leur instabilité, j'ai préféré adopter une stratégie plus audacieuse: dévaler le couloir en m'abandonnant à la pente, en glissant de façon contrôlée sur les pierres, à la manière d'un skieur sur la neige. Cette approche s'est avérée aussi rapide qu'efficace.
Une fois parvenu à la sortie du couloir, j'ai retrouvé un terrain herbeux et agréable. Quelques minutes plus tard, j'ai atteint le poteau signalétique marquant l'emplacement du col du Grand Château (P. 2398).
Du col du Grand Château (P. 2398) au Petit Château
Alors que j'observais attentivement la pente, afin de déterminer le meilleur itinéraire pour la suite de mon périple, mon regard a été attiré par deux silhouettes qui se découpaient nettement sur l'arête nord du Grand Chavalard. L'une s'élevait avec détermination vers le sommet, s'aidant des mains pour franchir les passages les plus délicats, comme si chaque prise, chaque mouvement, était une danse avec la montagne. L'autre descendait avec une agilité déconcertante, d'un pas léger et assuré, paraissant effleurer la roche plutôt que de la toucher. Les deux randonneurs évoluaient avec une aisance remarquable sur cette crête qui, depuis ma position, semblait aussi fine et acérée qu'une lame de couteau, vertigineuse et exposée. À leur rencontre, ils ont échangé quelques mots, avant de poursuivre chacun leur chemin. Leur fluidité et leur assurance dans la progression m'ont immédiatement rassuré: malgré son aspect aérien et exposé, l'arête ne semblait pas présenter de difficultés techniques majeures.
Mon itinéraire prévoyait de rejoindre le Col du Basse, un passage clef situé entre le Six du Doe et le Grand Chavalard, non loin des deux randonneurs que je suivais du regard. La voie la plus directe consistait à me diriger au sud-ouest et à gravir les éboulis. Cependant, depuis mon arrivée au sommet du Grand Château, le bruit de chutes de pierres résonnait régulièrement dans le versant nord du Grand Chavalard. Malgré mon observation attentive des pentes, je ne suis pas parvenu à identifier l'origine de ces chutes ni à déterminer si elles étaient aléatoires, simplement dues à l'érosion naturelle, ou si elles étaient provoquées par le passage furtif d'animaux sauvages, chamois ou bouquetins, évoluant sur les hauteurs. Par ailleurs, cet itinéraire comportait un autre inconvénient: il restait dans l'ombre la majeure partie du temps, ce qui pouvait être agréable en été, mais pas au mois de novembre…
Une alternative bien plus intéressante s'offrait pourtant à moi: remonter les pentes ensoleillées sous le Petit Château, faire un bref détour par son sommet pour profiter d'un panorama exceptionnel, puis gagner tranquillement le col en traversant le flanc caillouteux du Six du Doe.
Le livre du CAS suggère deux itinéraires distincts pour atteindre le sommet du Petit Château. Le premier s'aventure sur le versant oriental, caractérisé par un pierrier imposant, bordé de deux zones herbeuses, et dominé par une barre rocheuse. Le topo précise qu'il faut rejoindre la zone herbeuse de droite, la gravir, puis atteindre l'arête par une zone escarpée et suivre cette dernière jusqu'au sommet. Après avoir scruté ce versant depuis le Grand Château, cette voie me semblait plus fastidieuse qu'attrayante. Je n'avais trouvé aucun récit mentionnant cette voie, et je n'avais absolument aucune envie de me compliquer la tâche pour atteindre un sommet qui, après tout, n'était qu'une étape intermédiaire, et non l'objectif principal de ma journée. J'ai donc écarté cette option sans aucun regret.
Le second itinéraire proposé consiste à remonter la pente d'éboulis abrupte du versant occidental. Sur le papier, cette option paraissait plus rapide et nettement moins technique. Toutefois, je n'avais découvert qu'un seul compte rendu d'ascension par cette face, écrit en allemand. Malgré mes connaissances limitées de la langue de Goethe, j'ai pu déchiffrer les informations essentielles: la face était raide, les éboulis instables, mais le sommet était rapidement atteignable depuis le col situé à environ 2530 mètres d'altitude, entre le Six du Doe et le Petit Château.
Sans hésiter, j'ai gravi l'épaule herbeuse, me dirigeant vers l'ouest, jusqu'à atteindre environ 2450 mètres d'altitude. C'est alors que j'ai découvert un chemin bien tracé qui s'élevait sur le pierrier, me guidant jusqu'à la base d'une imposante barre rocheuse du Petit Château. J'ai longé cette muraille naturelle, mais une cinquantaine de mètres plus loin, à mon grand désarroi, le sentier a disparu, englouti par la caillasse. "Zut alors! Pas très fair-play de la part des chamois et des bouquetins de ne pas avoir terminé le travail!" ai-je plaisanté intérieurement. Je me trouvais face à un choix: devais-je continuer droit vers l'ouest sur une centaine de mètres jusqu'au col, ou bien devais-je tenter l'ascension de la pente abrupte, en me faufilant entre les imposants blocs rocheux, afin d'atteindre le versant est plus directement? Dans les deux cas, aucune sente ne se dessinait et la caillasse semblait particulièrement instable. J'ai donc opté pour la solution la plus directe, et me suis lancé à l'assaut de la pente. L'ascension s'est révélée, à ma grande surprise, moins périlleuse que prévu, malgré le terrain mouvant. Quelques minutes plus tard, j'étais parvenu au pied du versant occidental, qui était en effet très raide et couvert d'éboulis.
Mon regard a alors repéré une sente discrète, mais bien marquée, qui serpentait sur le pierrier, le traversant de droite à gauche. Plusieurs dizaines de mètres plus loin, j'ai quitté cette trace pour m'engager à droite sur une partie rocheuse un peu plus stable, où j'ai pu progresser en utilisant parfois mes mains pour maintenir l'équilibre. J'ai très vite atteint l'arête faitière, à quelques pas seulement du sommet où se dressait fièrement un joli cairn, témoin silencieux du passage de nombreux randonneurs avant moi.
Ce lieu magnifique constituait une position privilégiée pour admirer le Grand Château dans toute sa splendeur. De là, je pouvais contempler l'imposante barre rocheuse du versant nord-ouest, le flanc sud-ouest tout aussi abrupt, et le large plateau sommital où je m'étais promené quelques instants plus tôt. Le panorama était simplement époustouflant. Le sommet offrait également un point de vue différent sur le Grand Pré d'Euloi, la Dent Favre, la Pointe d'Aufalle, le Petit Muveran et le Grand Muveran.
Du Petit Château au Basse
Après avoir savouré le panorama et apaisé ma faim avec quelques fruits secs, j'ai entamé la descente à travers les éboulis en essayant de ne pas m'encoubler.
Une fois parvenu au col, puis j'ai poursuivi ma route sur une épaule où l'herbe brunâtre tentait de reprendre le dessus sur les étendues grises. Je me suis orienté vers le sud-ouest, attiré par un sentier bien marqué qui sillonnait le versant sud-est du Six du Doe.
Soudain, au détour d'une petite butte, je me suis retrouvé nez à nez avec un magnifique bouquetin, à la carrure imposante et aux longues cornes recourbées. Il se prélassait paisiblement sur la caillasse, profitant des rayons du soleil et de la quiétude des lieux. Majestueux comme un roi sur son trône, il dominait son royaume minéral avec une sérénité olympienne. Non loin de là, deux de ses congénères, partiellement cachés, profitaient également du soleil.
Pour rejoindre le sentier repéré plus tôt, la voie la plus simple et la plus sûre consistait à continuer mon ascension en me dirigeant droit vers les trois animaux, mais je ne voulais ni les effrayer ni perturber leur quiétude. De plus, leur carrure imposante m'incitait à la prudence. L'idée d'une rencontre trop rapprochée ne m'enchantait guère!
J'ai donc préféré contourner le groupe en progressant prudemment sur les éboulis instables. Hélas, mes pas ont fait dégringoler plusieurs pierres, rompant le silence de la montagne. Les bouquetins, visiblement peu enthousiastes face à ce boucan inopiné, se sont lentement éloignés de quelques dizaines de mètres, me toisant du regard avec un air interrogateur.
Dès que j'ai pu, j'ai rejoint le sentier aperçu auparavant. La suite de l'ascension s'est avérée moins difficile que prévu. "Les bouquetins ont décidément bon goût pour les itinéraires faciles!" ai-je pensé en souriant. Leur passage avait tracé un véritable chemin dans la caillasse étonnamment stable, qui m'a conduit sans encombre jusqu'au Col du Basse. Ce toponyme est issu de l'ancien français "basset", un diminutif de "bas", et désigne un lieu situé en contrebas d'un point de référence. En Valais, ce terme s'emploie souvent pour nommer les cols de montagne. Ce passage est également connu sous le nom de Faux Col de Fenestral, ou simplement Faux Col.
Au col, j'ai été surpris de me retrouver à nouveau face à un groupe de bouquetins. Cette fois, j'ai découvert une harde d'une douzaine d'individus qui prenaient des bains de soleil sur le versant sud-ouest, juste en contrebas du col. Le mâle dominant m'avait immédiatement repéré et me fixait intensément, cherchant sans doute à percer mes intentions.
La vue s'étendait désormais sur le Lac Supérieur de Fully, qui scintillait quelques 400 mètres plus bas. La Montagne de Fully, parée des magnifiques teintes jaune foncé-brun de l'automne, s'étendait à perte de vue. À l'horizon, le majestueux massif du Mont-Blanc, avec ses cimes enneigées et ses glaciers étincelants, se dressait dans toute sa splendeur. Le blanc immaculé de la neige créait un saisissant contraste avec les couleurs chaudes et vibrantes de l'automne.
Quand la carte perd le nord: histoires de toponymes
Comme mentionné précédemment, plusieurs sommets à proximité du Grand Chavalard ont porté des noms différents sur les diverses versions des cartes topographiques de la Suisse. Avant d'examiner ces changements, il est cependant essentiel de faire un bref historique de ces cartes.
La carte Dufour et la carte Siegfried
La carte Dufour est le nom donné à un atlas au 1:100'000 du territoire suisse, qui a été élaboré pour la première fois à partir de mesures géométriques précises. Cette œuvre cartographique majeure a été réalisée sous la direction du général suisse Guillaume Henri Dufour, également topographe. Les 25 planches qui composent cet atlas ont été publiées entre 1845 et 1865.
Quelques années plus tard, un autre atlas, l'Atlas topographique de la Suisse, vit le jour sous le nom de "carte Siegfried". Cette nouvelle cartographie a été réalisée entre 1870 et 1926 sous la direction d'Hermann Siegfried du Bureau topographique fédéral. Plus détaillée que sa prédécesseuse, la carte Siegfried présentait une précision accrue par rapport à la carte Dufour grâce à une échelle de 1:25'000 pour le Plateau suisse, les Préalpes, le Jura et le Sud du Tessin, et de 1:50'000 pour les Alpes. Les mises à jour ont continué jusqu'en 1949.
Ces deux cartes représentent de véritables fenêtres sur le passé, offrant une immersion fascinante dans la géographie suisse du XIXe et du début du XXe siècle. Elles témoignent notamment des transformations survenues au fil du temps: on y retrouve des villages aujourd'hui disparus, on y observe le recul impressionnant des glaciers alpins, ainsi que l'évolution des noms de montagne. Par exemple, le glacier d'Aletsch, le plus grand glacier des Alpes, apparaît sur la carte Dufour bien plus étendu qu'il ne l'est aujourd'hui. Ces cartes constituent également des ressources inestimables pour les linguistes et les historiens, leur permettant d'analyser les changements toponymiques.
En 1952, la carte Dufour et la carte Siegfried ont cédé leur place aux nouvelles cartes de la Suisse, plus modernes et plus précises. Cependant, leur importance historique et patrimoniale demeure inestimable.
Les sommets, les alpages, les lieux-dits des montagnes suisses portent généralement des noms qui semblent intrinsèquement liés à l'objet qu'ils désignent, comme si le nom et le lieu ne faisaient qu'un. Au fil du temps, l'orthographe de ces noms a souvent été légèrement adaptée, principalement pour éviter les fausses prononciations. L'un des changements les plus notables concerne la suppression du "z" final dans une syllabe atone, comme dans "Riondaz" devenu "Rionda", ou "Saleinaz" transformé en "Saleina". Cette simplification orthographique reflète l'évolution de la langue parlée. Fait intéressant, les deux variantes coexistent parfois sur les cartes topographiques, ce qui peut parfois prêter à confusion. On trouve par exemple la "Cabane de Saleinaz", conservant le "z" terminal, face à la "Prise d'eau de Saleina", qui l'a perdu. Difficile d'en comprendre la logique…
Si les modifications orthographiques sont courantes, les changements complets de toponymes demeurent exceptionnels. La région aux alentours du Grand Chavalard, semble cependant faire une exception remarquable à cette règle…
Fenestral ou Six du Doe? Lorsque la carte sème le doute
Une pyramide rocheuse, au nord du Grand Chavalard, portait le nom de "Fenestral" sur la carte Siegfried. Cette dénomination a été reprise fidèlement au fil des éditions successives, mais s'est évanouie soudainement sur les cartes modernes au profit d'un nom bien plus énigmatique: "Six du Doe". Que s'est-il passé? Quelle est la raison de ce changement radical?
Cette question a également intrigué d'autres personnes. Un article publié dans la revue "Les Alpes", éditée par le Club Alpin Suisse, en 1945, s'est efforcé d'apporter un éclairage sur cette énigme toponymique.
Avant de publier son article, l'auteur a mené une enquête de terrain auprès des bergers et des chasseurs de la région. Ces derniers ont été unanimes: le nom "Fenestral" figurant sur la carte Siegfried désignait en réalité le col voisin, alors identifié comme "Col de Fenestral". Cette dernière appellation constitue un pléonasme, car le terme "Fenestral", issu de l'ancien français, signifie "fenêtre, ouverture" et désigne par essence un col ou une dépression.
D'après ces témoignages, le sommet en question était communément désigné sous le nom de "Six du Doe", où "oe" se prononce comme "œu" dans "œuf". En patois local, "doe" signifie "duc", un terme faisant référence à trois espèces de rapaces nocturnes de la famille des strigidés: le hibou grand-duc, le hibou moyen-duc et, plus rarement, le petit-duc. De ce fait, "le rocher du grand-duc" se révèle un toponyme bien plus approprié pour un sommet que "fenêtre".
Il est intéressant de noter que la publication "Toponymie de Leytron" avance une interprétation différente de ce toponyme. Dans cette étude, "doe" trouverait son origine dans le latin "dux, ducem" et dans le patois "douai" qui signifient "ce qui conduit". "Six du Doe" pourrait alors être interprété comme "le rocher où coule une source". Cette théorie, bien que séduisante, se trouve confrontée à la réalité du terrain: aucune source ne jaillit de ce rocher, du moins de manière visible. En outre, cette interprétation reste isolée, contrairement à la signification de "grand-duc", que l'on retrouve également dans le "Glossaire des patois de la Suisse romande".
Comment le Petit Château est-il devenu Six Dédoz
En examinant attentivement la carte Siegfried, on remarque une curieuse ressemblance entre "Six du Doe" et "Six Dédoz", ce dernier étant le nom attribué à un sommet situé à seulement 500 mètres à l'est-nord-est. Une simple coïncidence? Pas si sûr…
Les chasseurs de l'époque ont affirmé également que le sommet désigné sous le nom de "Six Dédoz" sur la carte Siegfried était couramment appelé "Petit Château" par les habitants de la région.
Y a-t-il eu confusion entre les deux sommets? Cette explication paraît vraisemblable. De fait, aujourd'hui, le sommet initialement baptisé "Six Dédoz" sur la carte Siegfried arbore désormais le nom de "Petit Château" sur les cartes topographiques modernes. Mais comment expliquer ce chassé-croisé toponymique? Selon l'hypothèse la plus probable, le topographe chargé de cartographier la région aurait consulté uniquement des bergers, lesquels n'accordaient pas une grande attention aux noms précis des cols et des sommets. En revanche, pour les chasseurs, la connaissance précise des toponymes s'avérait essentielle afin de communiquer efficacement entre eux et de se repérer dans ce terrain accidenté.
Il est probable que le topographe, pressé par le temps ou peu familier avec les subtilités du patois local, ait reporté simplement les noms tels qu'ils lui étaient donnés, sans chercher à en vérifier le sens ou la cohérence. Cette hypothèse trouve un écho dans un article de journal local datant de 1946 qui atteste que "Six Dédoz" n'est autre qu'une variante patoise de "Six du Doe", désignant le même sommet.
Le Petit Château qui n'en était pas un
Le topographe semble s'être livré à un jeu de chaises musicales avec les noms des sommets, car la confusion ne s'est pas limitée à ces cas. La carte Siegfried a également donné le nom de "Petit Château" à un sommet secondaire situé sur l'arête est-nord-est du Grand Château (P. 2374 sur les cartes topographiques actuelles). Or, d'après les chasseurs de l'époque, qui ont confirmé une fois de plus leurs dires, le Grand Château méritait pleinement son nom, et ce sommet secondaire n'en possédait pas.
Fort heureusement, les cartes modernes ont corrigé ces erreurs et désignent désormais correctement ces différents sommets. Cette anecdote illustre parfaitement la complexité et la richesse de notre patrimoine toponymique. En effet, chaque nom de lieu véhicule une histoire, une culture et une identité. Il s'agit d'un héritage précieux qu'il nous incombe de préserver et de transmettre aux générations futures.
L'alpage au rythme des jours: une tradition pastorale méconnue de la Montagne de Fully
Au cours de ces recherches toponymiques, j'ai réalisé une découverte fascinante. Les bergers de l'époque, loin de laisser le bétail errer au hasard, avaient mis en place une organisation méthodique du pâturage où le bétail se déplaçait chaque jour à un endroit différent sur la Montagne de Fully. Cet alpage, très vaste, avait été ainsi divisé en secteurs, chacun recevant le nom patois du jour de la semaine qui lui était attribué.
Cette pratique ancestrale s'est estompée au début du XXe siècle, mais les noms de lieux ont partiellement survécu, permettant de reconstituer le parcours hebdomadaire des troupeaux.
Le circuit hebdomadaire s'organisait ainsi: le lundi, le bétail se rendait du côté de la Dent de Mordes, au nord du Lac Supérieur de Fully, à la Louè Delon, signifiant "du lundi" en patois. Le mardi, les troupeaux gagnaient les pentes à l'est, au pied du Col de Fenestral, à la Louè Demâr, "du mardi". Le mercredi, ils prenaient la direction de l'ouest, à la Louè Demècre, vers le Col du Demècre mentionné sur la carte. Le jeudi et le dimanche, le bétail restait dans le voisinage des chalets de Sorniot. Le vendredi, connu comme jour de Devende ou Devindro, les bêtes paissaient à l'est, au pied de la Dent de Fully, à la Louè Devende, vers "Le Devindre" figurant sur la carte. Enfin, le samedi, jour dit de Dessande, c'était la "Lui Desande" qui accueillait le troupeau, au sud-ouest des chalets, du côté du Portail de Fully.
La toponymie nous démontre ainsi que même les espaces les plus sauvages possèdent une histoire. Grâce à elle, là où les randonneurs et randonneuses ne perçoivent aujourd'hui que la Montagne de Fully sous forme d'une série de pentes, les noms dévoilent un passé oublié, celui du quotidien bien organisé des bergers et de leurs troupeaux.
Du Basse au Grand Chavalard par l'arête Nord
Cette digression historique sur les toponymes est fort intéressante, certes, mais moi je me trouvais encore au Faux Col, où j'ai découvert un petit cairn et un sentier bien marqué que j'ai suivi en direction du sud-est. Quelques mètres plus loin, j'ai aperçu les fameuses traces de marquage bleu foncé qui balisent la voie jusqu'au sommet du Grand Chavalard.
Durant la préparation de cette course, j'avais étudié quelques topos. Tous indiquaient qu'après avoir passé Le Basse, il fallait contourner une paroi rocheuse par la gauche, mais sans plus de précision…
J'ai donc poursuivi le sentier sur la crête d'éboulis jusqu'au pied de l'arête rocheuse, où j'ai repéré d'autres points peints en bleu ainsi que le texte "PAR L'ARRETE". À ce moment-là, seules des indications de montée sur la dalle le long de l'arête étaient visibles. J'avoue que, sur le moment, mon attention s'est portée davantage sur l'erreur d'orthographe du terme "arête" que sur une autre possible direction à suivre, d'autant que j'avais observé deux randonneurs progresser sur l'arête.
Ce n'est qu'ultérieurement que j'ai compris que cet endroit marquait le choix entre la variante difficile et la variante un peu moins difficile. Car oui, à partir de cet endroit, les difficultés allaient s'accroître sérieusement, quelle que soit l'option choisie.
Tout excité à l'idée que la partie technique allait finalement commencer, j'ai entamé l'ascension de la dalle en serpentant. Pour atteindre l'arête, j'ai dû réaliser quelques courts pas de grimpe ludique en I. Sur l'arête, le vide des deux côtés était bel et bien présent. La progression, exposée, exigeait de vérifier la stabilité de chaque prise et point d'appui, car certaines pierres ne tenaient que pour la forme…
Ce n'est qu'en progressant sur cette arête qui s'affinait et devenait de plus en plus exposée que je me suis dit que c'était coton pour un T5- (cotation donnée par le topo du CAS). C'est alors que j'ai réalisé que je me trouvais sur le tronçon que le topo du CAS recommandait de contourner par la gauche… Les difficultés sur ce tronçon de l'arête se sont intensifiées, avec "la sortie" qui constituait la partie la plus technique, aérienne et exposée. Malgré les difficultés et le terrain pas toujours stable, j'ai adoré cette partie de l'arête, véritable T5 à ne pas sous-estimer, nécessitant des pas d'escalade en II. Il va sans dire qu'elle est fortement déconseillée aux personnes sujettes aux vertiges.
J'ai finalement atteint un collet vers 2700 mètres, à l'endroit où les deux variantes se rejoignent. En observant les éboulis instables du versant nord-ouest, j'ai constaté que le contournement, bien que moins aérien, paraissait bien fastidieux et casse-pattes. En définitive, je n'ai absolument pas regretté d'être passé par l'arête, bien au contraire…
Une vire m'a mené au pied d'un couloir étroit, abrupt et sombre. J'ai noté, à son entrée, la présence d'un piton à expansion. Bien qu'utile en hiver lorsque la neige et la glace recouvrent le terrain, il paraissait superflu aujourd'hui avec le rocher sec. Le rocher, heureusement solide, offrait de bonnes prises. Quelques pas d'escalade facile (I-II) se sont avérés nécessaires pour franchir les grosses marches naturelles. "Ah, si mes jambes étaient un peu plus longues, l'ascension serait moins laborieuse!" me suis-je amusé intérieurement, conscient de la futilité de mes lamentations.
Une fois sorti de ce couloir, j'ai découvert un chemin bien tracé, qui s'élevait en courts lacets à travers la pente rocailleuse. Les marques bleues balisaient le parcours, ne laissant aucun doute quant à la voie à suivre.
Après quelques zigzags sur ce sentier agréable, j'ai franchi un nouveau couloir, plus scabreux que le précédent. La caillasse, instable et roulante, rendait chaque pas incertain. J'ai gagné une crête schisteuse vers 2790 mètres d'altitude. Là, le panorama s'est ouvert sur un large paysage minéral, où les roches grises et ocres contrastaient avec le bleu du ciel. Entre le collet, situé à 2700 mètres, et cette crête, le terrain s'est révélé particulièrement instable, et le moindre pas risquait de déclencher une chute de pierres. Le port d'un casque est donc recommandé, surtout en présence d'autres randonneurs en amont.
Le sommet Nord du Grand Chavalard (P. 2842) se dressait devant moi, à une centaine de mètres seulement. En suivant l'arête, j'ai vite rejoint le pied de cette petite pointe rocheuse, presque insignifiante en comparaison avec le sommet principal. Ce sommet porte également le nom de "sommet d'hiver", car il marque souvent la fin du parcours pour les randonneurs et randonneuses à ski qui remontent cette arête en peaux de phoque. L'ascension de cette antécime ne m'aurait pris que quelques minutes, mais la fatigue commençait à se faire sentir. Mon estomac réclamait une pause bien méritée, et mes jambes, sollicitées depuis de longues heures, donnaient des signes de faiblesse. De plus, le véritable sommet du Grand Chavalard apparaissait désormais, à seulement une soixantaine de mètres de dénivelé. L'appel du sommet principal s'est révélé trop fort, et j'ai choisi de poursuivre ma route sans m'attarder sur ce sommet secondaire, estimant que la vue panoramique serait encore plus belle depuis le point culminant.
Par une très courte descente, j'ai atteint un autre col, baptisé les Hautes Fenêtres (P. 2819). Ce toponyme, qui évoque des ouvertures dans la crête montagneuse, tire son origine du latin "fenestra", signifiant "fenêtre, trou, ouverture, brèche". L'adjectif "hautes", quant à lui, ne laisse aucun doute sur l'altitude élevée de ce lieu, perché à plus de 2800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Enfin, la forme plurielle "fenêtres" suggère la présence de multiples brèches dans l'arête, et il suffisait de lever les yeux vers le point culminant pour en avoir la preuve.
Le chemin, toujours aussi bien marqué, s'élevait ensuite sur l'arête dentelée, qui présentait à nouveau quelques passages légèrement aériens. Mes mains ont de nouveau trouvé leur utilité pour m'aider à garder mon équilibre sur ces rochers escarpés. En dépit de son aspect imposant, ce dernier secteur s'est révélé plus accessible que je ne l'imaginais. En peu de temps, j'ai atteint l'antenne météorologique, qui couronnait le sommet.
L'endroit, bien que fréquenté, conservait une atmosphère agréable. À mon grand soulagement, le groupe important que j'avais aperçu depuis les Hautes Fenêtres avait déjà quitté les lieux, laissant place à une quiétude bienvenue. Il est vrai qu'il est rare de se retrouver seul sur ce sommet, tant il est prisé les randonneurs et randonneuses. Et pour cause: la vue qu'il offre sur la vallée du Rhône est tout simplement époustouflante. Du haut de ses 2901 mètres, le panorama grandiose s'étend de Martigny à Sierre.
Non loin de l'antenne météorologique, une croix de métal se dressait vers le ciel. Je me suis assis sur un rocher à proximité, heureux de pouvoir enfin m'accorder une pause bien méritée. Tout en reprenant des forces, je me suis laissé envahir par la beauté du panorama. Vers l'est, la Montagne de Fully, avec le Lac Supérieur, se déployait sous mes yeux, dominée par la silhouette imposante de la Grande Dent de Morcles. Au sud, la vallée du Rhône, véritable artère vitale de la région, s'étendait à perte de vue, dévoilant une mosaïque de paysages. Tout autour se dressaient majestueusement les géants des Alpes, gardiens séculaires de cette vallée. Le Mont Blanc, souverain incontesté des Alpes, dominait le massif du même nom, ses neiges éternelles brillant au soleil. Le Grand Combin attirait le regard par sa beauté sauvage. Les Dents du Midi formaient un rempart imprenable à l'horizon. La liste des sommets visibles était longue, trop longue pour que je puisse tous les nommer. Ce spectacle grandiose témoignait de toute la puissance et de la magnificence de la nature.
Le nom de ce sommet, "Chavalard", reflète les caractéristiques du lieu. Il tire son origine de l'ancien français "chave", qui signifie "lieu creux, terrain enfoncé, cavité, profondeur, caverne". Il désigne un fossé profond, un ravin. Si l'on considère que le Grand Chavalard domine la vallée du Rhône de près de 2500 mètres, le nom de "gros fossé profond" lui convient parfaitement.
Du Grand Chavalard à P. 2121 (voie normale)
Bien qu'il fût déjà le début de l'après-midi, des groupes épars de randonneurs et de randonneuses continuaient d'arriver au sommet. Ils arrivaient par la voie normale, suivant l'arête sud-sud-ouest, un itinéraire plus facile et plus court que celui que j'avais emprunté. J'avais eu le temps de me restaurer, de m'hydrater, de reprendre des forces, mais surtout de m'imprégner de la beauté du panorama à 360 degrés.
Dès que l'affluence au sommet est devenue trop importante, et que le silence a cédé la place à un brouhaha de voix et de rires, j'ai décidé qu'il était temps de reprendre ma route. J'ai remis mon sac à dos sur mes épaules et me suis engagé sur la voie normale. Bien que ce sentier soit balisé en blanc–bleu–blanc et coté T4, je m'attendais à une descente relativement paisible. Mais la montagne, on le sait, est pleine de surprises… La première partie du chemin s'est révélée assez glissante, parsemée de pierres et de graviers qui rendaient chaque pas incertain.
J'ai passé la Dent de Fully sans m'en rendre compte. Cet amas de cailloux, qui porte pourtant un nom sur la carte, ne se distinguait guère du reste de l'arête. Juste un léger changement d'inclinaison, une petite bosse marquaient sa présence sur ce long chemin qui descendait vers la vallée. Je me suis demandé pourquoi on avait donné un nom à cet endroit qui, de prime abord, ne présentait rien de particulier.
Au fur et à mesure de ma progression, le terrain est devenu moins minéral, laissant place à des zones herbeuses. Le sentier, désormais plus distinct et moins escarpé, rendait la marche plus agréable. J'ai continué de longer l'arête sur la droite, profitant de la vue imprenable qui s'offrait à moi. À gauche, la vallée du Rhône s'étendait à perte de vue. À droite, la Montagne de Fully, avec son alternance de pentes herbeuses et de collines caillouteuses, dégageait une impression de puissance et de sauvagerie. Plus bas, Sorniot et le Lac Inférieur de Fully sont apparus dans mon champ de vision, ajoutant une touche de magie à ce paysage déjà enchanteur.
À l'approche de P. 2620, j'ai croisé un parapentiste en pleine préparation. Il déployait soigneusement sa voile colorée, s'apprêtant à s'élancer dans les airs pour une descente nettement plus agréable que la mienne. J'ai observé avec envie ses préparatifs, imaginant la sensation de liberté qu'il allait éprouver en survolant les montagnes.
Le sentier a contourné la petite pointe rocheuse par la droite. Une courte section, sécurisée par une chaîne métallique scellée dans le rocher, ajoutait une touche d'aventure à cette descente. Bien que le rocher fût sec ce jour-là, rendant la chaîne superflue pour moi, j'imaginais son utilité par temps humide, lorsque la roche devient glissante et traître. Quoi qu'il en soit, il était nécessaire de s'aider des mains pour maintenir l'équilibre et franchir ce passage.
Sans autre difficulté notable, j'ai atteint la première lignée de claies paravalanches, ces structures métalliques imposantes qui protègent les pentes des avalanches. Leur présence témoignait de manière éloquente de la raideur de la pente et des dangers qui la caractérisaient. Ces installations sont d'ailleurs généralement mises en place sur des pentes de 35 à 50 degrés. La suite de la descente se profilait donc comme sportive…
Et je ne m'étais pas trompé. La pente qui s'est présentée devant moi s'avérait effectivement très raide, presque verticale par endroits. La progression nécessitait parfois de se faufiler entre les mailles métalliques, de franchir les obstacles, de se baisser pour éviter les barres transversales. Ces passages, bien que surprenants dans cette descente casse-pattes, apportaient une touche d'aventure et de variété au parcours.
Vers 2330 mètres d'altitude, j'ai laissé derrière moi la dernière lignée de claies paravalanches. Le terrain, cependant, n'est devenu guère plus doux. Un raide couloir s'est dessiné devant moi, véritable toboggan naturel creusé dans la montagne. Le sentier plongeait dans ce couloir par une succession de lacets très courts. L'exposition était réelle, mais la difficulté technique restait faible.
À la sortie du couloir, le sentier gagnait en largeur, mais la pente restait prononcée. L'herbe, parée des couleurs chaudes de l'automne, offrait un spectacle enchanteur. Plus bas se dessinait le sentier qui relie L'Erié à la Montagne de Fully, animé par de nombreuses personnes.
De P. 2121 à L'Erié
C'est avec un soulagement non dissimulé que je suis parvenu à la bifurcation à P. 2121. Mes cuisses, mises à rude épreuve par cette longue randonnée et mon entraînement insuffisant ces derniers temps, m'ont remercié de ce répit. J'ai pris à gauche, en direction du nord-est, sur le large chemin en balcon qui me ramènerait à mon point de départ. Le spectacle continuait cependant d'offrir ses merveilles. Les falaises sous l'Aiguille, hautes de près de 400 mètres, me dominaient de leur masse imposante. Face à cette muraille de roche, je me suis senti insignifiant, contemplant ce chef-d'œuvre sculpté par les forces de la nature au fil des millénaires.
Une fois dépassées ces falaises vertigineuses, le chemin m'a conduit au-dessus des Gueules, un toponyme particulièrement évocateur qui signifie "passage étroit, couloir". Le secteur honorait bien cette appellation: une alternance de pentes abruptes et de barres rocheuses, surplombant majestueusement la vallée du Rhône d'environ 1500 mètres. La vue, saisissante, s'étendait sur les villages, les champs et les forêts qui tapissaient le fond de la vallée.
Un dernier passage à travers une magnifique forêt de mélèzes m'a permis de contempler une dernière fois leurs aiguilles dorées et rousses, qui semblaient embraser la forêt d'une lumière magique. Nombre d'entre elles jonchaient déjà le sol, formant un tapis moelleux et odorant, un véritable régal pour mes genoux fatigués. J'ai marché lentement, en silence, afin de savourer pleinement cette ambiance paisible et enchanteresse.
J'ai finalement atteint le parking de l'Erié, qui s'était bien rempli depuis le matin. La boucle était bouclée, l'aventure terminée. J'ai rangé mes affaires dans la voiture, enlevé mes chaussures de randonnée, et me suis mis au volant, le cœur rempli de beaux souvenirs et l'esprit imprégné d'images inoubliables.