Accès
Accès en voiture
Suivre l'autoroute A9 jusqu'à la sortie "Sierre Est", puis remonter le Val d'Anniviers. À Vissoie, bifurquer à droite en direction de Grimentz. Après avoir traversé le village, s'engager sur la route du barrage de Moiry. Un premier parking est disponible juste après le tunnel. Longer le lac sur la rive est jusqu'au parking du Glacier de Moiry, près du Lac de Châteaupré.
Le site est très fréquenté. L'autorisation accordée aux camping-cars d'y passer la nuit (moyennant paiement) n'arrange rien. Il est donc fortement recommandé d'arriver tôt. En cas de saturation du parking, il est néanmoins possible de stationner le long de la route, tout en restant vigilant aux éventuelles restrictions.
À noter que des toilettes sont disponibles à proximité du parking, mais il est préférable de prévoir son papier et son savon, car ils sont souvent épuisés.
Accès en transports publics
Depuis la gare CFF de Sierre, prendre un premier car postal jusqu'à Vissoie. Puis, poursuivre avec un deuxième car postal jusqu'à Grimentz. Enfin, atteindre Moiry par un troisième car postal.
Entre fin juin et fin août, plusieurs correspondances desservent quotidiennement le parking du glacier (arrêt "Moiry VS, glacier"), ainsi que les week-ends entre début septembre et mi-octobre.
Pour trouver la meilleure correspondance, consulter l'horaire en ligne des CFF.
Du parking du Glacier de Moiry à Fêta d'Août de Châteaupré
À mon arrivée au parking, un sentiment de tristesse m'a envahi. Le glacier de Moiry, autrefois majestueux, n'était plus que l'ombre de lui-même. Les zones où j'avais pratiqué l'alpinisme il y a deux décennies, à peine à une demi-heure de marche du parking, étaient désormais dépourvues de glace et avaient été remplacées par une moraine grise et poussiéreuse. Le nom "parking du Glacier de Moiry" résonnait désormais comme une ironie cruelle face à cette réalité.
Je me suis dirigé vers le poteau indicateur situé près des toilettes publiques au sud-est du parking. L'idée de faire un détour par le Lac de Châteaupré m'avait traversé l'esprit, mais le ciel capricieux, où le soleil jouait à cache-cache avec les nuages, m'en a dissuadé. J'ai donc délaissé la large piste menant à la cabane de Moiry pour m'engager sur le sentier à gauche, en direction de Fêta d'Août de Châteaupré.
Le sentier serpentait à travers les pâturages verdoyants. J'observais les nombreux randonneurs se dirigeant vers la cabane de Moiry, tandis que je poursuivais ma route, seul ou presque, sur ce chemin moins fréquenté, ce qui me convenait parfaitement.
La première partie de l'ascension s'est déroulée à l'ombre, les parois rocheuses de l'arête sud-ouest du Garda Bordon masquant les rayons du soleil. Au fur et à mesure que je prenais de l'altitude, le paysage se dévoilait progressivement, laissant apparaître notamment le lac de Châteaupré dans toute sa splendeur. Ses eaux, d'un blanc laiteux teinté de turquoise, contrastaient avec le vert des prairies. Cette couleur particulière est due à la présence de fines particules de roche, les "farines glaciaires", générées par l'abrasion du substrat rocheux par des glaciers.
Les prairies environnantes offraient un véritable festival de couleurs: le jaune éclatant des séneçons doronics, le rose délicat des joubarbes à toile d'araignée, le violet profond des asters des alpes et des campanules, le blanc pur des pulsatilles des alpes, ainsi que celui de quelques edelweiss!
Le sentier continuait son chemin sinueux, entre de gros blocs rocheux où se cachaient quelques marmottes. J'ai même eu la chance d'observer une magnifique hermine qui avait établi son territoire à proximité du sentier. Sa fourrure d'un blanc éclatant se détachait de la roche grise et le vert de la végétation, offrant un spectacle inoubliable.
À plusieurs reprises, le sentier se divisait, exigeant une certaine vigilance pour repérer les discrètes marques de balisage et rester sur la bonne voie. Finalement, après une ascension régulière, j'ai rejoint un poteau indicateur à environ 2500 mètres d'altitude, au cœur de l'alpage de Fêta d'Août de Châteaupré.
De Fêta d'Août de Châteaupré aux Tsapèlettes
J'ai poursuivi vers la gauche (direction nord-ouest) en suivant les indications pour "Moiry Barrage – Tour du Lac 2500". Le sentier, comme son nom l'indique, contourne le lac en maintenant une altitude d'environ 2500 mètres. Le versant demeurait plongé dans l'ombre, le soleil ne daignant illuminer que la rive opposée du vallon, et encore, seulement lorsque les nuages lui en laissaient l'occasion…
Les prairies, dont la diversité florale ne cessait de m'émerveiller, abritaient également une population de marmottes. Certaines, particulièrement craintives, s'éclipsaient dans leurs terriers dès qu'elles détectaient ma présence. D'autres, plus audacieuses, se contentaient de m'observer d'un œil méfiant, restant immobiles à l'entrée de leur refuge, guettant le moindre de mes mouvements.
Au milieu des prairies, un tourniquet métallique installé sur le sentier paraissait totalement déplacé. J'ai supposé qu'il servait sans doute à contrôler l'accès à l'alpage lorsqu'il est clôturé et occupé par le bétail. Plus loin, j'ai été fasciné par la profusion d'edelweiss. Ces fleurs emblématiques des Alpes, d'un blanc pur et duveteux, recouvraient littéralement le sol par endroits, créant un spectacle d'une beauté saisissante.
Au fil de ma progression, le lac de Moiry se dévoilait peu à peu, étalant ses eaux émeraude dans toute leur splendeur. J'ai finalement atteint un imposant cairn, érigé sur un petit plateau au lieu-dit des Tsapèlettes, à l'ouest du sommet du Garda Bordon. De là, la vue panoramique sur le lac était époustouflante. Par temps clair, on peut aussi admirer les majestueux sommets qui se dressent entre Sasseneire et la Pointe du Tsaté. Malheureusement, ce jour-là, les nuages, qui selon les prévisions météo devaient se dissiper, s'obstinaient à voiler le ciel, masquant une partie de ce panorama grandiose.
Le toponyme "Tsapèlette" est une forme patoise de "Sapalles" et du féminin de "Sapelet", avec mutation du son [ch] en [ts]. Ces termes signifient "(jeune) sapin", ce qui m'a semblé étrange, car aucun arbre, même petit, n'était présent dans le vallon. La limite supérieure de la forêt se situe en effet bien plus bas, aux alentours de 2000 mètres d'altitude, alors que le barrage culmine à 2250 mètres…
Des Tsapèlettes à la Corne de Sorebois (P. 2837)
Après avoir immortalisé quelques souvenirs photographiques du lac et des montagnes environnantes, j'ai repris ma route. Malheureusement, la diversité florale s'était quelque peu estompée, laissant place à des pentes verdoyantes plus monotones. Cette impression était accentuée par la visibilité réduite sur les sommets, toujours dissimulés par une persistante couverture nuageuse qui semblait s'accrocher obstinément au paysage. J'avais espéré que le ciel se dégagerait au fil de la journée, mais la météo avait décidé de me jouer un mauvais tour.
Le sentier s'engageait ensuite sous d'impressionnantes parois rocheuses, baptisées Rochers de Paris. Ce toponyme, dérivé du patois "pâra" signifiant "rocher à pic d'une certaine étendue et d'une certaine hauteur, offrant l'aspect d'un mur", reflétait parfaitement la verticalité et la massivité de ces formations géologiques.
Le tintement des cloches des vaches se faisait de plus en plus présent, couvrant partiellement le bruit du va-et-vient des véhicules au bord du lac. En arrivant au-dessus du couronnement du barrage, j'ai rencontré plusieurs vaches qui paissaient tranquillement sur le sentier, imperturbables face à ma présence. J'ai dû à maintes reprises les contourner en empruntant les pentes herbeuses, car elles semblaient déterminées à ne pas bouger d'un ongle, savourant leur festin végétal avec une nonchalance toute bovine.
J'ai ainsi atteint une route d'alpage qui montait depuis le couronnement du barrage. Jusque-là, j'avais profité d'une solitude presque absolue, ne croisant qu'un seul couple de randonneurs. Mais cette quiétude touchait à sa fin. Sur cette piste plus fréquentée, les ruminants partageaient l'espace avec un nombre croissant de promeneurs, créant une ambiance plus animée, mais aussi plus bruyante.
La piste s'élevait sur la Fache en larges zigzags, tandis que le sentier pédestre, plus direct, coupait les virages en montant face à la pente. Les marmottes avaient cédé la place aux troupeaux de vaches, dispersés sur les pentes, broutant paisiblement l'herbe grasse. Quelques spécimens particulièrement obstinés restaient plantés au milieu du chemin, ignorant superbement les tentatives de certains randonneurs de les déplacer, provoquant quelques scènes cocasses et obligeant tout le monde à les contourner tant bien que mal.
Au cours de l'ascension, l'arête de Sorebois s'était révélée par intermittence, laissant entrevoir un parcours qui ne semblait pas présenter de difficultés techniques majeures. Malheureusement, l'arête finale ainsi que le sommet du Garda Bordon restaient dissimulés par les nuages, me privant de la vue panoramique que j'avais espérée.
Le sentier balisé m'a conduit à un large col (P. 2837), que le poteau indicateur désignait comme la Corne de Sorebois. J'ai été quelque peu surpris, car le véritable sommet de Sorebois se situait en réalité plus au nord et culminait 58 mètres plus haut…
Le toponyme "Sorebois" est composé du mot patois "sore", dérivé du latin "supra" signifiant "au-dessus de", et de "bois". Le nom de cet alpage, situé au sud-est du col, signifie donc "au-dessus des bois", une appellation qui prend tout son sens lorsque l'on observe la limite de la forêt, bien en dessous de ce plateau d'altitude. Le nom est ensuite monté à la Corne de Sorebois. Le mot "corne" désigne dans ce cas une "pointe rocheuse". Cette dénomination devient évidente lorsqu'on observe le versant nord de la montagne, rocheux et abrupt.
J'avais initialement envisagé de faire un aller-retour rapide jusqu'à la Corne de Sorebois, mais le Val de Zinal demeurait plongé dans une épaisse brume que le vent poussait inexorablement vers l'ouest. Face à cette météo capricieuse, j'ai renoncé à ce détour, sachant que je ne pourrais profiter d'aucune vue panoramique.
De la Corne de Sorebois (P. 2837) au Col de Sorebois
Du poteau indicateur, un large chemin, indiqué sur les cartes topographiques, mais non balisé, s'étirait le long de l'arête en direction du sud. Par beau temps, cette portion du parcours offre une vue imprenable sur la longue arête menant au Garda Bordon, mais ce jour-là, les nuages montaient obstinément du Val de Zinal, formant un voile épais et impénétrable qui masquait même le Col de Sorebois, ma prochaine étape. La frustration grandissait en moi, face à cette météo capricieuse qui semblait vouloir gâcher, au moins en partie, ma journée. Les prévisions météo m'avaient pourtant promis une randonnée sous un ciel bleu azur, avec une vue imprenable sur les sommets environnants. La réalité, malheureusement, était tout autre…
La piste descendait en pente douce, un répit bienvenu après l'ascension précédente. Elle longeait d'abord une petite pointe rocheuse (P. 2832), avant de me conduire à proximité du Col de Sorebois. À mon arrivée au col, je n'ai remarqué aucun signe distinctif, si ce n'est que le large chemin quittait l'arête pour descendre dans le flanc oriental, serpentant à travers les pentes mi-herbeuses, mi-rocheuses.
Mon intention était de poursuivre sur l'arête, mais les nuages obstruaient passablement la vue. J'ai consulté l'application météo sur mon téléphone, espérant un revirement de situation. En vain. Le dégagement nuageux initialement prévu pour la matinée était désormais reporté au milieu de l'après-midi.
Je me suis demandé s'il était judicieux, dans ces conditions, de poursuivre mon ascension vers le Garda Bordon. Les cartes topographiques n'indiquaient aucun chemin menant au sommet. Cependant, si le trail du Besso avait emprunté cette arête lors de ses précédentes éditions, peut-être existait-il des traces ou un balisage discret qui me permettrait de trouver mon chemin malgré le brouillard.
Du Col de Sorebois à P. 3046
L'appel de l'aventure s'est avéré plus fort. J'ai pris la décision de tenter ma chance, me disant que je pourrais toujours rebrousser chemin si les conditions devenaient trop difficiles ou dangereuses.
Au col de Sorebois, j'ai donc emprunté la sente bien visible qui longeait la crête, tel un fil d'Ariane me guidant à travers ce paysage minéral. J'ai rapidement atteint une première cime (P. 2883), puis une courte descente m'a conduit à un collet, à proximité de l'arrivée d'un téléski.
Sans trop réfléchir, j'ai suivi un large chemin qui contournait une pointe (P. 2913) par le versant est, mais lorsqu'il a amorcé une descente inexorable vers la vallée, je suis remonté pour récupérer la crête où j'ai repéré un petit cairn. En regardant en arrière vers P. 2913, j'ai remarqué des traces de passage, confirmant que j'aurais dû rester sur la ligne de crête, mais je ne sais pas trop où j'ai manqué la bifurcation…
La suite du parcours s'est révélée plus évidente. Un chemin relativement bien marqué, jalonné de cairns, traversait le versant ouest avant de rejoindre l'arête une centaine de mètres plus loin. La sente continuait ensuite en épousant les courbes de la crête, contournant les ressauts rocheux tantôt par la gauche, tantôt par la droite. J'ai ainsi rejoint une large butte rocheuse (P. 3046) où trônait un déclencheur d'avalanches.
L'arête de Sorebois s'était révélée être un terrain de jeu varié et stimulant, alternant entre des passages paisibles où l'on pouvait marcher tranquillement et d'autres, légèrement exposés ou aériens, exigeant un peu de concentration et un pied sûr. Les passages techniques, toujours assez courts, étaient répartis tout au long de l'arête qui ne dépassait guère la cotation T4.
Le passage clé
Devant moi, barrant l'horizon, se dressait une imposante paroi rocheuse, tel un rempart infranchissable. Je me suis dit que cela devait être le fameux passage clé situé entre P. 3046 et P. 3139, dont j'avais entendu parler. Les informations que j'avais recueillies à son sujet étaient contradictoires, allant de "ravin abrupt, raide et très glissant" à "passage plus impressionnant que difficile", où le vertige était le principal obstacle à surmonter. La présence d'une longue échelle métallique, ancrée au milieu de la paroi, me faisait plutôt pencher pour la seconde option…
Le sentier longeait d'abord la base des blocs rocheux, puis il s'élevait par de courts zigzags dans un couloir un peu raide. Techniquement, je n'ai pas rencontré de grande difficulté. J'ai utilisé les prises naturelles offertes par la roche pour maintenir mon équilibre. Les câbles de sécurité installés le long du parcours, bien que rassurants, ne sont pas indispensables pour progresser sur le terrain sec. Je me suis dit qu'ils devaient être bien utiles par temps humide, lorsque la roche devient glissante.
Me voilà enfin au pied de l'échelle: quinze mètres de métal, solidement ancrés à la paroi, s'élevaient devant moi. Le vide sous les pieds, vertigineux, aurait pu décourager les personnes sujettes au vertige, tout comme les autres passages exposés rencontrés précédemment. Mais pour moi, c'était effectivement plus impressionnant que difficile.
Le plus inconfortable fut sans conteste la température glaciale des barreaux métalliques, engourdissant mes mains. J'ai regretté de ne pas avoir emporté de gants, mais ce n'est généralement pas l'accessoire que j'emporte dans mon sac à dos pour une randonnée au mois d'août…
Un câble en acier, judicieusement placé en haut de l'échelle, m'a aidé à franchir les derniers centimètres et à atteindre un petit replat. De là, j'ai pu observer les quelque cinquante échelons que je venais de gravir.
S'en est suivie une courte traversée aérienne et exposée, où j'ai, cette fois-ci, apprécié les câbles en acier. Enfin, j'ai débouché sur le flanc occidental de P. 3139. Le matériel installé avait grandement facilité le franchissement de cette paroi rocheuse, rendant l'ascension accessible même aux randonneurs moins expérimentés. Grâce à ces aides, la difficulté de ce tronçon ne dépassait pas la cotation T4.
Dernière ligne droite du Garda Bordon
Une courte éclaircie m'a permis d'observer et de photographier le sommet. Il semblait si proche, à portée de main, mais je savais que l'apparence était trompeuse. Un kilomètre à vol d'oiseau et 200 mètres de dénivelé positif m'attendaient encore, soit une bonne demi-heure de marche.
J'ai traversé le flanc d'un faux plat, un répit bienvenu avant l'assaut final. Puis, j'ai attaqué la dernière montée, sur un terrain instable composé d'éboulis. Les pierres roulaient facilement sous mes pieds, rendant la progression un chouia laborieuse. J'ai remarqué plusieurs sentes s'échappant dans le flanc, tentations trompeuses pour le randonneur pressé ou inexpérimenté. Mais je savais, grâce aux rares cairns qui jalonnaient le parcours, que la voie la plus sûre était de rester au plus près de l'arête, là où le terrain était un peu moins casse-gueule.
Enfin, après un dernier effort, j'ai atteint le sommet du Garda Bordon, marqué par un imposant cairn. La visibilité était réduite à quelques mètres, un brouillard épais et cotonneux m'enveloppait, me privant de la vue panoramique tant attendue. Par temps clair, ce sommet offre un spectacle grandiose, une vue à 360 degrés sur les géants des Alpes: le Weisshorn, avec sa silhouette pyramidale, le Zinalrothorn, aux arêtes acérées et dentelées, le Cervin, icône mondialement connue, et la Dent Blanche, majestueuse et imposante. La déception était immense, certes, au point d'oublier de capturer ce moment symbolique avec une photo du cairn sommital. Mais la réalité, immuable, est que la montagne est imprévisible. Il faut savoir composer avec ses humeurs changeantes, accepter ses défis et ses surprises, même les moins agréables. C'est aussi cela, l'essence même de l'aventure en montagne: apprendre à s'adapter, à lâcher prise, à apprécier chaque instant, même lorsque les conditions ne sont pas idéales.
Toponymie
"Garda Bordon", le nom actuel du sommet, a remplacé "Garde de Bordon" sur les cartes topographiques depuis 2017. Ce toponyme se compose de deux parties distinctes: "Garde" et "Bordon", chacune ayant une origine et une signification qui lui est propre.
Le terme "Garde" trouve ses racines dans le germanique "vardô", qui signifie "endroit d'où l'on peut surveiller les environs". Il est fréquemment associé à des sommets ou des lieux isolés et situés en hauteur, suggérant peut-être un poste d'observation ou un lieu où l'on pouvait se tenir en garde, prêt à défendre son territoire. Par beau temps, le sommet offre effectivement une vue panoramique exceptionnelle sur les alentours, corroborant cette hypothèse.
L'origine du terme "Bordon" est plus incertaine et sujette à interprétation. Il pourrait dériver du patronyme "Bordon", ou être un diminutif de "Borde", c'est-à-dire "borderie, petite ferme, métairie, maison de campagne", auquel on aurait ajouté le suffixe "– on". Enfin, il pourrait provenir d'une forme ancienne "Bord'hon", où "Borde" serait associé à "hon", une variante de "homme".
Si la signification de "Garde" en tant que lieu élevé semble tout à fait pertinente dans ce contexte, les différentes interprétations de "Bordon" sont moins évidentes à relier au sommet lui-même, à l'exception peut-être du patronyme…
Cotation de l'ascension
L'ascension du Garda Bordon par l'arête nord-ouest est cotée T5 sur Camptocamp, de surcroît, elle sert de référence pour la cotation des randonnées pédestres. Cette même cotation est reprise dans plusieurs reportages sur Hikr.org, dont la majorité sont malheureusement rédigés dans la langue de Goethe, ce qui rend leur compréhension difficile pour moi. D'après ce que j'ai pu saisir, le passage clé entre P. 3046 et P. 3139 n'était autrefois équipé que d'une corde fixe douteuse, rendant ce passage particulièrement délicat. Ce passage est désormais bien sécurisé grâce à des câbles en acier et une échelle métallique très stable, rendant l'ascension plus aisée et moins périlleuse.
J'ai été agréablement surpris de constater qu'un sentier bien marqué était présent quasi tout au long de l'ascension. Les cairns, disséminés çà et là, facilitaient également le repérage de l'itinéraire, même dans les passages les plus rocailleux.
Certes, il existe quelques passages aériens et légèrement exposés, mais par bonnes conditions météorologiques et avec un pied sûr, l'ascension reste relativement aisée. La cotation T5 me semble donc un peu sévère. J'aurais plutôt tendance à lui attribuer T4, voire T4-.
Descente par l'arête sud-est de Garda Bordon
J'ai mangé, bu, tourné en rond, exécuté toutes les danses rituelles possibles et imaginables pour conjurer le mauvais sort, échangé quelques mots avec un sympathique randonneur suisse-allemand qui m'avait rejoint au sommet. Après une demi-heure d'attente vaine dans ce qui ressemblait à une journée d'automne brumeuse dans le Gros-de-Vaud, sans la moindre éclaircie, j'ai dû me rendre à l'évidence: le ciel ne se dégagerait pas de sitôt. J'ai donc pris la décision d'entamer la descente.
Une sente discrète, presque invisible au premier abord, longeait l'arête sud-ouest. Au fil de ma progression, elle est devenue de plus en plus marquée. Le chemin était agréable, offrant une descente douce et régulière. Malgré le brouillard persistant, je n'ai rencontré aucune difficulté à suivre l'itinéraire.
Soudain, une éclaircie furtive a percé le voile nuageux, m'offrant un spectacle inespéré du paysage qui m'entourait. Sur ma droite, le lac de Moiry scintillait d'un bleu profond, tandis que sur ma gauche, le glacier du même nom s'étendait, majestueux et imposant malgré son recul évident. Cette vision fugace, récompense inespérée après des heures de marche dans le brouillard, avait ravivé mon enthousiasme.
Comba Rossa
Vers 3130 mètres, j'ai rejoint un petit replat marqué par un discret cairn, signalant le moment de quitter l'arête et de bifurquer à gauche. Le sentier dévalait alors le long d'une sorte d'épaule dans le flanc sud-est. La pente était raide, la perte d'altitude rapide, et le terrain, un mélange instable de caillasse terreuse, rendait chaque pas incertain. Malgré mes efforts pour contrôler ma descente, quelques cailloux se sont dérobés sous mes pieds, surtout lorsque je me laissais aller à un léger pas de course pour épargner mes articulations.
La Comba Rossa, ou combe rouge, portait bien son nom. Au fur et à mesure que je progressais, les cailloux prenaient une teinte de plus en plus rousse, oscillant entre le jaune foncé et le rouge vif, créant un contraste saisissant avec le vert des prairies alpines en contrebas.
Le soleil, malheureusement en retard sur les prévisions, illuminait désormais l'arête entre le Garda Bordon et le Col de la Lé, révélant ses contours escarpés et ses parois rocheuses. Sur la crête, quelques silhouettes graciles se déplaçaient avec aisance, probablement des bouquetins, bien que la distance m'ait empêché de les identifier avec certitude.
Vers 2950 mètres d'altitude, le sentier marquait un virage distinct vers la droite, poursuivant sa descente en direction du sud. La pente s'adoucissait peu à peu, me permettant d'admirer le paysage tout en marchant.
De Comba Rossa au parking du Glacier de Moiry par Fêta d'Août de Châteaupré
Une centaine de mètres plus bas, le sentier s'est effacé. La caillasse, omniprésente jusqu'alors, cédait progressivement la place à l'herbe. Deux cairns solitaires m'ont guidé un instant, puis plus rien. J'ai alors longé le ruisseau, choisissant de rester sur sa rive droite.
Au fil de ma descente, la vue sur le glacier de Moiry, dominé par les majestueuses Pointe de Moiry et Pointes du Mourti, s'ouvrait de plus en plus, m'offrant un spectacle à la fois grandiose et mélancolique. Le retrait du glacier, sur lequel j'avais fait mes premiers pas d'alpiniste, était impressionnant et désolant.
Vers 2700 mètres d'altitude, j'ai obliqué vers l'est. La descente, facilitée par ces traces de passage d'animaux ou des randonneurs précédents, m'a mené jusqu'à un sentier pédestre bien marqué, vers 2510 mètres.
Un peu plus loin, un joli chalet en pierres inoccupé a attiré mon regard. J'ai profité de la table en bois pour me désaltérer et reprendre des forces, tout en contemplant le panorama qui s'étendait devant moi. Le ciel s'était enfin dégagé, révélant les sommets environnants dans toute leur splendeur.
Après cette longue pause revigorante, j'ai rejoint le poteau indicateur de Fêta d'Août de Châteaupré (P. 2510), puis j'ai suivi le même itinéraire qu'à l'aller pour retourner au parking du Glacier de Moiry, point de départ de cette randonnée sauvage.