Accès

Accès en voiture

Emprunter l'autoroute A12 jusqu'à la sortie de Bulle, puis continuer en direction de Château-d'Oex. Après avoir traversé le village d'Albeuve, poursuivre sur environ 500 mètres avant de tourner à droite, en direction des Sciernes. La route, assez étroite, serpente sur près de 3 kilomètres. Quelques places de stationnement sont disponibles à proximité de la gare.

Accès en transports publics

Prendre le train du Montreux Oberland bernois (MOB), circulant sur la ligne Montreux–Zweisimmen, jusqu'à l'arrêt sur demande "Les Sciernes". Consulter l'horaire en ligne des CFF pour trouver la meilleure correspondance.

La halte des Sciernes: un écrin de tranquillité

En descendant du train à la halte isolée des Sciernes, j'ai été immédiatement saisi par le calme ambiant. Cette sensation de tranquillité s'est encore renforcée lorsque le train a repris sa course et que les barrières routières se sont relevées. Un silence profond et apaisant s'est alors installé, seulement troublé par le murmure discret des arbres, de l'herbe et des graminées bercées par le souffle léger d'un vent frais.

Le Rosaire: témoin silencieux de l'époque de la "peste blanche"

J'ai suivi la Route de la Gare, qui serpentait à travers d'immenses prairies verdoyantes qui semblaient s'étendre jusqu'à l'horizon. C'est alors qu'un grand bâtiment délabré a émergé d'un bosquet: Le Rosaire. Ce préventorium, construit dans les années 1930, avait autrefois accueilli femmes, jeunes filles et enfants en quête des bienfaits guérisseurs de la nature. À cette époque, il n'existait aucun traitement efficace contre la tuberculose pulmonaire, une maladie redoutable et souvent mortelle. Le sanatorium de l'Ordre du Rosaire incarnait alors l'ultime espoir pour les malades. La "peste blanche" a emporté des dizaines de milliers de vies, et ce n'est qu'au début des années 1950 que des antibiotiques efficaces contre cette infection bactérienne ont été découverts. Devenus désormais obsolètes, de nombreux établissements ont dû fermer, et Le Rosaire n'a pas échappé à ce sort.

Dans les années 1990, le bâtiment a été racheté et une école privée, proposant des cours de langue et des activités de loisirs, s'y est installée pendant quelque temps. Toutefois, face à la nécessité d'investir des millions pour mettre l'édifice aux normes, Le Rosaire a finalement fermé définitivement ses portes.

L'édifice, autrefois majestueux, gît désormais à l'abandon au cœur du paysage pittoresque de la Gruyère, telle une carcasse oubliée. Mais peut-être, un avenir plus prometteur l'attend: vendu récemment à des investisseurs établis à Dubaï, il pourrait bien renaître de ses cendres pour se muer en hôtel de luxe…

Les Sciernes d'Albeuve: un hameau figé dans le temps

J'ai poursuivi ma marche le long de la Route de la Gare, tournant peu à peu le dos au Rosaire, qui, bien que marqué par le temps et les épreuves, semblait encore chuchoter son passé. Après quelques minutes, le hameau des Sciernes d'Albeuve s'est dévoilé, et j'ai eu l'étrange impression de voyager dans le temps en découvrant ses chalets en bois typiques nichés au creux des pâturages.

Le toponyme "Scierne" dérive de "cierne" dont le "C" initial s'est mué en "S". Ce terme tire son origine du patois "cergna, cernyi", et signifie "défricher la forêt par cernes ou cercles". Le village était peut-être jadis en partie entouré par la forêt, mais la forme de cercle ne s'y retrouvait plus vraiment. Soit ce dessin s'est effacé avec le temps, soit les bois ont été cernés, c'est-à-dire entièrement arrachés jusqu'aux racines.

En arrière-plan, la Dent de Lys se dressait déjà. À ses côtés, le Grand Sex, avec ses parois imposantes, dominait majestueusement la scène. L'arête reliant ces deux sommets, celle que j'avais l'intention d'emprunter, demeurait cependant invisible, masquée par une antécime (P. 1792) sur l'arête sud-ouest de la Dent de Lys.

Malgré le soleil déjà haut dans le ciel, le hameau baignait dans un calme absolu: nulle âme qui vive, pas le moindre bruit. Seul l'écho de mes pas sur l'asphalte résonnait, et j'avais l'impression de réveiller tout un village endormi, de troubler la sieste paisible des chats à l'ombre des chalets.

Des Sciernes aux Prés d'Albeuve: entre asphalte et fleurs sauvages

J'ai traversé le hameau en suivant les panneaux jaunes menant au Col de Lys. Le sentier pédestre ne quittait pas l'asphalte, ce qui, à première vue, aurait pu rendre la marche moins attrayante. Pourtant, l'éclatante diversité des fleurs sauvages qui venaient égayer les prairies a rapidement eu raison de cette monotonie.

Une fois les Sciernes d'Albeuve derrière moi, j'ai poursuivi mon chemin jusqu'à un croisement de sentiers, aux Planis, à environ 1040 mètres d'altitude. Là, j'ai continué à droite en direction d'Albeuve. Moins de cent mètres plus loin, devant la ferme des Gros Planis, j'ai abandonné le sentier balisé qui filait tout droit pour bifurquer à gauche. L'asphalte, d'un noir profond, dégageait une chaleur impitoyable, rendant cette portion du parcours particulièrement pénible. La sueur ruisselait sur mon front en grosses gouttes, sans que je puisse trouver la moindre trace d'une ombre bienveillante.

J'ai suivi la Route des Prés sur près de 900 mètres, tout en admirant les vastes étendues verdoyantes, jusqu'à atteindre le point P. 1121. Lorsque les premiers toits des maisons des Prés d'Albeuve sont apparus à l'horizon, j'ai bifurqué à droite en direction de Pra Chablex. Près du panneau d'interdiction générale de circuler, deux autres panneaux indiquaient que j'entrais dans le district franc fédéral de la Dent de Lys. Ils rappelaient notamment les règles en vigueur: nécessité de tenir les chiens en laisse, interdiction formelle du camping et de l'utilisation de drones. De plus, il est recommandé d'emprunter les chemins, mais il est permis de s'en écarter à condition de ne pas déranger ni de poursuivre les animaux, et d'éviter tout bruit susceptible de les effrayer. Je connaissais déjà bien ces consignes, mais un petit rappel ne faisait jamais de mal.

Des vaches paissaient paisiblement dans les prairies parsemées de fleurs, levant de temps à autre la tête pour me jeter un regard intrigué. Le doux tintement des cloches résonnant dans l'air, accompagné de cette profusion de fleurs et de couleurs, m'a fait comprendre que l'été était enfin arrivé pour de bon.

De Saucisson à Chèveresse: voyage au cœur de la toponymie

J'ai rapidement atteint une ferme au nom pour le moins intrigant: Saucisson. Ce nom étrange proviendrait d'une déformation de "Chaucisse", influencée par sa ressemblance sonore avec l'aliment bien connu, bien qu'il n'y ait aucun rapport avec la charcuterie. "Chaucisse" tirerait en effet son origine du mot latin "calcaticia", dérivé de "calcatio", qui signifie "action de fouler". Il pourrait désigner un talus retenant l'eau d'un cours d'eau, ou bien un chemin surélevé, aménagé pour le passage. Malheureusement, le relief autour de la ferme ne m'a pas permis de trancher entre ces hypothèses. Voilà encore un mystère toponymique qui demeurera probablement sans réponse.

Tout en avançant, j'admirais le majestueux massif du Vanil Noir et, plus loin, les sommets des Préalpes vaudoises et du massif des Diablerets. À une bifurcation (P. 1173), j'ai été dévisagé par d'autres vaches, mais c'est surtout un panneau habilement modifié qui a capté mon attention: un ancien disque d'interdiction aux bovins avait été converti en triangle avertissant de leur présence. Un bel exemple de recyclage, même si le nouveau message ne m'a pas sauté aux yeux immédiatement…

La route asphaltée continuait vers Servan, mais j'ai choisi la branche gauche, dont le revêtement, usé par les années, s'effritait peu à peu. La montée dévoilait un panorama de plus en plus vaste, offrant, par moments, des vues sur les Prés d'Albeuve. Le long du chemin, des fraises sauvages, rouges et juteuses, m'ont invité à de courtes pauses gourmandes. À quelques reprises, j'ai aperçu un rapace planant avec grâce au-dessus de l'arête sud-ouest de la Dent de Lys. Avec sa queue fourchue, son plumage roux et les taches blanches sous les ailes, il avait tout l'air d'un milan royal, mais la distance m'empêchait de l'identifier avec certitude.

Après avoir dépassé le chalet des Grosses Frasses, j'ai poursuivi jusqu'à ce que la route traverse un petit cours d'eau. Le chalet de Chèveresse, orné d'un magnifique toit de tavillons parfaitement entretenu, se trouvait à peine à cent mètres de là. "Chèveresse" dérive de l'ancien français "cheverrie" ou "chevrerie", signifiant "endroit où se rassemblent les chèvres", et du latin "capraria", indiquant un "lieu où l'on élève des chèvres". Le toponyme désigne ainsi un lieu dédié à l'élevage caprin, ou un pâturage qui était autrefois réservé aux chèvres. Par extension, il pourrait aussi évoquer un endroit où l'on trouve des chevreuils ou des chamois, puisque la chevrette et la chèvre désignent aussi la femelle de ces animaux.

De Chèveresse à En Vany: aventure hors sentier

Jusque-là, j'avais évolué sur des routes sans la moindre difficulté technique (T1). Il était enfin temps de quitter les chemins tracés pour me lancer véritablement à l'aventure. À partir de ce point, il n'y avait en effet plus de chemin, du moins aucun qui figurait sur les cartes topographiques…

J'ai emprunté une large piste qui longeait le lit d'un torrent totalement asséché sur la rive gauche. Très vite, elle s'est transformée en un sentier à vaches qui suivait une clôture vers le nord-ouest, c'est-à-dire précisément la direction que je souhaitais prendre. Je visais en effet le pied d'un ressaut rocheux bien visible, situé vers 1600 mètres dans le versant sud du Grand Sex.

J'évoluais désormais dans un silence profond, chaque pas amorti par l'herbe épaisse sous mes pieds. Un mouvement furtif en amont a soudain attiré mon regard: un chamois venait de traverser mon champ de vision. En y prêtant plus attention, j'en ai aperçu deux autres. Ils m'avaient aussi repéré, mais, contrairement à leur habitude, ne se sont pas enfuis. La grande distance qui nous séparait leur conférait sans doute un sentiment de sécurité. Pouvoir évoluer ainsi dans leur environnement et les observer paisiblement en train de brouter était un pur bonheur.

Les surprises s'enchaînaient. Les prairies d'un vert intense étaient constellées de taches éclatantes de blanc et de jaune: des narcisses qui ondulaient gracieusement sous l'effet de la brise. Chaque fleur, avec sa corolle délicate et son cœur coloré, semblait vibrer d'une énergie particulière. Le spectacle visuel s'accompagnait d'une expérience olfactive enivrante: l'air était saturé d'un parfum floral complexe, aux accents tantôt miellés, tantôt légèrement épicés.

En scrutant plus attentivement les pentes herbeuses, j'ai fini par discerner une douzaine de chamois disséminés: certains broutaient, d'autres se reposaient sur des rochers, d'autres encore flânaient tranquillement, sans jamais sembler inquiets de ma présence.

Alors que j'avançais, un sifflement strident a déchiré la combe: une marmotte venait également de remarquer mon passage. Bien plus craintive, elle a aussitôt fui vers son terrier.

Entre la "neige de mai", les chamois et les marmottes, un quart d'heure à peine après avoir quitté la route, j'en avais déjà plein les yeux, et l'aventure ne faisait que commencer!

Vers 1400 mètres d'altitude, la trace filait vers le nord-est en direction du chalet du Cuvigné, indiqué sur la carte, mais invisible depuis ma position. J'ai suivi une large épaule, orientée nord-nord-ouest, en bordure d'un pierrier. Vers 1480 mètres, j'ai mis le cap au nord-ouest avant de longer un second pierrier, puis, une fois atteint les 1600 m, j'ai entamé une traversée en faux plat de droite à gauche, suivant une jolie sente probablement tracée par le passage régulier d'animaux sauvages. Une terrasse herbeuse assez large, bien qu'un peu aérienne, m'a ensuite permis de franchir le ressaut rocheux sans encombre. Ce passage s'est donc révélé bien moins technique que ce que j'avais imaginé. Néanmoins, l'ascension depuis Chèveresse justifie la cotation T4-, car elle comporte des pentes raides, quelques courts passages légèrement exposés, et l'absence de sentier exige de bonnes capacités d'orientation.

Plus haut, dans les pentes de la face sud du Grand Sex, une autre harde d'au moins vingt chamois s'étalait. Les adultes semblaient, comme auparavant, indifférents à ma présence, mais les étagnes accompagnées de leurs cabris se sont éloignées prudemment.

Je me suis arrêté, fasciné par le spectacle, quand un cri étrange, venu de derrière un bloc rocheux, m'a intrigué. Une perdrix bartavelle a jailli quelques secondes plus tard, filant bien trop vite pour que je puisse la photographier.

Encore quelques pas, et je me suis retrouvé devant les ruines du chalet d'En Vany. Ce toponyme vient du patois "vané" et désigne une "bande de terrain transversale dans les rochers", ce qui correspondait parfaitement à la topographie des lieux.

D'En Vany à l'arête nord-est de la Dent de Lys

Plus je progressais, plus j'apercevais de chamois dispersés sur le flanc du Grand Sex. Leur capacité de camouflage était remarquable: chaque fois que je détournais le regard, de nouveaux individus apparaissaient presque par magie. Le spectacle était tout simplement fascinant. Peu à peu, la harde a tranquillement migré vers un col (P. 1805) sur l'arête entre le Grand Sex et la Dent de Lys, là même où je comptais aussi me rendre. Afin de ne pas déranger davantage les chamois –- car, après tout, c'était leur royaume et j'étais l'intrus –- j'ai mis le cap vers l'est-nord-est, serpentant entre les lapiaz.

Soudain, six ou sept vautours fauves ont surgi, planant majestueusement au-dessus de la combe. Les plus jeunes ont filé sans détour vers le Grand Sex, tandis qu'un imposant adulte a décrit de larges cercles dans le ciel, sans doute en quête de nourriture. J'ai eu tout le loisir de l'observer et de le photographier avant qu'il ne rejoigne ses congénères.

En franchissant une épaule de lapiaz, j'ai surpris une autre harde de chamois, paisiblement installée dans une vaste combe herbeuse. Cette fois-ci, ma proximité a provoqué une débandade vers le col. Pour tenter de leur paraître moins menaçant, j'ai reculé et me suis caché derrière un bloc rocheux. Cela a en partie apaisé les animaux, qui ont ralenti l'allure. Une scène cocasse s'est alors jouée sous mes yeux: un cabri, absorbé par son broutage, refusait obstinément de suivre le mouvement. Sa mère a dû le pousser à plusieurs reprises du museau pour qu'il accepte enfin de bouger.

Je suis resté caché jusqu'à ce que le groupe se soit suffisamment éloigné. Ce n'est qu'alors que j'ai repris ma route en direction du nord-ouest, jusqu'à atteindre l'arête nord-est de la Dent de Lys.

Sur le fil de l'arête: l'assaut final de la Dent de Lys

Une vague sente, probablement tracée par le passage régulier d'animaux sauvages, suivait l'arête. Celle-ci était légèrement aérienne, mais ne présentait pas de réelle difficulté technique, alternant courtes montées et descentes.

Plus loin, la pente s'est accentuée pour l'assaut final. Je suis resté près du fil de l'arête, délaissant quelques traces vagues qui s'éloignaient dans le versant.

Des ressauts rocheux barraient l'accès à ce qui paraissait être le sommet, mais qui n'était en réalité qu'une antécime. Ces impressionnants obstacles semblaient, au premier abord, infranchissables. Cependant, en restant près de l'arête, j'ai toujours trouvé des passages relativement aisés. J'ai toutefois dû utiliser mes mains à plusieurs reprises pour franchir de courts passages d'escalade de niveau I, légèrement exposés, ce qui justifie pleinement la cotation T4+. J'aurais sans doute pu éviter ces difficultés en traversant le flanc vers 1850 mètres pour rejoindre l'arête est, beaucoup moins accidentée, mais quel aurait été le plaisir à cela?

En atteignant enfin l'antécime, j'ai aperçu la croix sommitale à environ deux cents mètres de là. Sans surprise, par ce temps magnifique, de nombreux randonneurs s'y étaient rassemblés. Plus étonnant, un bouquetin s'était couché près d'eux, totalement indifférent à leur présence.

La Dent de Lys, reine de la chaîne

La Dent de Lys est le point culminant de la chaîne du même nom, qui s'étire du Vanil de l'Arche au nord jusqu'au col de Pierra Perchia au sud. Elle traverse ainsi le Vanil Blanc, le Petit Sex et le Grand Sex, avant d'atteindre la Dent de Lys, puis de se prolonger par le Folliu Borna, le Vanil des Artses et Le Pila. Avec ses 2014 mètres, la Dent de Lys est le seul sommet de la chaîne à dépasser la barre des 2000 mètres.

Il semble que ce sommet ait autrefois porté le nom de "Vanil de Vuidèche" ou "Chaux de Vuidèche", en référence à un vallon situé au sud de la montagne, aujourd'hui orthographié "Vudèche". Toutefois, je n'ai pas pu confirmer cette appellation: sur les cartes Dufour, réalisées entre 1845 et 1864, le sommet figure déjà sous son nom actuel.

"Lys": entre marécages et rochers

L'origine du nom "Lys", comme celle de tant d'autres toponymes alpins, a donné lieu à de nombreuses interprétations. La plus répandue veut qu'il dérive du gaulois "luto-, lutevo-, luteno-" et du latin "luteus, lutosus", signifiant "marais, marécageux" ou "boueux, bourbeux". Ce nom ferait référence aux zones humides autour de l'alpage d'En Lys, désignées comme marécageuses sur les cartes topographiques, le toponyme ayant ensuite "monté" vers le col et le sommet.

Une variante très proche suggère une origine patoise, dans laquelle le mot "li" désignerait un "lac", renvoyant à l'accumulation temporaire d'eau lors de la fonte des neiges dans ces mêmes zones.

D'autres théories, qui semblent avoir perdu la cote aujourd'hui, rapprochent "Lys" du mot "", issu du celtique "lica, licca" ou du gaulois "lake", signifiant "pierre plate, dalle, falaise". Cette hypothèse s'accorde bien avec la morphologie du sommet: son versant nord-ouest présente de vastes pentes gazonnées striées de couloirs pierreux qui remontent vers des bancs rocheux, tandis que le versant sud-est est composé de deux combes séparées par une croupe rocheuse butant contre la pente terminale. Dans ce cas, le toponyme serait "descendu" du sommet vers le col et l'alpage.

Chaque interprétation entretient des liens pertinents avec la géographie locale, ce qui rend la toponymie ici, comme ailleurs, à la fois complexe, énigmatique et fascinante.

Le spectacle à 360 degrés depuis la Dent de Lys

Lorsque j'ai atteint le sommet, l'origine du nom m'importait peu. J'étais entièrement captivé par le panorama grandiose qui s'offrait à moi. Le ciel, bien que parsemé de nuages, restait suffisamment clair pour révéler l'immensité des Alpes et des Préalpes, s'étendant à perte de vue.

Au nord-est, l'arête que je venais de gravir se détachait nettement. Le Grand Sex, avec sa silhouette imposante et ses versants abrupts, dominait le premier plan, tandis que le Vanil Blanc semblait vouloir s'étirer pour s'immiscer dans le tableau.

En tournant le regard vers l'est, la Haute Gruyère, surplombée par le massif du Vanil Noir, se déployait majestueusement. Plus loin, on distinguait la succession des Préalpes et des Alpes: des Diablerets aux Dents de Morcles, en passant par le Grand Muveran et les Combins, pour ne citer que quelques-uns de ces géants emblématiques.

Au sud, la chaîne du Lys se poursuivait avec le Folliu Borna et le Vanil des Artses. À l'arrière-plan, les Dents du Midi dressaient fièrement leurs crêtes acérées. Par temps clair, le massif du Mont Blanc aurait aussi pu se dévoiler, mais ce jour-là, ses glaciers restaient dissimulés derrière les nuages.

À l'ouest, le relief devenait plus doux, descendant progressivement vers le Léman. Vers le nord, les alpages verdoyants du vallon de la Marive s'étendaient sous le regard du Teysachaux et du Moléson.

À ce panorama à 360 degrés saisissant s'ajoutait la présence de chamois et de bouquetins arpentant les pentes ombragées du versant nord-ouest. Un jeune aigle fendit le ciel à proximité du sommet, mais il disparut rapidement en direction du Grand Sex.

Du sommet au Col de Lys par la voie normale

J'ai été saisi par une certaine appréhension en m'engageant sur la voie normale menant au Col de Lys: il y a une dizaine d'années, un compagnon de montagne y avait fait une chute mortelle, et je n'étais pas revenu ici depuis. Je me suis donc concentré sur mes pas, malgré le décor à couper le souffle, car le sentier longeant l'arête sud-ouest est aérien et comporte des passages exposés exigeant un pied sûr et l'absence de vertige.

Après quelques pas hésitants, deux bouquetins allongés sur le chemin ont attiré mon regard. Cette rencontre inattendue a détourné mon esprit de ce pénible souvenir et m'a permis de retrouver mon assurance habituelle.

J'ai rapidement atteint un premier passage équipé de chaînes, sécurisant la descente d'un tronçon escarpé et exposé. Le sentier poursuivait son tracé aérien en dominant les Reilles, un toponyme issu de l'ancien français "railles" ou "reilles", signifiant "barres" ou "lattes". Ici, le nom prenait tout son sens tant les barres rocheuses étaient nombreuses.

L'exposition m'a paru plus marquée que dans mes souvenirs. Impossible de ne pas songer qu'une glissade, à certains endroits, serait fatale. J'ai également remarqué plusieurs broches le long du chemin, mais je me suis demandé combien de randonneurs s'engagent ici avec corde et baudrier…

Vers 1900 mètres, il fallait quitter l'arête pour contourner un éperon rocheux. Le sentier plongeait alors dans le versant sud-est. La descente, raide, était parfois équipée de chaînes. Il fallait rester attentif pour ne pas déclencher des chutes de pierres sur d'éventuels randonneurs situés plus bas.

Après environ cinquante mètres, une vire permettait de traverser. Il restait alors à remonter un sentier raide et caillouteux. Certains passages auraient mérité des chaînes supplémentaires, mais leur absence dissuade peut-être les randonneurs moins expérimentés – d'autant que ce chemin, bien qu'indiqué sur les cartes topographiques, n'est pas officiellement balisé.

Les difficultés se sont atténuées en retrouvant la crête, même si son caractère aérien persistait jusqu'à Lys Derrey. Ce sommet intermédiaire constitue souvent un point d'arrêt pour les randonneurs rebutés par les premiers passages exposés: ce jour-là, une famille s'y était installée pour admirer la vue.

Au-delà, le parcours s'est transformé: la descente finale, paisible, serpentait à travers des pentes gazonnées jusqu'au Col de Lys. Toute la technicité (T4) se concentre donc entre la Dent de Lys et Lys Derrey, le dernier tronçon ne dépassant pas le T2.

Du Col et le Lys au Folliu Borna par l'arête sauvage

L'arête sauvage en direction du Folliu Borna s'annonçait très intéressante. Au col, les pâturages verdoyants étaient parsemés de narcisses et de nombreux promeneurs profitaient du spectacle.

Un sentier bien marqué, mais non répertorié sur les cartes topographiques, longeait la crête. Le départ, agréable et tranquille, m'a permis d'admirer le chalet d'alpage d'En Lys et son marécage. Cependant, le chemin est rapidement devenu plus aérien. Une première difficulté s'est présentée lorsqu'il a fallu descendre un petit ressaut rocheux légèrement exposé, à demi encombré par des branches sèches d'un arbre en piteux état. Par réflexe, je m'y suis accroché, mais elles ont cédé aussitôt, heureusement sans conséquences. L'exposition était comparable à celle de la voie normale de la Dent de Lys, à la différence près qu'ici, aucune chaîne ne venait rassurer les randonneurs.

Sur le versant oriental, des chamois paissaient tranquillement, leurs oreilles frémissant au moindre bruit, suivant d'un œil curieux ce randonneur solitaire qui alternait montées et descentes sur l'arête. À la base d'une petite protubérance (P. 1723), une sente semblait la contourner par le flanc ouest, mais elle était très étroite et instable. J'ai donc opté pour une trace moins visible, grimpant vers le sommet par de hautes marches naturelles nécessitant l'usage des mains. Cet obstacle, impressionnant de loin, s'est révélé plus abordable qu'il ne paraissait.

Plus loin, j'ai franchi un deuxième passage similaire, également par le haut. L'arête s'est ensuite élargie, et l'ambiance est devenue moins aérienne, offrant un court répit avant l'ascension finale du Folliu Borna.

La pente s'est à nouveau redressée de manière spectaculaire. Orienté au nord et souvent humide, le terrain s'est révélé ce jour-là étonnamment peu glissant. La sente s'est très vite estompée. J'ai donc suivi la crête herbeuse au plus près de la ligne de faîte. Dans la partie supérieure, le terrain s'est fait plus rocailleux et technique. Plusieurs sentes, probablement tracées par des animaux, s'écartaient dans la face, mais j'ai tenu le fil de la crête. J'ai contourné un premier ressaut rocheux par la gauche, puis un second par la droite, via une sente discrète, étroite et légèrement exposée. Enfin, un dernier crapahutage m'a mené au sommet du Folliu Borna.

Au sommet du Folliu Borna

Les passages exposés sur l'arête, combinés à l'ascension finale, justifient pleinement la cotation T4+. À vouloir chipoter, certains pourraient même plaider pour un T5- sur le dernier tronçon. Quoi qu'il en soit, après avoir tant insisté sur les aspects "aériens", "raides" et "exposés", je pense que le message est suffisamment clair…

Ce sommet connaît une assez bonne fréquentation en hiver, mais reste peu visité durant la belle saison. Comparé à ses deux voisins, la Dent de Lys et le Vanil des Artses, il paraît presque insignifiant. Et pourtant, il mérite amplement le détour: il offre une vue splendide sur la Dent de Lys et l'itinéraire que je venais de parcourir. Au sud-est, le versant nord du Vanil des Artses, abrupt et imposant, s'étalait dans toute sa majesté. Un replat herbeux accueillant m'a invité à m'asseoir pour savourer pleinement ce spectacle grandiose.

Le toponyme de ce sommet recèle lui aussi son lot de mystères. Selon certaines sources, le mot "folliu" désignerait des sommets, bien que son origine reste obscure. D'autres y voient une variation graphique de "Foilly" ou "Foilla", des termes qui pourraient venir du latin "folium", signifiant "feuille", et évoquant des terrains boisés de feuillus. Pourtant, ces mots ou leurs variantes sont surtout employés pour désigner des sommets ou pâturages situés au-dessus de la limite des forêts – un paradoxe étymologique intéressant. Une autre hypothèse, sans doute plus convaincante dans ce contexte géographique, propose une origine celtique, "faill", qui signifie "paroi rocheuse" et renvoie à "pointe, arête ou rocher".

Le terme "Borna", quant à lui, dérive de l'ancien français "bodne, bone, bonne, borne, bosne" et du bas latin ou gaulois "bodena, bodina", désignant une "borne de frontière, limite".

Le Folliu Borna serait-il donc un "sommet-frontière"? Il est vrai qu'il marque la limite entre les districts de la Gruyère et de la Veveyse… mais ses voisins aussi. Encore un mystère toponymique qui, comme tant d'autres, restera peut-être à jamais irrésolu.

Du Folliu Borna à la gare des Allières: entre prairies et chaleur ardente

Après un encas réparateur, j'ai entamé la descente le long de la crête sud-ouest, mais elle a été rapidement interrompue par un ressaut rocheux infranchissable sans matériel. Heureusement, il était possible de contourner cet obstacle par le flanc sud-est. Bien que la pente herbeuse fût raide, des marches naturelles facilitaient la descente. Une cinquantaine de mètres plus bas, j'ai suivi une vire assez bien marquée pour éviter la barre rocheuse. J'ai alors regagné l'arête, que j'ai de nouveau suivie jusqu'à proximité d'un col situé au pied d'une petite pointe (P. 1838).

Mes jambes commençaient à ressentir la fatigue accumulée, si bien que j'ai choisi de ne pas la gravir. J'ai donc mis le cap au sud-est en direction de deux dépressions, bien visibles et d'ailleurs indiquées sur les cartes topographiques.

À cet endroit, j'aurais pu continuer vers le nord pour récupérer le sentier pédestre à Chenau et le suivre jusqu'à retrouver aux Sciernes d'Albeuve. Cependant, voyageant en transports publics, j'ai opté pour une descente vers la gare des Allières. J'ai donc longé l'épaule jusqu'à P. 1721. Le terrain est ensuite devenu plus chaotique: arbustes entravant le passage, buissons masquant les appuis. Même les narcisses qui tapissaient la pente exigeaient de l'attention pour ne pas les piétiner! J'ai tout de même fini par rejoindre la piste d'alpage sans trop d'encombres. J'ai hésité à couper à travers les prairies pour atteindre les chalets de la Grosse Orgevalette, mais l'herbe haute m'en a dissuadé. J'ai finalement opté pour la route caillouteuse, qui ne rallongeait pas le trajet de manière significative.

En revanche, devant la large boucle menant à la Petite Orgevalette, la traversée par les pâturages constituait un vrai raccourci. J'ai suivi une sorte d'épaule, où l'herbe était moins haute, et dévalé la pente jusqu'à retrouver un sentier, indiqué sur les cartes, non loin de P. 1292. Ensuite, j'ai pris la direction sud-est jusqu'à l'alpage du Motélon d'Amont, où la trace s'est perdue dans l'herbe haute. Quelques pas plus loin, après avoir contourné une butte, la ferme a surgi, désormais toute proche.

Retrouver de l'asphalte sous mes pieds fut brutal: marcher sur une surface dure et sous la chaleur ardente rendait la progression pénible. Près du chalet d'Orgevau, j'ai retrouvé un sentier pédestre qui, après un virage en épingle, quittait la route pour dévaler sur un terrain bien plus agréable, offrant plusieurs zones ombragées.

Une vingtaine de minutes plus tard, j'ai de nouveau retrouvé l'asphalte, mais, cette fois, la gare des Allières, terminus de cette randonnée mémorable, n'était plus qu'à quelques enjambées.

Pendant que j'attendais le train, j'ai reparcouru mentalement les étapes de cette randonnée vraiment exceptionnelle, revoyant en pensée les tapis de narcisses éblouissants, les rencontres furtives avec la faune alpine, les arêtes aériennes et les panoramas à couper le souffle.