Accès
Accès en voiture
Emprunter l'autoroute A12 jusqu'à la sortie Bulle, puis continuer en direction de Château-d'Oex. À Montbovon, environ 200 mètres après la gare, tourner à droite en direction des Allières. Suivre la route étroite qui serpente à travers les pâturages sur environ 6.5 km. Quelques places de stationnement sont disponibles en contrebas de la gare des Cases, environ 500 mètres après la buvette de Seythours.
On peut également débuter la randonnée depuis le Col de Jaman. Dans ce cas, prendre l'autoroute A9 jusqu'à la sortie Montreux, puis rejoindre Les Avants avant de continuer jusqu'au parking du Col de Jaman. À pied, il suffit alors de suivre les panneaux du tourisme pédestre en direction des Cases jusqu'à atteindre le poteau indicateur installé dans un virage en épingle vers 1230 mètres, non loin d'un chalet d'alpage (P. 1241), qui marque le véritable point de départ de l'aventure. Depuis le col, il faut compter environ 45 minutes de marche pour rejoindre cet endroit en suivant le sentier balisé.
Accès en transports publics
Prendre le train du Montreux Oberland bernois (MOB), circulant sur la ligne Montreux–Zweisimmen, jusqu'à l'arrêt sur demande des Cases. Consulter l'horaire en ligne des CFF pour trouver la meilleure correspondance.
L'alpage des Cases
En descendant du train, je me suis retrouvé plongé dans une ambiance de profonde solitude. Cela ne m'a pas vraiment surpris, car le toponyme "Cases" vient de l'ancien français "case", qui signifie "petite et chétive maison". Ce mot désigne une construction modeste, généralement en bois, utilisée comme abri pour le chevrier, le berger, ou comme cabane destinée au bétail. Je n'ai donc pas été étonné de ne découvrir que quelques rares bâtiments isolés aux alentours, encore enveloppés par l'ombre matinale.
J'ai commencé l'ascension vers le Col de Jaman en empruntant le chemin de randonnée. Soudain, mon regard a été attiré par des taches blanches parsemées le long de la route forestière: des narcisses! J'adore ces fleurs aux corolles si fines et délicates, semblables à de la porcelaine, qui déploient leurs pétales d'un blanc immaculé et leur cœur jaune éclatant, évoquant de petits soleils miniatures éparpillés sur l'herbe. Je ne m'attendais pas du tout à en trouver dans ce secteur. La randonnée commençait décidément sous les meilleurs auspices.
Après plusieurs minutes de marche à travers l'alpage teinté de vert tendre, animé par ces véritables nuages blancs formés par les sublimes narcisses qui dansaient sous la brise matinale, j'ai atteint un poteau indicateur planté au milieu d'un virage en épingle vers 1230 mètres d'altitude, non loin d'un chalet d'alpage (P. 1241).
De l'alpage des Cases à Chenaussanne
J'avais eu l'occasion de visiter la Dent de Hautaudon pour la première et unique fois il y a une dizaine d'années déjà. À l'époque, j'avais emprunté un sentier clairement indiqué sur les cartes topographiques, et qui traversait les alpages de Chenaussanne et de Hautaudon. Or, à partir de la révision des cartes de 2018, le chemin n'y figure plus du tout. La grande question était donc de savoir si des traces de cet itinéraire subsistaient encore, et le cas échéant, dans quel état elles pouvaient bien se trouver…
Aucune indication vers la Dent de Hautaudon n'apparaissait sur le poteau indicateur situé au milieu du virage en épingle, mais c'est bel et bien à cet endroit que j'ai quitté le sentier balisé pour m'engager sur une large piste herbeuse qui partait en direction du sud.
Quelques pas plus loin, j'ai traversé le ruisseau des Cases, qui était complètement à sec. J'ai ensuite progressé vers l'est-sud-est, en suivant un faux plat à travers une prairie parsemée de fleurs sauvages jusqu'à la lisière de la forêt. Là, une clôture électrique me barrait le passage, mais fort heureusement, une poignée isolante permettait de l'ouvrir et de pénétrer dans la forêt sans devoir faire la moindre acrobatie.
Le chemin serpentait dans les bois, mais ici et là, des arbres morts gisant au sol entravaient la route. Je n'ai rencontré aucune difficulté particulière à les franchir, à l'exception d'un tronc imposant que j'ai dû contourner par la gauche, progressant sur la pente en suivant de vagues traces d'animaux.
Malgré la proximité de la civilisation, la forêt était nimbée d'un silence presque mystique, à peine rompu par quelques chants mélodieux d'oiseaux. Tout à coup, un sifflement a déchiré l'air: un chamois venait de signaler ma présence à ses congénères et s'est enfui aussitôt, bien trop rapidement pour que je puisse l'immortaliser avec mon appareil photo.
Malgré les quelques obstacles naturels, j'ai atteint sans encombre une clairière située à 1270 mètres d'altitude: Chenaussanne. Je n'ai remarqué aucune trace de la ruine indiquée sur les cartes vers 1240 m. Seule une vieille bassine rouillée semblait témoigner d'une utilisation passée des lieux pour y faire paître le bétail.
Le toponyme "Chenaussanne" a donné lieu à plusieurs interprétations. Selon la plus ancienne, ce nom serait composé des termes "chenau" et "sana". Le premier, issu du vieux français "chenaul", signifie "canal, couloir, fossé", tandis que le second signifie "sain". Ainsi, "Chenaussanne" désignerait un "couloir non ébouleux". Selon une interprétation plus récente, le nom de cet alpage serait composé d'un premier élément indéterminé et de "aussanne", qui serait une déformation de "autanne", où le "ss" est censé rendre le son patois "th". "Autanne" dérive du vieux français "autan" signifiant "août", et désignerait un alpage élevé où le bétail était mené au mois d'août. Cette hypothèse me paraît toutefois peu probable compte tenu de l'altitude modeste de l'alpage (1300 mètres), mais il est vrai que je ne suis nullement un expert en toponymie et que ces questions linguistiques recèlent souvent des surprises…
De Chenaussanne à Hautaudon
Sur l'alpage de Chenaussanne, le chemin semblait se prolonger en faux plat vers le sud-est. En réalité, il s'agissait seulement d'une sente qui s'évanouissait peu après dans la prairie. Pour rejoindre l'alpage de Hautaudon, il fallait continuer en direction sud-ouest, en zigzaguant entre les blocs rocheux partiellement dissimulés dans l'herbe. J'ai donc remonté la pente en essayant de rester assez proche de la lisière de la forêt située sur ma droite, tout en me dirigeant vers un petit groupe de conifères perchés à environ 1300 mètres d'altitude. Là, juste à côté, j'ai repéré un cairn érigé sur un bloc recouvert en partie de mousse. En m'approchant, j'ai aussi aperçu une ancienne trace de balisage rouge, presque effacée par le temps et les intempéries.
Non loin de ces signes très discrets, des clôtures ovines avaient été rangées avec soin, enroulées et attachées à un tronc d'arbre. Leur très bon état de conservation témoignait que le pâturage était toujours actif malgré l'isolement du lieu.
Dans la forêt qui m'accueillait à nouveau, un sentier bien marqué continuait l'ascension. Lors de mon passage en 2015, des rubans de signalisation rouge et blanc accrochés aux branches balisaient alors le parcours de manière assez visible. Cette fois, seuls quelques petits cairns discrets guidaient désormais mes pas.
Vers 1380 mètres d'altitude, le chemin s'est aplani pour une traversée horizontale d'environ 200 mètres, avant que la pente ne se redresse de nouveau. Progressivement, la forêt s'est faite plus clairsemée, le terrain plus humide et glissant, et le sentier, moins marqué, semblait parfois se fondre complètement dans le paysage.
Des tapis de crocus fraîchement éclos, aux teintes blanches et mauves qui formaient de véritables mosaïques colorées, confirmaient une fonte des neiges très récente. Ils laissaient aussi présager la présence de névés plus haut. En effet, au-delà de 1540 mètres, de grandes étendues blanches masquaient les dernières traces du sentier, et j'ai fini par le perdre totalement. Sans me laisser déstabiliser pour autant, j'ai poursuivi ma route en gardant le cap au sud-ouest.
Vers 1670 mètres, j'ai atteint les ruines d'une ferme en pierre sur l'alpage de Hautaudon. Un peu plus loin, une seconde bâtisse effondrée servait d'abri à des clôtures et à des bidons stockés pour l'hiver. Le nom de cet alpage, qui est "monté" à la Dent de Hautaudon, est composé des mots "haut" et "audon". Le premier terme, "haut", désigne d'habitude un lieu qui en domine un autre. Bien souvent, il s'agit d'une remotivation, c'est-à-dire d'une réinterprétation erronée du mot "au", qui signifie "alpage", généralement provoquée par une homonymie. "Audon", pour sa part, dérive par métaphore du français "auge", qui signifie "grand récipient creux", et du latin "alveus", signifiant "cavité". Ce toponyme désigne donc une doline, un endroit enfoncé ou creux. Ainsi, Hautaudon signifierait littéralement l'alpage du haut dans le creux, ce qui correspondait à merveille à la configuration du terrain que j'avais sous les yeux.
Alors que j'admirais le paysage, j'ai été surpris par une ombre furtive qui a glissé sur l'herbe tout près de moi. En levant la tête, j'ai découvert un jeune aigle royal qui traçait de larges cercles dans le ciel. Il s'est probablement demandé si j'étais son éventuel prochain festin ou simplement un intrus dans son domaine. En fin de compte, je n'ai pas dû être à son goût, car, au bout de quelques secondes, il a disparu vers les sommets, me laissant bouche bée devant cette magnifique et inattendue rencontre.
De l'alpage de Hautaudon à la Dent de Hautaudon par l'arête nord-est
Jusqu'à Hautaudon, le principal défi avait été l'absence de chemin clair par endroits après Chenausanne qui m'avait parfois obligé à naviguer à vue. Depuis l'alpage, l'itinéraire classique menant à la Dent de Hautaudon emprunte la large épaule herbeuse est, qui ne présente pas de difficultés notables (T3). L'arête nord-est, de son côté, semblait plus technique, mais rien d'insurmontable en apparence. Alors que j'étudiais la suite du trajet en scrutant les possibilités qui s'offraient à moi, un chamois a surgi sur cette même arête avec l'agilité caractéristique de son espèce. Le temps de l'immortaliser avec mon appareil photo, il avait déjà filé de l'autre côté du versant.
J'ai donc continué vers l'ouest, en direction d'une selle bien visible sur l'arête nord-est qui me servait d'objectif intermédiaire. Arrivé là, j'ai inspecté le versant occidental, espérant revoir le chamois, mais il s'était volatilisé. Je me suis même demandé comment diable il avait bien pu s'évanouir sur cette paroi aussi abrupte qu'inhospitalière.
J'ai alors suivi l'arête, qui offrait quelques passages légèrement aériens et de brèves sections d'escalade facile (niveau I), justifiant sa cotation T4. Une dizaine de minutes plus tard, j'ai atteint le sommet herbeux de la Dent de Hautaudon, signalé par une petite borne frontière. Le sommet, tout comme l'arête que je venais de remonter, constitue une limite naturelle entre le canton de Vaud et celui de Fribourg.
Le panorama était époustouflant: la combe de Jaman s'étendait sous mes yeux, la Dent de Jaman se détachait avec élégance sur le Léman scintillant au loin, et l'arête effilée vers le Vanil des Artses, via Le Corbé, la Cape au Moine et Le Pila, couronnait ce tableau grandiose.
Un léger bruit m'a soudain arraché à ma rêverie contemplative. Une étagne m'observait, à demi cachée derrière quelques arbres. Ses brefs allers-retours nerveux trahissaient son inquiétude face à cette présence humaine inattendue. Quelques secondes plus tard, j'ai compris la cause de son agitation: un cabri se tapissait entre les conifères. Je me suis accroupi pour leur paraître moins grand et moins menaçant. Peu après, la mère et son petit ont dévalé la pente vers le vallon de Bonaudon, le cabri trébuchant d'une maladresse touchante qui m'a arraché un sourire attendri.
À l'origine, j'avais envisagé de gravir aussi la Dent de Jaman, mais en voyant la foule qui s'entassait au sommet et les groupes qui s'agitaient sur la voie d'accès, j'ai rapidement changé d'avis. J'ai alors sorti ma carte topographique et décidé que le Merdasson serait désormais mon nouvel objectif.
De la Dent de Hautaudon au Col de Bonaudon
Avant d'entamer la descente vers le vallon de Bonaudon, j'ai d'abord longé l'arête sud-ouest sur plusieurs dizaines de mètres pour admirer les Gais Alpins, une arête rocheuse sans nom sur les cartes topographiques, composée de trois sommets. Leur traversée, du sud vers le nord, constitue une jolie petite course d'arête, idéale pour les débutants et débutantes (difficulté 4a) ou, en début de saison, un excellent exercice de remise en forme.
J'ai ensuite pris la direction du sud-est et dévalé la pente herbeuse à un rythme nettement moins soutenu que l'étagne et son cabri ne l'avaient fait peu avant. J'ai rejoint un petit bosquet situé aux environs de 1730 mètres d'altitude, où j'ai retrouvé un sentier bien marqué que j'ai alors suivi vers le sud-ouest. Ce beau chemin descend jusqu'à environ 1680 mètres d'altitude, au pied d'une paroi rocheuse des Gais Alpins, où il disparaît brusquement. J'ai longé la paroi en suivant des traces éphémères jusqu'à rejoindre à nouveau le chemin pédestre, environ 350 mètres plus loin, sentier que j'ai ensuite emprunté pour atteindre le Col de Bonaudon.
Du Col de Bonaudon au Merdasson
Au col, j'ai pris le temps d'immortaliser quelques marmottes qui sifflaient depuis leurs rochers, puis j'ai continué sur le sentier balisé en direction de la station de Jaman. Le versant était encore bien couvert de neige, mais grâce à une belle trace ouverte par le passage répété de randonneurs et randonneuses, j'ai facilement rejoint un croisement de sentiers (P. 1702). J'ai poursuivi ensuite vers la Perche. Il n'y avait plus beaucoup de traces dans la neige, mais l'objectif, c'est-à-dire l'ouverture supérieure du tunnel, restait parfaitement visible, et la neige, juste assez ramollie, permettait d'y enfoncer le pied sans risque de s'enliser ni de glisser outre mesure.
Sur le poteau signalétique installé à la station de la Perche, aucune indication ne mentionnait le sommet du Merdasson, mais une trace relativement bien visible s'élevait sur la pente herbeuse vers le nord-ouest. En gagnant de l'altitude, un sentier plus marqué serpentait entre les rhododendrons, hélas encore dépourvus de leurs éclatantes couleurs estivales. La pente finale, bien que plus raide, ne présentait aucune réelle difficulté technique.
Le petit plateau sommital du Merdasson offrait, à l'ouest, une vue à couper le souffle sur le Léman, tandis qu'au nord, la Dent de Jaman se dressait au premier plan dans toute sa majesté. Son sommet était bien trop fréquenté à mon goût: une foule dense s'y pressait, plusieurs groupes empruntaient la voie d'accès, tant à la montée qu'à la descente, et deux alpinistes escaladaient même la face sud. Je n'ai pas du tout regretté d'avoir changé de programme et d'avoir choisi un autre sommet, malgré son nom très peu flatteur. Le toponyme du Merdasson vient du latin "merdaceus", signifiant "merdeux", et désigne un lieu caractérisé par la mauvaise qualité de ses terres, un pâturage au sol fangeux, ou un cours d'eau particulièrement boueux. Ici, c'est la deuxième interprétation qui semblait la plus appropriée compte tenu de la nature du terrain environnant. Malgré un nom qui prête à sourire, j'ai savouré ce havre de tranquillité que j'ai seulement partagé avec un gypaète barbu et des parapentistes virevoltant tout près dans les airs.
Du Merdasson à Caux
Après être revenu à la station de la Perche par le même itinéraire, j'ai poursuivi ma marche en direction de Chamossale et du Col de Jaman. Ce n'est qu'au bout d'environ 400 mètres qu'il m'a fallu faire un choix: suivre encore le sentier balisé en direction du Col de Jaman (et éventuellement descendre jusqu'aux Cases), ou bien bifurquer à gauche sur un sentier non balisé, mais indiqué sur les cartes topographiques, qui descend vers Chamossale. J'ai opté pour cette dernière possibilité, car elle m'offrait une plus grande flexibilité pour rejoindre les transports publics.
À hauteur du chalet de Chamossale, j'ai retrouvé un sentier pédestre assez fréquenté. J'ai ensuite dévalé la large épaule du Crêt d'y Bau, un toponyme qui provient du patois "bau" signifiant "crêt des bœufs". Avec un nom pareil, il n'était guère étonnant que la descente soit raide, mais le sentier, bien entretenu, m'a mené sans encombre jusqu'à la station du même nom.
Pour éviter d'attendre près de 40 minutes le train à crémaillère pour Montreux, j'ai préféré continuer à marcher et profiter encore un peu de cette belle journée. J'ai longé la voie ferrée jusqu'à Haut-de-Caux, puis suivi le balisage jaune jusqu'à la gare de Caux, achevant ainsi une randonnée mêlant paysages sauvages, sommets oubliés et merveilleuses rencontres avec la faune.